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Yémen : Etat failli ?

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Quatre ans après avoir été l’un des points chauds du printemps arabe, le Yémen fait l’objet de nouveaux troubles politiques graves, avec la prise du pouvoir par des rebelles chiites, les Houthis. Le Yémen devient, jour après jour, une potentielle nouvelle Somalie ou un nouvel Afghanistan.

Les Houthis seront-ils capables de se maintenir au pouvoir ?
Les Houthis seront-ils capables de se maintenir au pouvoir ?

La nouvelle ère yéménite post-Saleh, chassé du pouvoir en 2011, n’aura donc pas duré plus de quatre ans. En l’espace de quelques semaines, les rebelles houthis ont assiégé la capitale Sanaa et ont poussé le gouvernement élu à la démission immédiate. Cela faisait suite à des manifestations monstres, mais pacifiques, à l’été dernier. Certes, ces rebelles ne contrôlent pas encore l’entièreté du pays et ne maintiennent un pouvoir de fait que par la menace et la force. Les provinces du Sud du pays, rattachées au Yémen en 1990 avec la fin de la Guerre Froide, restent pour l’instant dirigées par des gouverneurs issus du gouvernement déchu.

Néanmoins, cet état de fait doit faire croire à des heures sombres. Plusieurs chancelleries, notamment occidentales et moyen-orientales, ont ordonné à tous leurs ressortissants de quitter le pays. Alors même qu’Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique (sunnites) semblait la menace principale pour ce petit pays et faisait l’objet de nombreux bombardements de drones, quelques milliers de chiites ont suffi pour réduire à néant des mois de manifestations populaires. Les Houthis, historiquement, sont rattachés à la mouvance zaydiste, qui contrôla le Nord-Yémen jusqu’au début des années 1960. Ils sont longtemps demeurés une menace latente contre le pouvoir sunnite en place depuis lors et ont su agrandir leur influence après la chute de Saleh, en participant notamment à l’écriture d’une nouvelle Constitution en 2011. Il s’agit donc d’un mouvement à la fois militaire et politique, ce qui en fait une menace évidente et un adversaire coriace pour les sunnites de la région.

Une situation similaire de l’autre côté du Golfe d’Aden

A la proximité géographique entre la Somalie et le Yémen, séparés par le Golfe d’Aden, s’ajoute aujourd’hui une proximité politique. En effet, tout comme la Somalie est artificiellement divisée en plusieurs régions (Somaliland, Puntland, etc.), reflétant là la faillite totale de l’Etat, il y a fort à parier que le Yémen tende vers une telle situation. En effet, pas moins de quatre forces distinctes internes divisent irrémédiablement le pays. Outre le Sud du pays, n’ayant jamais accepté le rattachement de 1990, il y a également les nostalgiques de l’ancien régime destitué en 2011, ceux du régime tout juste déchu et la minorité houthie, représentée par son mouvement politique Ansarullah. Si, à ce constat, vous ajoutez une armée dépassée et les partisans d’Al-Qaïda, il est évident que ce cocktail est explosif.

Pour achever ce triste constat, le Yémen va très probablement devenir un enjeu régional majeur. Historiquement soutenu par l’Arabie Saoudite, le Yémen voit désormais, avec la montée houthie, l’intérêt croissant de l’Iran. Ainsi, le conflit larvé historique entre Riyad et Téhéran voit en le Yémen un nouveau terrain de confrontation. Quant aux Etats-Unis, engagés dans la lutte contre Al-Qaïda, ils pourraient bien voir en les Houthis un interlocuteur et un appui nécessaire à leurs combats, même si le Yémen est l’un des pays les plus anti-américains de la région. Attention, tout de même : malgré son statut d’Etat le plus pauvre de la région, le Yémen possède un atout que ni la Somalie ni l’Afghanistan, Etats faillis, n’avaient : son implantation stratégique, entre les ports du Golfe et le canal de Suez. Une implantation qui représente bien le dernier espoir d’un pays profondément tiraillé entre des intérêts divergents.

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