En Arabie Saoudite, la communauté chiite menacée
La reprise de la ville d’Al-Awamiyah début août 2017 par le royaume saoudien contre les insurgés chiites marque la fin d’années d’affrontements. Les chiites, qui représentent entre 10 et 15% de la population saoudienne, se situent dans les villes à l’est du pays, une région particulièrement riche en pétrole. Depuis la création de l’État saoudite en 1932, la minorité subit une politique d’isolement et de répression ressentie dans plusieurs domaines.
De la confrontation religieuse à la lutte pour l’égalité des droits
Les revendications des chiites saoudiens, jusqu’alors principalement à caractère confessionnel, sont depuis les années 1990 portées sur l’égalité, la participation politique et la liberté d’expression. La vague de révolte des printemps arabes a redonné un souffle aux mouvements de d’opposition chiite en Arabie Saoudite. Les manifestants de 2011 protestaient ainsi pour la fin des vexations ou encore la libération des prisonniers politiques. Dernièrement, ce sont quatorze membres de la communauté chiite qui ont été condamnés à mort pour des crimes liés aux manifestations. L’un des membres les plus importants de la communauté, le Cheikh Nimr al-Nimr, figure politique majeure de l’opposition, avait lui-même était condamné à mort pour terrorisme et exécuté en janvier 2016. L’imam chiite réclamait des réformes et une démocratisation du pays. Cette exécution avait provoqué une crise entre Téhéran et Ryad et l’Arabie Saoudite avait alors coupé ses relations diplomatiques avec l’Iran.
Des discriminations persistantes
La communauté chiite lutte au quotidien contre les discriminations, et ce, dans plusieurs domaines. Ainsi, si leurs pratiques religieuses sont réduites et la pression constante sur leurs lieux de culte, les chiites dénoncent également une sous-représentation dans les postes officiels et des emplois rares au sein de la police ou de l’armée. Les discriminations sont également perçues au sein du système éducatif ou encore judiciaire, où certains juges sunnites disqualifient les témoins chiites sur la simple base de leur religion. En 2003 pourtant, le prince héritier avait lancé l’initiative de Dialogue national, qui réunissait pour la première fois les clercs sunnites et chiites.
L’ombre de l’Iran chiite sur le royaume wahhabite ?
Ryad s’inquiète du renforcement de l’influence de l’Iran dans la région et les conséquences que cela pourrait avoir sur sa propre communauté chiite. Si les oppressions contre cette dernière sont antérieures à la Révolution islamique iranienne, les tensions se sont toutefois exacerbées depuis 1979. La volonté d’hégémonie de Téhéran et de Ryad, que ce soit en Syrie ou au Yémen où les deux puissances s’affrontent indirectement, se répercute au sein même du territoire national saoudien. Les tensions entre les deux communautés islamiques s’étaient ainsi cristallisées à plusieurs reprises, et notamment en 2006, dans la ville de Médine, théâtre d’affrontements entre les sunnites et les chiites au moment de la cérémonie annuelle d’Achoura.
Pourtant, hormis quelques groupuscules pro-iraniens, tels que Khat Al-Imam (La ligne de l’imam), la communauté chiite d’Arabie Saoudite ne s’estime pas particulièrement liée à Téhéran. Elle milite en effet pour l’établissement d’un dialogue national et le soutien du gouvernement saoudien et non iranien. Les chiites sont effectivement attachés à leur identité et souhaitent une plus grande participation au sein de la société de leur pays.