Tiers-Monde et émergents

Typologie des guerres africaines

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Même si, en ce début de XXIe siècle, l’Afrique se pacifie peu à peu, la deuxième moitié du XXe siècle a été le théâtre de très nombreuses guerres, dans le contexte de décolonisation et de fin de la Guerre Froide. L’occasion d’esquisser une typologie de ces conflits ayant sévi sur le continent.

Le génocide rwandais de 1994, archétype d'une Afrique tiraillée entre problèmes internes et externes
Le génocide rwandais de 1994, archétype d’une Afrique tiraillée entre problèmes internes et externes

Nous pouvons détacher trois causes principales des conflits africains. Aucune n’est plus « responsable » des conflits que les autres.

La première raison tient à la chance du continent, qui s’est transformée en malédiction : la possession d’une quantité et d’une variété de matières premières uniques au monde. Comme au Moyen-Orient, le pétrole a été cause de conflits. Depuis des décennies, le Nigeria est marqué par des conflits sanglants, principalement liés à la mauvaise gestion et réallocation des ressources pétrolières. Ainsi, depuis la guerre du Biafra, le Sud, riche en pétrole, s’oppose au transfert des recettes vers le Nord. Cela est densifié par les oppositions religieuses (Sud chrétien, Nord musulman) et ethniques (les ethnies du delta du Niger souhaitant également mieux bénéficier de ces recettes). Le pétrole a été cause de conflits dans les deux autres grands producteurs sub-sahariens : l’Angola (combat contre l’UNITA et au Cabinda) ainsi qu’au Congo (années 1990), sans oublier le conflit soudanais de ce début de siècle. Les matières minérales ne sont pas en reste. Le diamant a notamment financé plusieurs guerres civiles, notamment en Sierra Leone ou en RDC. Contrebandiers et mafias s’entendent avec les ethnies et potentats locaux afin de contrôler les minerais au plus près de leur extraction. Malgré diverses initiatives internationales, l’opacité persiste.

Le deuxième facteur est purement interne. Il est lié à la mauvaise gestion de l’Etat et à sa non-prise en compte de spécificités sociales. Ainsi en est-il des problèmes tribaux et ethniques : plusieurs dirigeants ont eu tendance à privilégier leur ethnie au détriment d’une autre, ce qui a pu engendrer des conflits majeurs, comme au Rwanda en 1994. Le facteur religieux n’est également pas à oublier, et reprend de l’ampleur aujourd’hui entre musulmans et chrétiens. L’absence du contrôle des territoires, en partie imputable aux Etats, a facilité la tâche de rebellions, comme à l’est de la RDC (région du Kivu), en Ouganda (Armée de résistance du seigneur), etc. De plus, les mauvaises répartitions des richesses ne sont pas toutes liées à une préférence ethnique du dirigeant : le Cabinda, province angolaise séparé du reste du pays par une petite partie de la RDC, cherche désespérément à mieux profiter du pétrole de son sous-sol, mais reste sous possession angolaise.

Enfin, on ne peut pas nier l’impact qu’ont eu les différentes ingérences étrangères post-décolonisation. Le contexte de Guerre Froide a été la clé de la guerre civile angolaise, remporté par le MPLA marxiste contre l’UNITA soutenu puis lâché par les Etats-Unis. Beaucoup sont liées à l’accès et au contrôle des matières premières, comme évoqué plus haut. D’autres ont eu pour but de financer diverses guerres, de manière plus ou moins directe. Les belligérants africains ont donc du se tourner vers divers fabricants d’armes afin d’engager une lutte armée. Quand la Russie, et désormais la Chine, fournissent des armes via des moyens indirects, les anciennes puissances coloniales, elles, s’investissent dans les conflits depuis leurs bases armées. Ainsi la France est-elle présente à Djibouti, Dakar, N’Djamena, et a interféré dans de nombreux conflits internes depuis des années. N’oublions pas également la présence américaine, notamment dans la Corne de l’Afrique dans sa lutte contre le terrorisme, facteur de déstabilisations.

Au milieu de ces conflits, seul un semble étranger à ces trois facteurs : la guerre entre Ethiopie et Erythrée, lutte pour l’indépendance, sans réelle motivation économique. Au contraire, le conflit des Grands Lacs rassemble ces trois facteurs. Il s’agit d’une lointaine conséquence de la décolonisation, avec la volonté des réfugiés Tutsis de revenir au Rwanda, après en avoir été expulsés. L’opposition entre Hutus et Tutsis fut manifeste au Rwanda en 1994, mais affecta également toute la région des Grands Lacs (Burundi, RDC, Ouganda), motivée également par le potentiel minier de la région et profitant des déstabilisations locales entre différents factions. La conjonction de ces trois facteurs engendra une décennie considérée comme la plus meurtrière depuis la décolonisation du continent.

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