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Qu’est-ce qu’un Etat ?

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Au sens commun, la notion d’Etat a deux significations principales. Tout d’abord, elle correspond à une forme d’organisation politique caractérisée par l’exercice de la souveraineté sur un territoire déterminé. Généralement, cette souveraineté est reconnue juridiquement et se confirme par l’établissement d’une Constitution, qui peut être écrite ou non. Cette première acception certifie l’existence immatérielle de l’Etat. Dans une autre mesure, l’Etat se définit par un ensemble d’institutions rattachées à l’administration centrale d’un pays et disposant chacune de compétences précises dans un ou plusieurs domaines (économie, santé, culture, etc.). Dans cette perspective, chaque Etat dispose de la capacité de faire ou de défaire ces institutions en fonction de ses besoins et contraintes individuelles. En France, il s’agit par exemple des ministères et des services déconcentrés (préfectures, rectorats d’académies, agences régionales de santé, etc.). Aux Etats-Unis, on distinguera principalement les institutions fédérales qui disposent de l’autorité sur les Etats fédérés, tout comme en Russie où celles-ci ont un pouvoir supérieur aux diverses entités plus ou moins autonomes (républiques, oblasts, kraïs, okrougs, etc.). Cette seconde acception consacre quant à elle l’existence matérielle de l’Etat. Néanmoins, ces deux conceptions de l’Etat sont trop restrictives pour saisir pleinement ce que recouvre ce concept.

Depuis plus d’un demi siècle, le monde est le théâtre d’une prolifération importante d’Etats qui tend néanmoins à ralentir.

L’une des définitions les plus répandues de l’Etat est celle du sociologue allemand Max Weber qu’il exprima au cours d’une conférence à l’université de Munich en 1919, et qui fut ensuite publiée dans l’ouvrage Le savant et le politique (1919). En s’interrogeant sur les fondements du pouvoir politique et le rôle dominant de l’appareil étatique sur les groupements humains, il considéra que l’Etat contemporain devait être conçu « comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé – la notion de territoire étant une de ses caractéristiques – revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime »1. Il ajouta ensuite que « comme tous les groupements politiques qui l’ont précédé historiquement, l’Etat consiste en un rapport de domination de l’homme sur l’homme fondé sur le moyen de la violence légitime »2. Ainsi, pour Max Weber, ce qui fait la spécificité de l’Etat est l’acceptation par les dominés du droit pour les institutions étatiques, de recourir à la violence de manière légitime, c’est-à-dire fondée sur le respect de la norme, qu’elle soit inscrite dans la loi ou bien solennellement acceptée par la communauté. Au-delà de cette violence intérieure, l’Etat est également le fruit d’un processus historique marqué par la violence et la confrontation de groupements humains aux caractéristiques distinctes. Pour expliquer la construction de l’Etat moderne, le sociologue américain Charles Tilly pouvait ainsi résumer : « les Etats font la guerre, et la guerre fait les Etats ». A ce sujet, rappelons que ce sont les Traités de Westphalie de 1648 conclus pour mettre fin à la guerre de Trente Ans et établissant l’idée de non-ingérence entre entités politiques, que l’on désigne généralement comme point d’émergence de l’Etat moderne en tant qu’organisation politique dominante.

Etat et droit international

En géopolitique ou en Relations Internationales, la notion d’Etat est principalement abordée en fonction du statut que lui attribue le droit international, estimant que pour être considéré comme tel, un Etat doit se composer de trois éléments : une population, un territoire et un gouvernement.

Tout d’abord, la population correspond à l’ensemble des individus rattachés à un Etat par le lien juridique de la « nationalité » dont l’acquisition varie d’un pays à un autre. Initialement, celle-ci est obtenue par le « droit du sang » et donc par la transmission de la nationalité des parents à leurs enfants. Le plus souvent, il existe également un « droit du sol » qui permet à un individu d’acquérir la nationalité de l’Etat dans lequel il est né. Pour ce faire, il est souvent exigé que l’individu ait résidé un minimum de temps dans l’Etat concerné, généralement jusqu’à sa majorité. Enfin, la nationalité peut être obtenue via la naturalisation suite à une procédure définie dans le droit national. A cela s’ajoute la notion de « citoyenneté », liant elle aussi l’Etat à sa population, mais renvoyant cette fois à l’existence de droits et devoirs civiques spécifiques pour une population déterminée.

Le second élément constituant l’Etat est son territoire. Celui-ci désigne l’espace sur lequel l’entité étatique exerce sa souveraineté et son autorité par l’imposition des lois. Pendant longtemps, les territoires ont fait l’objet d’importantes convoitises menant à l’apparition de conflits, leur contrôle étant considéré comme un considérable enjeu de puissance. Cependant, depuis le XXe siècle, plusieurs notions introduites dans le droit international sont venues règlementer l’établissement des frontières afin que celles-ci ne soient pas modifiées au gré d’interventions malintentionnées d’autres nations. C’est le cas par exemple du principe d’intégrité territorial garanti par la Charte des Nations unies, qui tout en limitant le recours à la force de la part d’Etats extérieurs, permet tout de même des modifications par des moyens pacifiques (cession, décolonisation, regroupement, etc.).

Enfin, le gouvernement fait quant à lui référence à l’existence d’une institution politique juridiquement organisée et capable d’exercer son pouvoir sur un territoire donné. Il répond notamment au principe d’autodétermination ou droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, selon lequel chaque peuple dispose de la faculté de choisir librement son régime politique. En droit international, l’affirmation de cette liberté est associée au principe de non-ingérence, qui même s’il connaît parfois des exceptions sous couvert de légitimité onusienne (interventions humanitaires par exemple), impose aux gouvernements de ne pas chercher à influer sur les affaires intérieures d’autres Etats. A noter que pour sceller définitivement l’indépendance d’un Etat souverain, cette dernière composante doit faire l’objet d’une reconnaissance par la communauté internationale, le plus souvent au sein de l’Organisation des Nations unies.

Ainsi, bien que le concept d’Etat soit précisément définit par le droit international, il est tout de même important de rappeler que les différents principes aujourd’hui établis par les conventions internationales entretiennent toujours une certaine ambiguïté sémantique qui n’a pas été jusque là sans conséquence, particulièrement à cause de la contradiction entre l’obligation de respect de l’intégrité territoriale et la possibilité pour les populations qui souhaiterait s’émanciper, de revendiquer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En effet, le résultat majeur de cette ambivalence est que depuis plus d’un demi siècle, le monde est le théâtre d’une prolifération importante d’Etats. L’effectif de membres officiels à l’ONU est bon indicateur pour saisir ce phénomène. Alors qu’ils n’étaient que 51 Etats membres lors de la création de l’organisation en 1945, ils sont aujourd’hui 193, le dernier Etat admis par la communauté internationale ayant été le Soudan du Sud en 2011. Pourtant, depuis quelques années, leur nombre tend à stagner, mais les nombreux conflits et notamment les guerres civiles qui persistent à l’heure actuelle présage un avenir encore incertain quant à l’avenir de notre monde.

Max WEBER, Le savant et le politique, 1919, UQAC, Les classiques des sciences sociales (édition électronique), p. 29.

2 Idem.

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