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Mais que fait la Turquie ?

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Depuis l’attentat terroriste de Suruç, qui a causé 32 morts le 20 juillet dernier, la Turquie a déclaré prendre des mesures radicales contre Daesh. Mais comment inscrire ce soudain revirement dans une politique étrangère qui jusqu’ici était objectivement alliée à Daesh malgré certains accrochages à la frontière avec la Syrie ? Et comment inscrire le comportement général de la Turquie ?

Pour Erdogan, replacer la Turquie au centre des enjeux régionaux a été une priorité depuis son accession au pouvoir. Une priorité contrariée depuis quelques années.
Pour Erdogan, replacer la Turquie au centre des enjeux régionaux a été une priorité depuis son accession au pouvoir. Une priorité contrariée depuis quelques années.

Le fait que la Turquie ait déclaré qu’elle s’en prendrait désormais à Daesh paraît logique pour un pays appartenant à l’OTAN. Mais nous l’avons déjà rappelé ici, le fait que Daesh s’en prenne aux kurdes, dont une partie revendique la création d’un Kurdistan autonome en Turquie, convient à la Turquie qui ne les dérange pas dans leurs exactions. Les militants de Daesh passent régulièrement la frontière entre la Turquie et la Syrie et ne sont que rarement inquiétés par les militaires turcs. Un certain nombre de cellules de Daesh opèrent aussi sur le territoire turc frontalier avec la Syrie. La Turquie semble avoir officiellement rejoint la coalition contre Daesh bien tardivement. Or jusqu’ici les frappes se concentrent quasi exclusivement sur les militants du PKK, le mouvement indépendantiste kurde, et pas sur les soldats de Daesh. Dans le premier cas on peut assister à des sorties quotidiennes des appareils turcs et dans le deuxième cas la lutte est au mieux symbolique.

On observe donc un retournement total de la stratégie turque qui avait esquissé en 2013 le début d’un plan d’entente avec le PKK qui avait abouti à un cessez-le-feu. Pire : alors qu’Ankara se rêvait en puissance régionale et stabilisatrice avant le printemps arabe, les événements de ce dernier ont fait tomber à l’eau ce projet et la Turquie s’est mise à soutenir presque ouvertement des acteurs comme Daesh qui déstabilisent toute la région mais qui dans ce chaos luttent contre ce que la Turquie perçoit comme étant ses ennemis. Le récent raid des forces spéciales américaines contre les cadres de Daesh chargés de l’économie et des ressources naturelles a permis de mettre la main sur des preuves du soutien d’officiels turcs à Daesh.

On a de plus en plus l’impression d’une improvisation totale de la part des autorités turques pour sauver ce qu’il reste de leurs ambitions et tirer profit du chaos ambiant.

Le récent accord sur le nucléaire iranien et la perspective de levées des sanctions économiques n’arrange pas les choses et c’est vraisemblablement cet événement qui a poussé Ankara à agir bien plus que l’attentat de Suruç. Car si la Turquie est opposée au régime de Bachar-el-Assad, soutient Daesh pour écraser les kurdes et souhaite être la seule puissance régionale importante, l’Iran soutient Assad, combat Daesh et avec la fin des sanctions va de plus en plus polariser la région autour d’elle. Et ses ressources pétrolières seront un atout que la Turquie aura du mal à concurrencer. Que fait la Turquie actuellement ? Elle se positionne face à l’Iran en écrasant directement les kurdes au passage.

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