Regain de tensions dans le Golfe
La menace par l’Arabie saoudite d’une possible « action militaire » contre le Qatar si ce dernier se dote de missiles S-400 ravive les tensions dans la péninsule arabique. Ce système de défense antiaérien russe est considéré comme l’un des plus performants au monde et viendrait s’ajouter à l’arsenal qatarien qui n’a cessé de croitre depuis le lancement du blocus de juin 2017.
La résistance du Qatar face à l’offensive saoudienne
Le 5 juin 2017 l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et l’Égypte annonçaient l’interruption de leurs relations diplomatiques avec le Qatar et décidaient d’imposer un blocus terrestre, maritime et aérien au pays. Officiellement, ces pays dits du « quartet » accusent Doha de financer le terrorisme et lui reprochent ses liens avec Téhéran. Toutefois, la crise est d’abord le résultat de rivalités anciennes entre l’Arabie saoudite et le Qatar.
Les deux Etats soutiennent en effet des groupes et partis qui s’opposent dans différents pays de la région; notamment en Egypte, où Doha appuie les Frères musulmans contre le Conseil suprême des forces armées et le parti Al Nour soutenus par Riyad, ou encore en Syrie, où les deux pays se font les défenseurs de groupes rivaux de l’opposition syrienne.
Un an après le début de la crise, le Qatar semble toutefois plus résilient que prévu. L’activisme diplomatique du petit émirat ainsi que son soft power – construit de manière efficace – lui ont en effet permis de résister à la campagne menée contre lui. Par ailleurs, le Qatar est un allié stratégique des Etats-Unis puisque la principale base aérienne du Pentagone au Moyen-Orient se situe à Al-Udeid dans l’émirat. Pour les Etats-Unis, la préservation d’une relation apaisée avec Doha est ainsi restée une priorité.
Achats massifs d’armement dans un contexte de tensions croissantes
Les dirigeants qatariens, au rang desquels se trouve l’émir Tamim Al-Thani, ont également cherché à dissuader leurs voisins d’actions plus hostiles à leur égard en se procurant du matériel militaire de façon croissante. Un contrat de 5 milliards d’euros a notamment été signé peu après le lancement du blocus afin de faire l’acquisition de sept navires de guerre italiens. Plus récemment, la visite du président Emmanuel Macron à Doha en décembre dernier s’est achevée par la signature d’un contrat incluant l’achat de douze avions de combat Rafale.
La menace proférée par l’Arabie saoudite intervient au moment où les autorités qatariennes souhaitent se doter du système de défense antiaérien russe S-400. Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane aurait réclamé aux gouvernements français, britannique et américain qu’ils fassent pression pour que ce système antimissile ne soit pas livré. Dans la lettre adressée à l’Elysée, le prince ben Salmane exprime sa « profonde préoccupation » concernant les négociations en cours entre Doha et Moscou et se dit prêt à mener une « action militaire » contre le Qatar si celui-ci venait à acquérir le système de défense antiaérien russe[1].
S’agit-il d’une tentative désespérée de Ryad pour faire plier son rival alors même que la stratégie saoudienne de mise au ban du Qatar s’est révélée infructueuse ? Néanmoins, ce rapprochement entre Doha et Moscou est aussi délicat pour l’émirat qui risque de mécontenter les Etats-Unis, dont le soutien est pourtant indispensable à l’heure actuelle.
[1] « L’Arabie saoudite menace le Qatar d’une « action militaire » s’il se dote de missiles S-400 », Le Monde, Benjamin Barthe, 1/06/2018.