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L’Iran mène-t-elle une politique étrangère irrationnelle ?

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Dans le contexte de la remise en question de l’accord sur le nucléaire de 2015, il est intéressant de se pencher sur la question de la politique étrangère pratiquée par l’Iran. En effet, ce pays suscite souvent de nombreuses interrogations, voire incompréhensions, du fait des grandes différences culturelles qui le sépare de nos coutumes occidentales. Maintes fois présenté comme un acteur erratique et dangereux du jeu mondial, notamment par les médias américains, l’Iran est en réalité guidé par une recherche d’un équilibre entre idéologie et pragmatisme.

Deux hommes manifestent durant la révolution iranienne
La révolution de 1979 est-elle encore un déterminant majeur de la politique étrangère iranienne ?

La révolution islamique de 1979 a créé une véritable rupture entre l’ancienne Perse et le reste du monde. Ce retour au religieux, dont les causes sont toutefois bien plus complexes qu’un simple repli conservateur, est apparu, aux yeux de beaucoup d’Occidentaux, comme un retour en arrière. En effet, le précédent dirigeant, le shah Mohammad Reza Pahlavi, avait entrepris, dès les années 60, une modernisation du pays, « la Révolution blanche ». Celle-ci s’était accompagnée d’une occidentalisation des mœurs, l’un des facteurs qui mena à la révolution de 1979. Ainsi, depuis la création de la République Islamique, l’Iran a longtemps été considérée comme un pays paria.

La perception d’une menace extérieure, l’Iran contre tous ?

Mise au ban par la communauté internationale, elle a souhaité défendre son modèle de gouvernement. Aussi, la politique étrangère iranienne a été fortement marquée par la perception d’une menace extérieure et la nécessité de survivre. Cela se traduit notamment par la peur d’une intervention américaine qui viserait à faire basculer le régime en place. De fait, le guide suprême, Khamenei, a, par maintes occasions, accusé les Etats-Unis de tenter de déstabiliser son pouvoir en soutenant l’opposition, en affaiblissant l’économie à l’aide de sanctions ou en armant les ennemis régionaux de l’Iran. De plus, la forte présence militaire américaine dans le Golfe persique est perçue comme un étau inquiétant. Enfin, certains médias officiels soutiennent la thèse selon laquelle Washington apporterait son soutien financier et militaire à des groupes sunnites extrémistes tels que l’Etat islamique dans le but de fragiliser l’Iran.

Une politique extérieure guidée par l’idéologie ?

Dans le sillage des conséquences de la révolution islamique, l’idéologie qui porta au pouvoir le guide suprême continue d’influencer la politique extérieure iranienne. Dans les années qui suivirent le changement de régime, l’Iran tenta d’ « exporter » sa révolution dans les pays musulmans voisins. En effet, à l’époque, cette dernière était présentée comme un modèle à suivre, la première étape d’un mouvement plus grand. Toutefois, les desseins iraniens ont rencontré une très forte résistance et cette stratégie a été un échec.

Ce revers n’a pas empêché Téhéran de poursuivre une politique étrangère teintée de son idéologie. De fait, elle a souvent dénoncé l’oppression des populations arabes face aux puissances occidentales, américaine tout particulièrement. Ainsi, l’Iran est une fervente défenseure de la cause palestinienne et entretient des relations très tendues avec Israël. De plus, Téhéran estime que l’interventionnisme occidentale au Moyen-Orient est responsable de difficultés politiques et économiques qui n’existeraient pas sans cela. Ainsi, la création de l’état d’Israël est perçue comme l’exemple ultime de cette mainmise extérieure.

L’Iran coopérative, un acteur pragmatique parmi d’autres ?

Néanmoins, malgré les différends idéologiques qui existent entre Téhéran et les occidentaux, la politique étrangère iranienne demeure proche des intérêts nationaux. En effet, de par son passé impérial glorieux, l’Iran est fortement attachée à l’idée que l’ancienne Perse doit demeurer un acteur politique régional majeur. Elle fait valoir son histoire millénaire face aux quelques décennies d’indépendance des monarchies du Golfe comme un élément déterminant. De fait, cette perception entre en contradiction avec le statut de paria qui lui a été accolé.

Ainsi, afin de participer au jeu diplomatique mondial, Téhéran est parvenue à faire des compromis pour faire entendre sa voix. De sorte qu’elle n’a apporté d’aide aux mouvements islamistes d’Asie centrale, comme elle a pu le faire avec le Hezbollah au Moyen-Orient, dans le but de ne pas froisser son allié historique russe. De plus, les dirigeants iraniens ont négocié à plusieurs reprises avec les Etats-Unis afin d’alléger les sanctions économiques, avant de parvenir à l’accord de Vienne en 2015. Enfin, l’Iran souhaite, depuis plus de deux décennies déjà, intégrer l’Organisation Mondiale du Commerce. Cela prouve, une fois de plus, que l’Iran ne souhaite pas être un acteur isolé sur la scène mondiale.

En définitive, la politique étrangère iranienne oscille entre idéologie et pragmatisme. Divisée entre la perception d’une menace extérieure et le désir d’être un acteur mondial important, l’Iran mène une diplomatie qui peut parfois paraître erratique et irrationnelle. Toutefois, cette fausse impression ne doit pas occulter ses motivations réelles, de peur de produire une analyse caricaturale de sa diplomatie.

Sources:

https://www.eurasiareview.com/30092015-irans-foreign-policy-analysis/

https://iranprimer.usip.org/resource/timeline-irans-foreign-relations

https://www.mepc.org/irans-foreign-policy-shifting-strategic-landscape

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Clara JALABERT

Clara JALABERT est étudiante en Master International Security à l'école d'affaires internationales de Sciences Po. Elle se spécialise dans l'étude de l'Asie et des risques sécuritaires.

Une réflexion sur “L’Iran mène-t-elle une politique étrangère irrationnelle ?

  • sami

    l’Iran paye le prix son positionnement contre la politique Israélienne. Voici toue la vérité.

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