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Le protectionnisme éducateur de Friedrich List (1/2)

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La pandémie de COVID-19 a mis en lumière les limites de la mondialisation tandis que les critiques de la théorie libérale du libre-échange  se sont multipliées. Des voix s’élèvent pour la réindustrialisation des pays développés d’autant plus que la guerre économique américano-chinoise remet en avant une théorie longtemps mise de côté. Le protectionnisme éducateur de Friedrich List peut-il représenter la nouvelle voie de développement économique ? Retour sur une notion.

Aux origines

Friedrich List (1789-1846), théoricien du protectionnisme éducateur.

La notion de protectionnisme éducateur est une dérivée de celle du protectionnisme. Cette dernière désigne l’action d’un État ou d’un groupe d’États visant à protéger les producteurs nationaux et leurs productions d’une concurrence ou influence étrangère. Elle s’oppose à la théorie du libre-échange et à celle de l’avantage comparatif selon lesquelles le commerce entre les nations ne doit pas être entravé. En conséquence, dans le cadre d’une politique protectionniste l’État met en place des restrictions pour les importations.

Cependant, le protectionnisme éducateur présente une subtilité. En effet, pour le prussien Friedrich List (1789-1846), dans Das Nationale System der politischen Ökonomie (Système national d’économie politique, 1841), le protectionnisme éducateur possède une visée temporaire que l’on peut résumer à travers la célèbre maxime : « Le libre-échange est notre but, le protectionnisme est notre voie ». Par ailleurs, le protectionnisme éducateur ne doit pas concerner tous les pans de l’économie nationale afin d’éviter une autarcie.

Le protectionnisme, une étape nécessaire au développement économique

D’après F. List, l’accumulation des facteurs de production et leur efficacité déterminent la croissance économique d’une nation. Pour le facteur travail, l’efficacité peut dépendre de l’environnement de travail, de la formation, de la condition physique de l’individu, etc… Pour le facteur capital, l’efficacité est en lien avec les investissements réalisés par l’entreprise (achat de nouvelles machines, nouvelle organisation logistique…). Une répartition optimale des facteurs de production combinée à leur efficacité permet de favoriser la productivité, c’est-à-dire le rapport entre la production et les moyens mis en œuvre pour l’obtenir. La productivité est centrale dans la compétitivité d’une entreprise.

En 1815, l’Europe sort des guerres napoléoniennes durant lesquelles la France avait mis en place un blocus continental pour limiter le commerce britannique. À la levée de ce dernier, les territoires de la Confédération germanique et la Prusse font face à un afflux massif de produits britanniques. Ces derniers sont moins chers que les produits nationaux tandis que la production locale est faible. Le Royaume-Uni, alors puissance dominante, est en pleine mutation économique. La découverte du charbon et l’invention de la machine à vapeur améliorent les facteurs de production. Les Britanniques bénéficient d’une fabrication standardisée et massive, diminuant les prix. En conséquence, le consommateur s’oriente vers le produit le moins cher, ne permettant pas l’émergence d’une industrie locale. Bénéficiant d’avantages comparatifs, la domination britannique tend à imposer le libre-échange. La Prusse et la Confédération germanique accusent donc un retard de développement que la concurrence britannique accentue.

Une voie vers le libre-échange ?

La seule façon de combler ce retard est l’installation de mesures protectionnistes correspondant aux étapes de développement d’une nation. La première est dite « pastorale ». Elle implique une montée en gamme de la production agricole, sans arrêter les importations. La seconde est la phase « agraire », dans laquelle le développement de l’agriculture porte la croissance économique dont les retombées permettent la création d’une industrie nationale. La troisième étape concerne l’industrialisation, avec l’avènement de l’autosuffisance. Une capacité de production autonome est établie, engendrant un arrêt des importations. Enfin, l’étape « commerciale » dans laquelle la nation exporte sa production afin d’assurer le prolongement de sa politique extérieure. Le protectionnisme éducateur représente les étapes une, deux et trois. L’industrie nationale apprend à se développer en interne tandis que l’étape quatre correspond à l’ouverture sur l’extérieur.

Après 1815, la Prusse et la Confédération germanique se retrouvent à la deuxième étape. Elles ne disposent pas d’industrie locale puissante. En conséquence, F. List revendique des mesures protectionnistes pour freiner la concurrence britannique. Les barrières douanières et autres mesures restreignent l’accès au marché intérieur des produits étrangers et influencent les prix. Le produit importé se retrouve plus cher que celui fabriqué sur le territoire. En conséquence, le consommateur se tourne logiquement vers ce dernier pour satisfaire son besoin. L’entreprise nationale réagit positivement en améliorant sa productivité avec des investissements dans les facteurs de production, influençant directement sa compétitivité. L’entreprise rattrape son retard grâce aux mesures protectionnistes mises en place.

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Mathis Puyo

Etudiant en études européennes à Sciences Po Strasbourg et titulaire d'une licence en économie gestion. Il s'intéresse particulièrement aux enjeux géopolitiques et économiques de l'industrie de la Défense en Europe.

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