La diplomatie sportive des J.O de Pyeongchang, avancées ou mirage ?
Fait rarissime, en pleine crise nucléaire avec les États-Unis, la Corée du Nord a accepté l’invitation de son voisin du Sud, à participer aux Jeux Olympiques de Pyeongchang. Ils se dérouleront du 9 au 25 février 2018 en Corée du Sud, à 76 km de la Zone Démilitarisée. De plus, Kim Jong-nam, chef honorifique de l’État de Corée du Nord ainsi que Kim Yo-jong, sœur de Kim Jong-un, devront se rendre en Corée du Sud pour les Jeux. C’est une première depuis le boycott des jeux de Séoul en 1988 par le Nord. La participation Nord-coréenne est une occasion pour le pays de renforcer sa stature internationale et d’améliorer son image. La Corée du Sud a par ailleurs proposé à la délégation nord-coréenne (composée d’environ 22 sportifs et 230 pom-pom girls) qu’une équipe mixte de hockey sur glace soit constituée pour l’occasion. Les deux délégations devront défiler lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux sous le même drapeau représentant la péninsule unifiée.
Une occasion d’être reconnu comme une nation parmi les autres
Ces Jeux sont une occasion pour la Corée du Nord d’être considérée comme une nation parmi les autres. Son drapeau flotte d’ailleurs sur le site olympique, ce qui est normalement contraire aux lois sud-coréennes. Elles proscrivent toute apologie ou tout symbole de la Corée du Nord dans l’espace public en Corée du Sud.
Une dérogation a ainsi été émise par un tribunal sud-coréen afin que le drapeau du « frère ennemi » puisse flotter. Ces Jeux ne pourront néanmoins faire oublier les tensions et la crise entre la Corée du Nord et les États-Unis, relatives aux essais nucléaires répétés du régime de Kim Jong-un, devenu de facto une puissance nucléaire depuis 2006.
La Corée du Nord sera-t-elle acceptée comme une puissance nucléaire à part entière?
Le programme nucléaire, que la Corée du Nord a cherché à développer depuis les années 1960, vise cinq objectifs. Premièrement, à être reconnu comme une puissance nucléaire, Deuxièmement, à dialoguer d’égal à égal avec les États-Unis. Troisièmement, à assurer la survie du régime. Quatrièmement, à éviter d’être envahi par les États-Unis, comme ce fût le cas pour l’Irak en 2003. Et cinquièmement, à asseoir le prestige du Nord. Cela sert à renforcer l’économie liée au développement du nucléaire, par le concept du «Byungjin». La Corée du Nord fut reconnue, certes mais comme faisant partie de «l’axe du mal» par G. W Bush. Le régime de Pyongyang est devenu une des priorités majeures des États-Unis lors de ses premiers essais nucléaires en 2006. Cependant la politique de patience stratégique de l’administration Obama n’a pas réussi à empêcher la dynastie des Kim de développer leur arme nucléaire. Le président Trump, une fois élu, a cherché à régler le problème nord-coréen à sa manière, parfois peu orthodoxe, en rompant avec la politique de patience stratégique. Ces Jeux olympiques sont donc davantage un moyen pour la Corée du Nord de jouer sur la corde sensible. Leur participation aux J.O de Pyeongchang donne l’illusion d’une éventuelle réconciliation intercoréenne. De plus, cela permet à la Corée du Nord, dans un geste pacifique calculé, de s’attirer davantage de subsides pour financer son économie.
Les JO peuvent-ils amorcer une détente ?
Ces JO ne permettront sans doute pas de régler la crise coréenne. Ils contribueront à faire retomber la tension. Comme le rappelle la tradition les Jeux olympiques sont une période de trêve entre les nations. L’initiative prise par le président progressiste, Moon, d’inviter la Corée du Nord aux jeux de Pyeongchang permet de renforcer la diplomatie sud-coréenne. L’occasion d’une rencontre informelle entre représentants nord-coréen et américain, en vue d’une désescalade, serait propice. Si les jeux sont un succès, cela permettra de faire taire les critiques envers le président Moon. Les conservateurs lui reprochent d’avoir invité la Corée du Nord à Pyeongchang. Événement planétaire sportif par excellence, ces JO ne seront pas moins très politiques. Cela n’est pas sans rappeler la diplomatie du Ping-Pong entre la Chine et les États-Unis qui a donné lieu à une visite de Nixon dans la Chine de Mao en 1972, puis ouvert la voie à une reconnaissance internationale de la Chine communiste.