Législatives italiennes : après les tensions, l’incertitude
Dimanche 4 mars les Italiens étaient appelés à voter pour les élections législatives dont les résultats devaient donner un nouveau gouvernement au pays. A l’issu du vote, aucun parti n’a remporté la majorité absolue, et ni le Sénat ni la Chambre des députés ne disposent d’une majorité suffisante pour gouverner. La situation politique semble bloquée pour les semaines à venir.
Une campagne sous tension
La campagne électorale pour les élections législatives de mars 2018 était disputée par quatre partis principaux : le centre-gauche (PD) de l’ancien président du Conseil Matteo Renzi, le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) mené par Liugi di Maio, la Ligue du Nord de Matteo Salvini, et Forza Italia, symbolisant l’énième retour de Silvio Berlusconi.
La période de campagne a été particulièrement mouvementée, marquée par de nombreux incidents. Diverses manifestations politiques, souvent accompagnées de heurts avec les forces de l’ordre, ont eu lieu dans plusieurs villes du pays. Ce fut notamment le cas à Rome où s’étaient rassemblés des milliers de manifestants antifascistes, ou à Milan lors d’une démonstration de force de la Ligue du Nord. D’autres groupes d’extrême-droite se sont affrontés avec la police et des manifestants d’extrême-gauche, notamment à Bologne et à Turin.
En addition à ces troubles, un militant et ex-candidat de la Ligue du Nord a tiré à plusieurs reprises sur six Africains à Macerata (centre). Cet événement n’a fait qu’envenimer un contexte politique tendu où les tensions se sont cristallisées autour des questions migratoires, sécuritaires et identitaires.
Une coalition de droite mise en difficulté
Matteo Salvini (Ligue du Nord, extrême droite) ambitionnait de devenir chef du gouvernement en s’alliant avec la droite de S. Berlusconi et Fratelli d’Italia, parti conservateur nationaliste et eurosceptique. Bien que la coalition ait obtenu un score cumulé de 37%, elle ne détient pas la majorité parlementaire et n’a donc pas réussi à sortir victorieuse. Une grande partie des votes ont été attribués au M5S qui a remporté, à lui seul, 32,7% des scrutins, ce qui ne suffit cependant pas à le déclarer vainqueur. Le mouvement va donc devoir chercher des alliances, ce qui se révèle d’ores et déjà compliqué. Quand bien même ce dernier voudrait former une coalition avec le Parti Démocrate, Matteo Renzi s’y est déjà opposé. Ce score reste cependant une victoire relative étant donnée la nouvelle loi électorale de novembre 2017 qui tend à favoriser les coalitions, et est d’ailleurs considérée comme ayant été implémentée pour mettre le M5S en difficulté[1].
Lors de sa création en 2009 Le M5S se voulait antisystème. Incarné à ses débuts par Beppe Grillo, il avait pour but la réappropriation de la politique par les citoyens. Dans un contexte de démocratie représentative en crise, la stratégie était d’introduire un élément de démocratie directe à travers les réseaux sociaux. Le M5S avait alors séduit une partie des citoyens et avait pris la tête de Rome et Turin en 2016. Or, le mouvement, présidé par Luigi di Maio depuis 2017, semble aujourd’hui totalement inséré dans le moule de la démocratie représentative qu’il dénonçait avec ferveur à ses débuts. Pour autant, l’électorat ne semble pas en avoir une perception négative. Le rejet des autres forces politiques semble ainsi jouer en la faveur du Mouvement Cinq Etoiles.
Un contexte économique et politique incertain
Le grand perdant de ces élections reste l’ancien Premier Ministre Matteo Renzi, dont la coalition de centre-gauche n’obtient que 22,9%. Malgré la thématique de l’immigration qui était sur le devant de la scène pendant toute la campagne, la question reste secondaire pour les italiens, préoccupés par la situation économique. L’emploi, le pouvoir d’achat et les craintes liées à la crise des banques inquiètent les citoyens. Ces questions n’ont pas su être résolues par le Parti Démocrate lors de ses quatre années passées la tête du Conseil des ministres, ce qui peut expliquer la marginalisation de la coalition de centre-gauche à l’issu des votes.
Ainsi, à la suite d’une campagne mouvementée, le dépouillement, qui l’a été tout autant (des milliers de bulletins, majoritairement ceux provenant de l’étranger, n’ont pas été pris en compte), semble assurer au pays un avenir politique incertain. L’Italie va-t-elle, comme l’Allemagne qui a mis six mois à se constituer un gouvernement, ou la République Tchèque qui n’en a toujours pas après les législatives d’octobre, être elle-aussi confrontée à un blocage politique d’envergure ? Si le président de la République, Sergio Mattarella, ne réussit pas à constituer de gouvernement, de nouvelles élections pourraient bien avoir lieu et donneraient ainsi une seconde chance aux partis extrémistes de s’emparer du pouvoir. Dans tous les cas, il est intéressant de noter la vague d’affaiblissement des partis traditionnels au sein de l’Union européenne.
[1] Edouard Pflimlin, Elections en Italie : ce qu’il faut savoir sur le nouveau mode de scrutin, Le Monde, 03.03.2018, en ligne. Disponible sur : http://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/03/elections-en-italie-ce-qu-il-faut-savoir-du-nouveau-mode-de-scrutin_5265241_3214.html