Accord US-Mexique-Canada : un ALENA 2.0 ?
Le Canada a rejoint le 30 septembre l’accord commercial signé au préalable entre les Etats-Unis et le Mexique, en remplacement de l’ALENA. Si ce nouvel accord, dénommé « USMCA » (US-Mexico-Canada Agreement), n’apporte que de légères modifications de fond au précédent accord, il constitue dans sa forme une victoire pour Donald Trump, qui réaffirme sa capacité à modifier comme il l’entend les rapports de force internationaux.
L’USMCA, un nouvel accord issu de la renégociation de l’ALENA
Le nouvel accord US-Mexique-Canada vient remplacer l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), entré en vigueur au 1er janvier 1994. Cet accord tripartite instituait une zone de libre-échange en Amérique du Nord, visant donc à abolir les frontières économiques (droits de douane, barrières tarifaires) entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Contrairement à une union douanière, une zone de libre-échange ne vise pas l’intégration politique des pays signataires. En 2016, lors de l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, l’ALENA représentait environ 486 millions d’habitants pour un PIB combiné de 21.000 milliards $US, soit 28 % du PIB mondial.
La renégociation de l’ALENA faisait partie des promesses de campagne de Donald Trump, qui qualifiait l’accord de « pire traité commercial de l’histoire », le jugeant responsable des déficits commerciaux américains et de la perte de millions d’emplois dans son pays, principalement dans le secteur automobile. Le 18 mai 2017, dans une lettre adressée au Congrès, le président américain donnait officiellement le coup d’envoi à la renégociation de l’accord, dans un sens plus favorable aux Etats-Unis. Le 27 août dernier, après plus d’un an d’âpres négociations, les Etats-Unis de Donald Trump et le Mexique d’Enrique Peña Nieto étaient parvenus à trouver un terrain d’entente. Le Canada de Justin Trudeau les a rejoints le 30 septembre, pour former l’US-Canada-Mexico Agreement (USMCA).
Que contient l’accord US-Mexique-Canada ?
Le nouvel accord, l’USMCA, reprend les grandes lignes de l’ALENA, en apportant quelques légères modifications. Dans le nom, tout d’abord : « USMCA » s’inscrit pleinement dans une logique d’« America First » consacrant la prédominance américaine. La disparition de l’expression « libre-échange » dans l’intitulé de l’accord correspond également à une exigence du président américain. Dans la nature de l’accord, ensuite : l’USMCA sera sujet à révision tous les six ans par les signataires de l’accord, et pourra expirer dix ans après chaque revue si l’un des Etats le désire. Le nouvel accord n’atténue donc pas toutes les incertitudes quant à l’avenir des relations commerciales entre les trois pays. Une clause spécifique avertit que l’USMCA serait remis en question si les signataires concluaient un accord avec un pays non qualifié d’économie de marché, visant directement la Chine.
Cet accord US-Mexique-Canada s’inscrit dans la continuité de la nouvelle génération d’accords commerciaux préfigurée par l’ALENA. Loin de se limiter aux seuls tarifs douaniers, l’UMSCA balaie des domaines aussi différents que la propriété intellectuelle, l’investissement ou encore l’arbitrage des litiges commerciaux, un mécanisme déjà présent dans l’ALENA et que le Canada a défendu corps et âme face à des Etats-Unis dubitatifs. En contrepartie, le gouvernement canadien a concédé une ouverture de son marché laitier, traditionnellement très réglementé, à hauteur de 3.6 %. Les Etats-Unis ont également obtenu un renforcement de la protection du marché automobile américain : une voiture devra comporter 75 % de composants nord-américains. Si de nouveaux droits de douane sur l’automobile ont été évités, les taxes de 25 % sur l’acier et 10 % sur l’aluminium imposées par M. Trump le 8 mars 2018 resteront toutefois en vigueur dans les autres secteurs de l’économie.
Donald Trump sort gagnant de la renégociation de l’ALENA
La signature de l’accord a été accueillie avec plus de soulagement que d’enthousiasme au Canada et au Mexique. Si l’USMCA est loin d’être le deal parfait, le pire a cependant été évité pour les deux pays. Les Etats-Unis sont en effet le premier partenaire commercial du Canada et du Mexique, et la zone ALENA représente près de 75 % des exportations canadiennes et plus de 80 % des exportations mexicaines. Ne pas trouver d’accord aurait donc été désastreux pour les deux pays, qui devraient ratifier sans problème l’USMCA. Côté américain, l’USMCA représente une victoire politique incontestable pour M. Trump juste avant les élections de mi-mandat, prouvant aux électeurs américains que leur président tient ses promesses. Ne modifiant l’ALENA qu’à la marge, ce nouvel accord nous renseigne avant tout sur la fragilité des accords internationaux, rappelant qu’un Etat – sous l’impulsion de son dirigeant – peut toujours revoir ses engagements internationaux s’il les juge contraires à ses intérêts. Donald Trump semble avoir fait de ce principe d’incertitude sa règle d’or, aux dépens d’une bien frêle stabilité internationale.