Le plan de paix de Trump au Proche-Orient
Présenté comme le « deal du siècle », le plan de paix de l’administration Trump se veut la solution à l’un des conflits les plus inextricables de notre temps. En rupture avec l’approche des précédents présidents américains, Trump serait favorable à la création d’un « mini-état » palestinien, à cheval entre la bande de Gaza et une partie de la péninsule du Sinaï.
Un plan de paix « qui ne passera pas »
Décrit comme » l’accord de 100 ans » en référence à la déclaration Balfour du 2 novembre 1917, ce plan de paix s’ouvre dans un contexte de tensions avec l’Autorité palestinienne, provoqué par une série de décisions américaines.
A la reconnaissance de Jérusalem, ville trois fois sainte, comme capitale d’Israël et le déplacement de son ambassade, s’est succédé l’arrêt de son financement à l’agence de l’ONU pour les réfugiés Palestiniens (UNRWA) et la fin des aides bilatérales à destination de l’Autorité palestinienne, soit 550 millions de dollars au total. Les Etats-Unis ont également fermé le bureau de la représentation palestinienne à Washington.
Décisions non dénuées de conséquences quand l’on connaît la situation économique dramatique de la Palestine. Largement dépendante des aides internationales, le niveau de vie de ses habitants est à peine égal à 10% de celui des Israéliens. Cela a conduit certains responsables de l’Autorité palestinienne à qualifier ces actes de « chantage bon marché comme outil politique « , rejoignant en cela les dires de leur président Mahmoud Abbas, qui a estimé que l’accord de paix ne « passera pas ».
Les plans de paix avortés des précédents présidents américains
Depuis le début des guerres israélo-arabe, puis ce qui deviendra le conflit israélo-palestinien, toutes les administrations américaines ont tenté d’imposer leur plan de paix.
La Déclaration de principes, dite « accords d’Oslo », signée le 13 septembre 1993, représente à cet égard l’un des moments phares de l’action diplomatique américaine, où l’on s’est rapproché le plus d’un règlement du conflit. Outre une reconnaissance mutuelle entre Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), l’accord envisageait une autonomie future de la Palestine.
Mais, du fait des dissensions internes aux deux entités, le processus d’Oslo va s’enliser. Au refus de la droite israélienne de voir l’armée évacuer la Cisjordanie et la bande de Gaza, qui à ses yeux font partie intégrante du grand Israël, le Hamas répond par des attaques contre les colonies juives. L’assassinat, le 4 novembre 1995, du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin par un extrémiste israélien, opposé à la paix avec les Palestiniens, symbolise le début de la fin des accords d’Oslo. Ils seront seront définitivement enterrés après le déclenchement de la seconde Intifada en septembre 2000.
Ce n’est qu’à l’autonome 2002 que l’administration Bush, conjointement avec l’ONU, l’Union Européenne et la Russie, élabore une « feuille de route » destinée à aboutir à une solution à deux Etats. Mais, parallèlement à ces négociations diplomatiques, les actes de violences-représailles continuent, principalement entre le Hamas et Israël. Ce dernier annonce finalement, en septembre 2005, son retrait de la bande de Gaza.
Face au regain de tension, le Président Bush, alors dans son second mandat, entend relancer le processus de paix. Réunis à Annapolis, le 27 novembre 2007, dans le Maryland, Ehmoud Olmert et Mahmoud Abbas s’engagent à la reprise des négociations. Efforts qui seront une nouvelle fois voués à l’échec, après le déclenchement, en décembre 2008, de l’offensive israélienne « Plomb durci » contre la Bande de Gaza.
Fidèle à la tradition américaine, Barack Obama va faire de la résolution du conflit israélo-palestinien une priorité de son mandat. Favorable à une solution à deux Etats, il va obtenir des Israéliens un gel de 10 mois de la colonisation en Cisjordanie, condition sine qua non pour la reprise des négociations. Cette initiative va elle aussi faire long feu : les Israéliens vont reprendre de plus belle la colonisation, sans apporter de concessions concrètes aux négociations.
Pour la première fois, le 26 décembre 2016, les Etats-Unis n’apposent pas leur véto à la résolution 2334, qui condamne la colonisation israélienne. Une première dans l’histoire américano-israélienne, qui signe du même coup l’échec du plan de paix de l’administration Obama.
La création d’un « mini-état » palestinien dans la bande de Gaza ?
Si Trump souhaite à son tour apporter une solution de paix au conflit israélo-palestinien, son approche diffère grandement des précédentes administrations.
Sous son administration, les Etats-Unis ont définitivement abandonné leur rôle « d’honnête intermédiaire », au profit d’un soutien inconditionnel à Israël. Trump n’a pas d’ailleurs jamais mentionné le retrait israélien des territoires occupés comme une condition préalable à un accord de paix, même s’il s’est dit favorable à une solution à deux Etats. Ces déclarations en apparence contradictoires, le sont moins quand l’on connaît la teneur de son projet.
Si les détails du plan n’ont pour le moment pas été révélés, diverses sources concordantes et indices laissent penser que les Etat-Unis s’orienteraient vers la création d’un « mini-état » palestinien ou autrement dit d’un « Gaza-plus ». Celui-ci reprendrait les frontières de l’actuelle bande de Gaza, mais élargi par l’annexion d’une partie du Sinaï égyptien.
Il ne s’agirait cependant pas d’un transfert de territoires à proprement parler, mais plutôt de la création d’une zone franche économique entre les deux frontières, dans laquelle les gazaouis constitueraient la principale force de travail. Il a ainsi été évoqué la construction d’une centrale électrique, destinée aux foyers gazaouis, mais également à l’alimentation d’une usine de désaliénation. La construction d’un aéroport et d’un port dans le Nord-Sinaï, qui seraient entièrement sous contrôle égyptien, ont également fait l’objet de discussions. Tous ces projets seraient financés grâce aux subsides des monarchies du Golfe.
Cette proposition rencontre l’assentiment de l’Egypte qui y voit une chance de développer la région pauvre du Nord-Sinaï, frappée par l’une des branches les plus actives de l’Etat islamique. De son côté, Israël perçoit les avantages d’un tel plan : il graverait dans le marbre sa présence dans les territoires occupés, propice à une annexion de facto de la Cisjordanie. Pour Trump,un accord représenterait une victoire diplomatique majeure, à l’heure où sa politique volontarisme avec la République populaire de Corée ne rencontre pas les effets escomptés ; sur le plan interne, il tiendrait l’une de ses promesses de campagne, à moins de deux ans des prochaines élections présidentielles américaines.
Depuis le début du conflit israélo-palestinien, la diplomatie américaine s’est évertuée en vain à trouver une solution de paix durable. L’arrivée de Trump marque une rupture dans l’approche. Les Etats-Unis abandonnent leur neutralité historique au profit d’un soutien clair à Israël. Ce soutien conduit à une marginalisation de l’Autorité palestinienne, qui ne se verrait pas impliquée dans la création d’un « mini-état » palestinien dans la bande de Gaza.
Sources
https://www.middleeasteye.net/opinion/sisi-holds-key-trumps-sinai-plan-palestinians
https://www.lesclesdumoyenorient.com/Territoires-palestiniens.html#oslo
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/plan de paix/israel-palestine-le-baroud-d-honneur-de-barack-obama_1864111.html
https://www.challenges.fr/monde/le-plan de paix/-de-trump-propose-un-etat-palestinien-sur-90-de-la-cisjordanie_636949
https://carnegieendowment.org/2018/12/11/trump-s-plan-for-israel-and-palestine-one-more-step-away-from-peace-pub-77905