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La contrebande de pétrole

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Phénomène touchant principalement les zones grises des pays producteurs de brut, la contrebande de pétrole est problématique en de nombreux points : elle finance des groupes terroristes ou séparatistes, elle diminue les revenus des états issus des taxes et impacte les entreprises pétrolières. Ce phénomène est favorisé par les stratégies de contournement d’embargos, une forte différence de prix entre pays voisins ou par l’émergence de zones grises avec, à l’intérieur, des mouvements terroristes ou séparatistes en quête de financements. Comment évaluer l’ampleur et les conséquences de la contrebande de pétrole ?

  1. Ampleur du phénomène :

Les contrebandiers utilisent différents moyens pour approvisionner le marché noir en brut ou carburants de contrebande. Au Nigéria, les entreprises pétrolières font état de nombreux cas d’oléoducs endommagés, percés, aggravant ainsi les atteintes environnementales, par lesquels le pétrole est pompé. Près de 400.000 bpj seraient ainsi dérobés chaque jour au Nigéria. Les autorités nigérianes démantelèrent 1.556 raffineries illégales en 2013. En Lybie, les raffineries sont prises d’assaut par d’anciens gardes ou des autonomistes provenant de Cyrénaïque. En bloquant les ports et raffineries, ils empêchent les importations et grèvent gravement le budget de l’état libyen. Les autonomistes, prétendant devoir recevoir une partie des revenues pétroliers, tentent ensuite d’exporter le brut ou les produits raffinés par tankers. En mars 2014, les US Navy Seals abordèrent le Morning Glory, un tanker battant pavillon nord coréen chargé de pétrole de contrebande libyen au large de Chypre. En Irak, le phénomène prit une importance particulière afin de contourner l’embargo des Nations Unies durant la mise en place du programme « pétrole contre nourriture ». La technique du surlifting, consistant à surcharger un tanker et à transborder le surplus sur de plus petits navires dans les eaux internationales, fut utilisée et aurait rapportée près de 21.3 milliards $ à des dignitaires du parti Baas et intermédiaires durant la mise en place des sanctions. Aujourd’hui, au Kurdistan, le gouvernement de la province serait directement impliqué dans la contrebande de pétrole à destination de l’Iran principalement, dont les capacités de raffinages souffrirent de l’embargo, de la Syrie ou de la Turquie. Environ 80 raffineries clandestines fonctionneraient dans la province et à proximité de Kirkouk. L’exportation ne pouvant s’effectuer qu’avec l’accord des autorités de Bagdad, cette situation envenime les rapports avec Erbil autour du vote d’une hypothétique loi pétrolière. Bagdad considère les exportations de pétrole kurdes comme de la contrebande et condamne, avec l’aide de Washington, tout pays susceptible de recevoir ces cargaisons.

  1. La contrebande de pétrole, un mal nécessaire ?

 Dans certaines régions, la contrebande de pétrole est pourtant nécessaire à la survie des économies locales. Cette dernière n’est pas sans poser d’importantes problématiques ; pertes pour les entreprises pétrolières et concurrence aux stations services, risques d’accidents liés aux conditions de transport parfois hasardeuses (les médias africains rapportent de nombreux cas de décès ou de dégâts importants lors d’accidents impliquant par exemple des cyclomoteurs transportant de l’essence de contrebande), ou contrefaçon de produits pétroliers. Entre l’Algérie et le Maroc, l’Indonésie et l’île de Sumatra les prix à la pompe sont deux fois plus élevés, entre le Nigéria et le Bénin quatre fois et entre la Lybie et la Tunisie près de dix fois plus élevés. Ainsi, les différences de prix peuvent être telles qu’au Bénin, près de 70% de la consommation en produits pétroliers est assurée par la contrebande. La contrebande de produits pétroliers peut revêtir le masque de la criminalité, du financement du terrorisme mais elle est très souvent une nécessité pour des populations pauvres frappées par des pénuries ou des tarifs prohibitifs dans leur pays. Ainsi, une hausse des contrôles aux frontières pourrait dans certains pays avoir l’effet pervers d’appauvrir davantage les populations tributaires du pétrole de contrebande en faisant augmenter les tarifs des trafiquants soumis à plus de risques. Toutefois, tolérer le phénomène n’est évidemment qu’une solution à court terme. Qui plus est, autour des marchés de contrebande de pétrole, des réseaux de contrefacteurs de produits pétroliers se développent et distribuent des produits ne respectant pas les normes environnementales ; ce fut le cas récemment en Ukraine.

  1. La contrebande de pétrole et le financement de groupes terroristes/séparatistes :

 L’aspect le plus préoccupant de ce phénomène est qu’il finance, très largement, des organisations terroristes et en particulier l’État Islamique en Irak et au Levant. Le groupe djihadiste gagnerait près de 4 millions $ par jour grâce aux revenues de la contrebande de pétrole. Les champs de Syrie ou certains champs du nord ouest irakien permettraient ce trafic. L’importance du pétrole pour le financement de l’EIIL s’illustre par la prise d’une des plus grandes raffineries du pays à Baïji en juin dernier. Il faut rappeler que cette dernière produit du pétrole pour le marché irakien (ce qui limite les effets sur les cours internationaux) et que les grands gisements sont pour le moment épargnés. Le pétrole serait revendu à l’étranger ou, selon des déclarations récentes du ministre français des Affaires Étrangères Laurent Fabius, au régime syrien. Le ministre rappelle que jamais aucun groupe terroriste n’avait disposé d’une pareille manne financière. À terme, l’établissement d’un khalifa par l’EIIL dans des zones riches en pétrole fait peser d’importants risques sécuritaires au Moyen Orient et à l’Occident. En Libye également, la contrebande de pétrole, en permettant le financement de rebelles islamistes originaires de Cyrénaïque, fait peser un risque sur l’état libyen mais aussi à la région entière en renforçant les capacités financières de ces groupes. Plus lucrative et moins risquée que le trafic de drogue, la contrebande de pétrole risque de devenir un véritable enjeu pour les services douaniers et anti-terroristes.

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