Les sources de financement de l’Etat islamique
L’étau se resserre sur les entreprises soupçonnées de financer l’Etat islamique. En 2015, dans les jours suivants les attentats du 13 novembre, le ministre des finances français Michel Sapin affirme lors du G20 en Turquie que des « des décisions concrètes en matière de lutte contre le financement du terrorisme » doivent être prises. Pour autant, en novembre 2016, l’ONG Sherpa qui défend les victimes de crimes économiques a déposé une plainte contre le groupe français de matériaux de construction Lafarge, accusé de financer indirectement l’Etat islamique. L’exemple de l’entreprise Lafarge ne révèle-t-il pas l’inefficacité de la communauté internationale à lutter contre l’Etat islamique sur le plan économique?
L’Etat islamique: un groupe auto-financé
Si la lutte contre les groupes terroristes est si compliquée aujourd’hui, c’est notamment parce qu’ils peuvent s’appuyer sur des ressources financières conséquentes: les actifs de l’Etat islamique sont estimés à 1 800 milliards d’euros. Les outils d’enrichissement de ces groupes sont diversifiés et annihilent tout effort de la communauté internationale pour les isoler et les étouffer.
Outre la pratique de l’esclavage et la demande de rançons, l’EI tire surtout ses revenus de taxes imposées dans les régions occupées, de l’exploitation de zones pétrolières, du pillage des 24 banques en Irak et en Syrie qui sont sous son contrôle, ou encore de la vente d’oeuvres d’art et d’objets archéologiques. Pour autant, l’exemple de l’entreprise Lafarge nous montre que les revenus viennent aussi d’acteurs extérieurs.
Le financement extérieur: une source de revenus qui inquiète et dérange
Les accusations qui pèsent sur Lafarge sont lourdes, notamment « financement du terrorisme » et « complicité de crimes contre l’humanité ». Une éventuelle condamnation se voudrait être un avertissement pour l’ensemble des entreprises privés liées à l’EI. Ces financements sont parfois indirects comme dans le cas où des entreprises rachètent, sans le savoir, du pétrole produit par l’Etat islamique. Mais les fonds des groupes terroristes peuvent aussi venir de certains individus privés du Proche-Orient, dont l’influence et les actions sont beaucoup plus compliquées à contrôler. Ainsi, après les attentats de novembre 2015, si Manuel Valls ne remettait pas en question l’engagement de l’Arabie Saoudite ou du Qatar à lutter contre l’EI, il soulignait les zones d’ombre qui persistaient autour de certaines pratiques de financement par ces individus privés dans ces pays.
Quels leviers d’action pour les gouvernements?
Le 10 novembre, le gouvernement français a publié un décret afin de mieux contrôler les tentatives de financements des groupes terroristes. Il dote TRACFIN, cellule du ministère de l’Économie et des Finances luttant contre les flux financiers clandestins, d’un accès élargi au fichier des personnes recherchées, dont les « fiches S ». Aussi, il abaisse à 1000€ le seuil au-delà duquel l’octroi de crédit à la consommation doit être contrôlé, les règles d’utilisation des cartes prépayées sont devenues plus strictes et la vigilance lors de transferts d’argent par voie routière, aérienne, maritime ou ferroviaire est renforcée. Toutefois, il semble que les groupes terroristes trouveront toujours une faille pour se financer. Si la coopération européenne ne résoudrait pas tout, il peut s’agir d’un début pour lutter contre ces groupes. Les gouvernements se disent prêts à travailler de concert, mais les actions tardent à venir et les oppositions prônant la défense des libertés individuelles sont fortes.
Pourtant, même si la lutte contre le financement terroriste s’avérait efficace, les gouvernements sont confrontés à un autre enjeu de taille: comment lutter contre les groupes terroristes n’ont même plus besoin de développer des ingénieries financières pour tuer? A Nice, le 14 juillet 2016, l’attentat revendiqué par l’EI a coûté 2500€, pour acheter une arme et louer un camion.