Les relations entre le Qatar et la Côte d’Ivoire au beau fixe – Modeste Kante
En dépit du blocus imposé par l’Arabie saoudite, le Qatar continue d’entretenir et de consolider des relations diplomatiques avec de nombreux pays, particulièrement en Afrique de l’Ouest. De son côté, la Côte d’Ivoire entend bien tirer profit de ces bonnes relations et consolider sa coopération avec l’émirat. Tenir le cap, envers et contre tous. Depuis l’instauration, en juin dernier, d’un blocus par l’Arabie saoudite et ses alliés du quartet (Égypte, Bahreïn et Émirats arabes unis – EAU), le Qatar a bien l’intention de ne pas se laisser dicter sa politique étrangère. Alors que les alliés de Riyad ont unilatéralement rompu leurs relations diplomatiques avec Doha, prétextant un soutien du petit émirat au terrorisme et son rapprochement de fait avec le grand rival régional, l’Iran, les autorités qataries poursuivent leurs efforts afin de renforcer leur coopération avec de nombreux États « non alignés » sur l’intransigeance saoudienne.
Un blocus qui fait « pschitt », comme en témoigne la récente tournée de l’émir du Qatar en Afrique de l’Ouest.
Fin décembre 2017, le cheikh Tamin ben Hamad al-Thani s’est notamment rendu en Côte d’Ivoire, où il a été reçu par son homologue, Alassane Ouattara. Une « visite de travail » avant tout destinée à diversifier les partenariats du Qatar, mais aussi à démontrer l’échec de la stratégie d’isolement impulsée par Riyad. À Abidjan, les deux chefs d’État n’ont pas eu de mots assez doux pour qualifier leur entente et celle de leurs pays. « La Côte d’Ivoire et le Qatar entretiennent d’excellents liens d’amitié et de coopération », s’est ainsi félicité Alassane Ouattara. Lors de la réception organisée au palais présidentiel, Tamin ben Hamad al-Thani a même été élevé au rang de grand-croix de l’ordre national de la République de Côte d’Ivoire, la plus haute distinction du pays.
Preuve, s’il en fallait, que la tentative d’isolement diplomatique décrétée par l’Arabie saoudite contre son voisin a échoué. Le président ivoirien s’est ainsi félicité « de la constante progression de [leurs] échanges commerciaux, qui demeurent cependant largement en deçà des importantes potentialités de [leurs] deux pays ». La tournée africaine du cheikh qatari ne s’est pas arrêtée là. Al-Thani a été reçu successivement au Sénégal, au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Ghana. Autant de pays ouest-africains qui possèdent « un fort potentiel économique », selon un communiqué du ministère qatari des Affaires étrangères, et avec qui la délégation qui accompagnait l’émir a signé un certain nombre d’accords de coopération dans les domaines de la santé, de l’éducation, des mines, de l’énergie ou encore de la sécurité alimentaire.
La Côte d’Ivoire, un partenaire intéressant pour Doha
En Côte d’Ivoire, quatre accords de coopération ont été paraphés le 22 décembre 2017. En jeu, le transport aérien, la jeunesse, les sports et la culture, domaines dans lesquels les deux pays se sont engagés à consolider leurs relations. « Il nous appartient (…) d’encourager nos opérateurs économiques par la protection juridique de leurs activités en envisageant la signature (…) d’un accord de protection et de promotion réciproque des investissements et d’un accord pour éviter la double imposition », a complété Alassane Ouattara. La Côte d’Ivoire a des cartes à jouer. Le pays, qui projette d’atteindre l’émergence à l’horizon 2020, souhaite notamment que les acteurs qataris l’aident à mobiliser entre 55 et 60 milliards de francs CFA afin de financer son grand Plan national de développement 2016-2020, dont 60 % seront confiés au secteur privé. « Je n’ai aucun doute que les dynamiques entrepreneurs et les hommes d’affaires qataris sauront saisir les opportunités d’affaire en Côte d’Ivoire », a encore déclaré le chef d’État ivoirien devant son homologue.
Le pays a des cartes à jouer, donc, mais aussi des atouts à faire valoir. Locomotive de la sous-région, sa croissance économique « devrait se situer autour du taux très appréciable de 8 % en 2017, en dépit des fortes tensions internes et de la baisse des cours du cacao », a ainsi estimé Alassane Ouattara lors de son allocution de fin d’année devant ses compatriotes. Si la chute du cours du cacao de plus de 40 % a grevé les marges de manœuvre financières de la Côte d’Ivoire, l’économie ivoirienne « se porte globalement bien, est solide et résiliente », a encore estimé le président de la première puissance économique de l’UEMOA. Il a rappelé les grands chantiers en cours et succès des mois écoulés : poursuite des travaux de la première ligne du métro d’Abidjan, tenue de grands événements sur le territoire national, comme le 5e sommet Union africaine — Union européenne réunissant une soixantaine de chefs d’États et de gouvernement, ou encore les VIIIes jeux de la Francophonie, en présence de plus de 4 000 athlètes. « La Côte d’Ivoire reste un marché libre, ouvert et concurrentiel, donc ouvert aux investisseurs de votre pays », a finalement lancé Ouattara à al-Thani. Gageons que son message sera entendu.
Modeste Kante a effectué ses études de Science Politique, puis de Journalisme, à l’Université Lumière-Lyon 2. Depuis une dizaine d’années, il travaille principalement en Afrique dans le monde de la presse en ligne avec des médias africains (anglophones et francophones).