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Jabhat Fatah al-Sham, les Talibans syriens

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Jabhat Fatah al-Sham / Al-Qaïda
Conférence de presse de Jabhat Fatah al-Sham annonçant la scission avec Al-Qaïda

Le front Al-Nosra (en arabe : جبهة النصرة لأهل الشام, Jabhat an-nuṣrah li-ʾahl aš-šām, « Front pour la victoire des Gens du Cham), regroupant aujourd’hui prêt de 10 000 soldats, est apparu en 2011 avec le début de la guerre civile. Fondé et dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, le Front al-Nosra fut formé par des membres de l’État islamique d’Irak, mais il refuse en 2013 la fusion pour former l’État islamique en Irak et au Levant. L’organisation prête alors allégeance à Al-Qaïda, qui désigne al-Nosra comme sa branche syrienne. Il était donc jusqu’à cette année sa branche au Levant, et se sépara d’Al-Qaïda d’un commun accord le 28 juillet 2016. Il prendra alors le nom de Jabhat Fatah al-Sham (en arabe : جبهة فتح الشام, Jabhat fat(a)ḥ aš-šām, « Front de la conquête du Cham »)

Bénéficiant des compétences militaires et de guérillas des vétérans d’Afghanistan, il va s’imposer immédiatement comme un acteur essentiel de la guerre syrienne. Alliant technicité militaire, propagande efficace et moyens financiers collossaux, il va rapidement se rapprocher des rebelles de l’ASL. Durant les quatre ans de siège de la ville d’Alep, il constituait d’ailleurs la grande majorité des combattants, que les médias occidentaux ont souvent confondu (sciemment?) avec les soldats originels de la révolution démocratique syrienne.

C’est ici que se situe le désaccord profond entre l’Etat Islamique et Jabhat Fatah al-Sham (par extension avec Al-Qaïda) : le premier souhaite prendre le pouvoir et imposer de lui-même et en son nom un Califat Islamique aux visées expansionnistes et impérialistes dont on peut trouver l’origine idéologique dans le Califat des Omeyyades (fondé en 661, à son apogée 13 000 000 de km²) suivi du Califat abasside. Cette conception très napoléonienne de la guerre, la domination par la conquête de territoire – “par le haut” –  n’est pas du tout la vision du “monde islamique” d’Al-Qaïda. “La Base” (traduction d’ »Al-Qaïda »), grâce à la construction idéologique proposée notamment par Al-Suri, va appliquer un modèle qui consiste à radicaliser les populations, ici les combattants, avec leur immixtion dans la révolution syrienne, pour que l’islamisation de la société se fassent par eux-mêmes. C’est une conquête “pas le bas”, comme elle a eu lieu avec les Talibans en Afghanistan. La victoire de rebelles radicalisés permettrait à Jabhat Fatah al-Sham de créer un sanctuaire islamiste en Syrie et d’ainsi pouvoir relancer son jihad mondial et poursuivre “l’oeuvre” d’Al-Qaïda (déstabiliser le monde occidental pour donner la victoire à l’islam à l’avènement du Jugement Dernier).

Ce groupe constitue donc un grand danger pour l’Europe, et un obstacle à la résolution du conflit syrien, tout d’abord car depuis 2012 il est sous-estimé, considéré tantôt comme “groupe rebelle modéré”, puis comme ennemi efficace contre Al-Assad et qu’il fallait donc préserver, l’attitude des occidentaux à toujours été très ambigue. De plus, la propagande de Jabhat Fatah al-Sham met aujourd’hui aussi l’accent sur un axe révolutionnaire, diversifiant sa propagande et son public, loin du discours millénariste de l’Etat islamique, il cible le rebelle syrien qui se sent trahi par une révolution qui se teinte de trêves et de compromissions et non plus d’une volonté intransigeante de destruction totale du régime de Al Assad. La stratégie visant à se détacher d’Al-Qaïda fait aussi écho à une volonté de ne plus être ciblé par les bombardements américains, en s’effaçant peu à peu de leur liste noire, tout en continuant de diffuser l’idéologie du djihad mondial à travers la région.

Enfin, l’incompréhension et la mésinformation des médias occidentaux fait qu’on ne mesure pas  qu’Idlib est sous contrôle de Jaich al-Fatah  (« L’Armée de la conquête »), rassemblant principalement l’ex Front al-Nosra, Ahrar al-Sham, Faylaq al-Cham, ville vers laquelle fuient les civils et rebelles syriens d’Alep…  Cette ville vit sous la Chariah et elle n’était visée que par le régime, puisqu’une trêve a été signée. On  crée donc là par immobilisme, qui est dû notamment à la complexité invraisemblable des alliances qui se font et se défont dans la région, des bases arrières djihadistes, des lieux de formation, d’entraînement et d’approvisionnements, qui ne manqueront pas, à terme de menacer l’Europe.

Pour aller plus loin : 

 

Jihadisme “3G” : Abu Musab Al-Suri ou la clé de compréhension d’un phénomène mondial

CPO #3 : l’islam catalyseur du radicalisme ; entretien avec Gerald Arboit.

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