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Le sport power qatari : une périlleuse aubaine ?

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A l’occasion de la signature ultra-médiatisée du brésilien Neymar au Paris Saint-Germain, le Qatar a réaffirmé ses ambitions en termes de soft power. Le joueur le plus cher de l’histoire du football a été acheté grâce à un montage financier impliquant directement le fonds souverain du Qatar et sa Coupe du Monde de Football en 2022. Pourquoi l’émirat investit-il autant dans le domaine sportif ? 

Le sport, un terrain de jeu idéal pour le soft power Qatari 

Le Duhail Handball Sports Hall, imposante salle omnisports pour un pays qui ne compte qu’une centaine de licenciés en 2013

Le micro-État a obtenu son indépendance en 1971, et s’est alors retrouvé confronté à des contraintes pesant sur son développement. Sa taille et sa faible population l’empêchent effectivement de revendiquer un hard power. Il n’a donc pas d’autre choix que de rechercher un rayonnement international « soft » pour satisfaire son ambition, qui est de s’imposer sur la scène mondiale. Toutefois, la lutte d’influence entre l’Iran et l’Arabie saoudite domine la diplomatie régionale. Dès lors, agir dans le domaine sportif offre une visibilité mondiale, sous couvert d’une certaine neutralité politique requise dans une telle situation. D’autre part, le Qatar dispose de ressources naturelles abondantes et en tire une manne financière astronomique. La prédominance de l’aspect financier dans le nouveau sport business accorde ainsi une puissance incomparable aux fonds souverains qataris tels que Qatar Sport Investments. Par conséquent, en achetant des clubs européens comme le PSG, le Qatar peut se faire un nom sur la scène sportive en dépit de son manque de champions nationaux, à cause de sa faible population.

Par ailleurs, le pays multiplie les organisations d’événements majeurs : le Tournoi de tennis de Doha depuis 1993, les Jeux asiatiques en 2006, le Championnat du monde de handball en 2015 et désormais la Coupe du monde de football en 2022. Ces moments attirent des touristes, mais ils représentent aussi des occasions pour braquer les projecteurs mondiaux sur les progrès technologiques du pays. Dans ce domaine, l’émirat balaie d’un revers les préjugés faisant du Moyen-Orient une région en retard. Par exemple, le Qatar construit des stades révolutionnaires, climatisés et écologiques, imaginés par des architectes reconnus pour ne pas être des « éléphants blancs » (des infrastructures onéreuses sous-employées). Ils sont en effet entièrement démontables pour être offerts et remontés dans d’autres pays en développement. Cela illustre la volonté de ce petit pays : capitaliser sur ses gigantesques moyens financiers pour s’afficher en modèle à suivre dans la marche au progrès et donc s’octroyer une place dans les discussions mondiales.

Un potentiel retour de flamme

Cette stratégie n’est toutefois pas sans risque. L’organisation de la Coupe du Monde 2022 expose aussi le Qatar aux critiques. On reproche au pays une potentielle corruption de la FIFA pour l’obtenir, ainsi qu’un mauvais traitement des travailleurs immigrés qui construisent les stades. Par ailleurs, le Qatar incarne la financiarisation à outrance du sport que beaucoup dénoncent, et ne fait donc pas l’unanimité. Ce choix illustre donc une problématique inhérente au Soft Power : chercher à tout prix à séduire peut provoquer un rejet. Dans la quête d’influence, comme en sport, la victoire est toujours incertaine.

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