Crise minière en Bolivie : la fin d’un cycle politique et social ?
Les manifestations de mineurs de coopératives en Bolivie ont connu une tournure tragique avec l’assassinat du Vice-Ministre de l’Intérieur, Rodolfo Illanes, et la mort de manifestants au cours d’affrontements avec la police locale. La réaction d’Evo Morales laisse planer le doute quant-à un possible durcissement du conflit.
Le 25 août dernier, le Vice-Ministre bolivien de l’Intérieur, Rodolfo Illanes a été séquestré puis assassiné dans la localité de Panduro par des manifestants qui bloquaient un important axe routier reliant La Paz à d’autres villes importantes de l’Ouest du pays comme Oruro et Cochabamba. Illanes avait été envoyé en tant que médiateur par le gouvernement d’Evo Morales dans le cadre de négociations avec les mineurs visés par une réforme récente du droit du travail. Cet événement est intervenu à la suite de plusieurs jours de conflit au cours desquels les affrontements ont causé la mort de plusieurs mineurs et des dizaines de blessés.
Lors de son arrivée à la présidence de la Bolivie en 2006, Evo Morales avait fait de la nationalisation des ressources naturelles du pays un objectif stratégique. Si l’exportation d’hydrocarbures constitue la majorité des exportations boliviennes, le secteur minier est également essentiel pour l’économie du pays andin. En effet, ce dernier constitue plus du quart des exportations, grâce aux nombreux gisements de lithium, d’étain, de zinc ou encore d’argent présents dans le pays. Aujourd’hui, ce secteur est exploité en grande majorité par l’État, mais également par des coopératives minières – réunies au sein d’une fédération, la FENCOMIN – qui représentent 20% de l’exploitation minière du pays. Ces coopératives sont très critiquées, en raison de leur opacité et des inégalités entre les sociétaires et les ouvriers qui les composent : des dirigeants des coopératives les plus puissantes se sont autonomisés, transformant de fait certaines en véritables entreprises travaillant avec des groupes étrangers. L’une des origines des manifestations tient d’ailleurs à l’opposition des sociétaires au projet de loi permettant aux ouvriers des coopératives de se syndiquer. Bien que vitale à la croissance économique de la Bolivie, l’extraction minière est une source récurrente de conflits sociaux radicaux, entre travailleurs des coopératives et des entreprises étatiques, ainsi qu’avec les populations indigènes – très nombreuses en Bolivie – qui voient leurs terres endommagées par l’exploitation industrielle. Toutefois, même lors de la fameuse « guerre du gaz » en 2003, les violences à l’encontre de représentants de l’État n’avaient pas été aussi loin.
Quelle réponse du gouvernement bolivien face au conflit minier ?
Cette escalade dans la violence sociale laisse planer le doute sur l’action qu’entreprendra le gouvernement suite à ces événements tragiques : Evo Morales a dénoncé un complot contre son gouvernement, stipulant que « Nous recueillons des informations et découvrons des documents qui disent que ceci [les manifestations de mineurs] visait à déposer le gouvernement ». Le président a également affirmé que l’assassinat relevait d’un « complot politique, et non d’une revendication sociale ». Affaibli par l’échec du référendum sur le changement de Constitution – visant à permettre au président de pouvoir se représenter pour un quatrième mandat – le gouvernement pourrait être tenté de durcir sa position, en surfant sur la vague d’indignation qu’a suscité l’assassinat de Rodolfo Illanes. En outre, les autres secteurs secteurs de l’économie bolivienne n’ont pas rejoint les mineurs dans leurs protestations.
De ce nouveau conflit social peuvent être interprétés deux éléments qui peuvent s’avérer essentiels pour les prochaines années. Le premier est que malgré la politique nationale mise en place par Evo Morales, l’institution étatique demeure fragile dans le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud, comme en témoignent la faible protection dont disposait Rodolfo Illanes et les difficultés des forces de l’ordre en endiguer un mouvement social relativement restreint. Le second élément est une crise de fin de cycle politique, dans la mesure où le parti présidentiel Movimiento al Socialismo (MAS), au pouvoir depuis une décennie, doit trouver un successeur au président Morales afin de continuer à mettre en œuvre sa politique réformatrice en Bolivie.