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Avec Trump président, la Cour Suprême va basculer

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Le retentissement suscité par l’accession de Donald Trump à la présidence des États-Unis a occulté un fait majeur de ces élections : la Cour Suprême des États-Unis penchera pour de nombreuses années dans le camp conservateur.

Le juge de la Cour Suprême Antonin Scalia, décédé en février 2016
Le juge de la Cour Suprême Antonin Scalia, décédé en février 2016

L’effet de surprise occasionné la victoire de Donald Trump sur Hillary Clinton a fait que les médias ont tourné en boucle sur cet événement. Bien évidement, il s’agit d’un fait majeur qui pourrait avoir des conséquences géopolitiques tout-à-fait exceptionnelles dans les mois et les années à venir suivant l’attitude qu’adoptera le président nouvellement élu à son arrivée à la Maison-Blanche. Toutefois, il est également à retenir que les élections du 9 novembre 2016 auront fait basculer les institutions fondamentales de la première puissance du monde dans le camp du conservatisme. Au-delà de la victoire de Trump, les Républicains sont parvenus à conserver une courte majorité au Sénat – 51 sièges sur 100 – ainsi qu’à la Chambre des Représentants. Cette majorité Républicaine dans les deux Chambres du Congrès devrait permettre à Donald Trump de mettre en œuvre la majorité de son programme présidentiel s’il parvient à se réconcilier avec les ténors du Grand Old Party. La plupart des réformes menées par l’administration précédente, en particulier l’Obamacare bien que cette réforme soit très éloignée du projet initial de Barack Obama, devraient ainsi être détricotées par la nouvelle majorité.

Pourtant, paradoxalement, ce n’est pas le changement le plus fondamental. Du fait du calendrier électoral américain, une mauvaise présidence serait rapidement sanctionnée dans les urnes : dans deux ans (le 6 novembre 2018) arriveront les mid-term elections qui pourraient permettre une nouvelle majorité démocrate dans l’une des deux Chambres et calmer les ardeurs de Trump. S’en suivraient alors deux ans de transition jusqu’à la prochaine présidentielle, comme c’est le cas actuellement avec la fin de mandat de Barack Obama.

Trump décidera de l’orientation de la Cour Suprême pour les vingt prochaines années

Le changement le plus durable aura lieu à la Cour Suprême. Créée par l’article III de la Constitution, cette institution est compétente sur chaque sujet relevant du droit constitutionnel, des lois votées par le Congrès et des traités signés par le pays. Elle est d’autant plus importante qu’il s’agit de la plus haute institution judiciaire aux États-Unis ce qui rend ses décisions irrévocables. Composée de 9 juges nommés à vie par le président et approuvés par le Sénat, la Cour Suprême se rapproche sur la forme du Conseil Constitutionnel français mais avec des pouvoirs bien plus étendus. Or, depuis le début de l’année, la Cour ne possède que 8 membres, suite au décès d’Antonin Scalia. Barack Obama avait tenté d’imposer Merrick Garland, jugé progressiste, mais a dû se heurter au refus d’un Sénat à majorité Républicaine.

C’est donc Donald Trump qui pourra bientôt nommer un candidat au poste vacant après sa prise de fonction le 20 janvier 2017. Actuellement, il y a un équilibre des forces au sein de l’institution, quatre membres étant jugées plutôt comme étant du camp progressiste, quatre du camp conservateur. Trump aura le pouvoir de faire basculer la Cour dans ce dernier camp. Lors de la campagne électorale, il avait annoncé que les juges qu’il nommerait seraient pro-vie et défendraient le deuxième amendement sur le port d’armes. Surtout, il aura l’occasion d’élargir cette nouvelle majorité conservatrice. En effet, trois juges ont un âge relativement avancé, en particulier deux nommés par des présidents Démocrates : Stephen Breyer (78 ans) et Ruth Bader Ginsburg (83 ans). Le troisième, Anthony Kennedy (80 ans), est un conservateur qui s’est rapproché des positions progressistes : le 27 juin, l’arrêt Whole Woman’s Health v. Hellerstedt réaffirmait le droit à l’avortement par 5 voix contre 3. Il est donc possible, voire probable, que ces trois juges quittent leur fonctions durant le mandat présidentiel de Donald Trump, ce qui pourrait – selon les remplaçants choisis par le nouveau président – transformer le rapport de force à 7 contre 2 pour les conservateurs.

Les juges étant nommés à vie, la Cour Suprême pourrait demeurer conservatrice pour les vingt prochaines années. C’est donc l’ensemble d’une génération qui pourrait se voir affectée par les décisions de la Cour Suprême, que ce soit sur l’avortement, l’immigration, le port d’arme ou l’assurance-maladie. Ce sera peut-être cela, le véritable héritage de la présidence Trump …

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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