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Migrations : le Mexique cède sous la pression américaine

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Sous pression, le Mexique a accepté de signer, le 7 juin 2019, un accord sur l’immigration avec Washington. Les États-Unis menaçaient leur voisin du Sud de droits de douane renforcés sur les importations mexicaines. L’intensification du contrôle mexicain des migrations suscite l’inquiétude des organisations internationales de défense des droits de l’homme.

Frontière entre les Etats-Unis et le Mexique
Un mur à la frontière avec le Mexique était l’une des grandes promesses de campagne de Donald Trump.

C’est une image qui a fait le tour du monde : Oscar Alberto Martínez Ramírez et sa fille Valeria, âgée de 23 mois, ont trouvé la mort dans l’eau boueuse du Rio Grande, au cours d’un périlleux voyage aux conséquences tragiques vers les États-Unis. Depuis plusieurs mois, la frontière américano-mexicaine est soumise à une intense pression, alors que l’immigration illégale explose. Fuyant la pauvreté et la violence, le nombre de migrants centraméricains vers les Etats-Unis a explosé depuis l’automne 2018. 520 000 migrants sont ainsi entrés au Mexique depuis janvier 2019. C’est quatre fois plus que les années précédentes.

Les gouvernements successifs d’Obama et de Trump ont fait pression sur le Mexique à propos de sa politique migratoire. Trump a fait de la lutte contre l’immigration illégale un élément central de sa présidence. La construction d’un mur à la frontière avec le Mexique était l’une des grandes promesses de sa campagne de 2016. Au nom de la lutte contre l’immigration, Washington menaçait d’imposer des droits de douane progressifs, de 5% à partir du 10 juin jusqu’à 25% en octobre, sur 350 milliards de dollars d’importations mexicaines aux États-Unis. Or, 80% des exportations mexicaines sont à destination des États-Unis.

Accord entre Mexico et Washington

Le 7 juin dernier, les États-Unis et le Mexique sont finalement parvenus à un accord sur l’immigration. Le texte signé prévoit notamment que le Mexique renforce son dispositif à ses frontières. Le gouvernement a ainsi déployé 15 000 soldats anti-immigration à la frontière avec les États-Unis et 6 500 hommes à la frontière sud avec le Guatemala. Les États-Unis exigent également l’élargissement du programme de coopération « Rester au Mexique », mis en place il y a plusieurs mois. Ce programme oblige le Mexique à accueillir les demandeurs d’asile centraméricains le temps que les États-Unis étudient leur demande.

En échange, Washington s’est engagé à financer le programme de soutien au développement en Amérique centrale. À ce titre, l’administration Trump a promis de mobiliser des fonds supplémentaires et des prêts du secteur privé. Le président américain a salué la signature d’un « accord historique« . « Il existera désormais une formidable coopération entre les Etats-Unis et le Mexique, comme il n’en a pas existé depuis des décennies« , s’est-il félicité. De son côté, Andrés Manuel López Obrador a tendu « une main ouverte et franche » aux États-Unis. Il a ainsi réitéré sa « proposition d’amitié, de dialogue et de coopération, pour le bien de nos deux peuples« .

Le Mexique grand perdant ?

En évitant une probable crise économique, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador s’est vu contraint de durcir sa politique migratoire. Élu en décembre 2018, l’homme de gauche avait pourtant promis une politique migratoire basée sur les « droits des migrants, pas les expulsions« , à contre-courant de la politique de son prédécesseur, Enrique Peña Nieto. Il souhaitait alors mettre en place un plan de développement régional pour s’attaquer aux causes des migrations en Amérique centrale. En janvier dernier, il a accordé un visa humanitaire permettant aux migrants de travailler et de se déplacer dans tout le Mexique pendant un an. Cette mesure facilitait alors le passage des migrants vers la frontière nord avec les États-Unis.

Le Mexique était déjà revenu sur cette décision, accordant à la place des visas régionaux qui confinaient les migrants aux États du sud du pays. Les concessions accordées aux États-Unis à travers l’accord sont bien plus importantes. Mexico a accepté que l’efficacité des mesures prises soit évaluée régulièrement. Si le pays ne pouvait pas freiner le flux de migrants, l’accord pourrait alors être revu. Une clause implique notamment que le Mexique serait amené à discuter d’une réforme du droit d’asile. En ligne de mire, l’étiquette de « pays tiers sûr« , que Washington tente d’imposer de longue date au Mexique. Les demandeurs d’asile devraient ici demander la protection dans le premier pays sûr où ils arrivent, soit au Mexique, et non plus aux États-Unis.

L’inquiétude des organisations de défense des droits de l’Homme

De nombreux experts et associations s’inquiètent du déploiement des forces mexicaines à la frontière, qu’ils jugent prématuré. Certains ont averti que cette forte mobilisation pourrait pousser les migrants à emprunter des routes plus dangereuses. De même, la militarisation d’une frontière s’accompagne souvent d’une augmentation de la violation des droits des migrants. L’ONG Human Rights Watch considère que c’est une « folie« . Pour Miguel Vivanco, « c’est la dernière folie de la militarisation de la sécurité publique au Mexique : déployer une force essentiellement militaire non pas contre des groupes de criminels mais contre de simples familles qui fuient ces mêmes groupes« . Le think-tank Washington Office on Latin America estime que les membres de la Garde nationale n’ont pas été formés à cette tâche. Enfin, des voix critiquent le détournement de la Garde nationale de sa mission initiale de lutte contre le narcotrafic.

L’accord signé entre Mexico et Washington a également été dénoncé par plusieurs pays d’Amérique centrale. Le vice-président du Salvador, Felix Ulloa, a regretté d’être « une monnaie d’échange dans ces négociations« . « Le Mexique n’a négocié que de manière bilatérale, mais a déclaré que l’Amérique centrale était de la partie« , a-t-il ajouté. Le Guatemala a, quant-à-lui, critiqué le non-respect des accords entre les deux pays. Il a ainsi souligné les conditions inhumaines des migrants, des traitements dégradants ou encore le manque d’aide médicale et de transparence sur les dossiers. Le Mexique lui-même a demandé le soutien de l’ONU pour ralentir l’immigration et s’attaquer à ses causes, la pauvreté et l’insécurité en Amérique centrale.

Le nombre de migrants clandestins en baisse

La signature de l’accord et la ratification par le Mexique du Traité de libre-échange nord-américain (AEUMC) a donné un bref répit au pays. Selon un premier bilan, le nombre de migrants arrêtés aux États-Unis après avoir illégalement franchi la frontière avec le Mexique a baissé de 21% en juillet par rapport au mois précédent. La Sécurité intérieure américaine attribue ce recul à l’accord signé en juin et à la collaboration avec le Guatemala, le Salvador et le Honduras. En réalité, le nombre d’arrestations à la frontière diminue généralement pendant les mois d’été en raison des fortes chaleurs dans la région.

Enfin, l’épée de Damoclès des droits de douane demeure. Si le Mexique ne coopère pas pleinement et ne peut tenir ses promesses, les États-Unis reprendront position. Washington a d’ores et déjà accéléré sa politique de renvoi. Donald Trump a annoncé dimanche 14 juillet le lancement d’une vaste opération d’expulsion d’immigrés en situation irrégulière dans dix villes américaines. A terme, près de quatre millions de Mexicains pourraient être concernés. Les États-Unis veulent désormais interdire les demandes d’asile aux migrants qui n’auraient pas sollicité le statut de réfugiés au Mexique ou dans un autre pays sur la route des États-Unis. Une telle mesure serait contraire au droit international et au principe de non-refoulement.

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Solène VIZIER

Solène Vizier est diplômée d’un Master 2 Etudes Stratégiques. Passionnée de géopolitique, ses domaines de spécialisation concernent les mondes hispanophone et russophone, le désarmement nucléaire et la géopolitique du sport. Elle est rédactrice aux Yeux du Monde depuis avril 2019.

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