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Le système A2/AD chinois : enjeux régionaux

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Différentes portées de missiles ballistiques chinois. Le MRMB DF-21 est une composante essentielle du système A2/AD.
Différentes portées de missiles ballistiques chinois: le MRMB DF-21 est une composante essentielle du système A2/AD.

Les systèmes d’Anti-Access/Area-Denial (A2/AD) composent l’évolution de notre ligne Maginot ou de la muraille de Chine. Les systèmes Anti-Access peuvent être définis[1] comme « enemy actions wich inhibit military movement into a theater of operations » et les systèmes Area-Denial comme « activities that seek to deny freedom of action within areas under the enemy’s control ». Concrètement, ces systèmes visent, notamment par des moyens balistiques, à limiter les capacités d’actions de l’ennemi sur un théâtre opérationnel. Aujourd’hui, un système A2/AD en particulier est au cœur d’un probable bouleversement stratégique : il s’agit du système chinois de défense. Le développement du système A2/AD chinois est intimement lié : à la perception chinoise de l’étranger proche, à la présence militaire en Asie et aux disputes territoriales, marques d’une volonté chinoise d’hégémonie régionale.

Développement de l’A2/AD chinois : pourquoi, comment, quelles conséquences ?

  1. Le système A2/AD chinois : origines

En 1996, les Etats-Unis mobilisèrent deux groupes de combat aéronavals composés des porte-avions USS Nimitz et USS Independance, en gage de soutien à Taïwan alors que les autorités chinoises procédaient à des tirs de missiles visant, vraisemblablement, à intimider l’électorat du président sortant Lee Teng-hui durant les élections. Ces évènements, marqueurs d’une forte ingérence américaine dans la région, furent à l’origine de la volonté chinoise de mise en place et d’expansion d’un système A2/AD.  

Le développement de ce système permet à la Chine d’avoir les moyens militaires de ses ambitions régionales : dans les tensions autour des îles Senkaku/Diaoyu, des îles Paracels et Spratleys, mais aussi autour des rapports de forces persistants avec Taïwan. L’A2/AD permet donc à la Chine d’exercer, sans menace militaire directe, ses revendications en Mer de Chine orientale, méridionale et de faire face au « dilemme de Malacca ».

Signe de la volonté chinoise d’affirmation, dans ses eaux territoriales mais également dans les espaces environnants : le 5 décembre 2013, deux bâtiments de la marine chinoise s’approchèrent de l’USS Cowpens, pourtant dans les eaux internationales, au point de manquer de peu une collision (au mépris total des codes de navigation internationaux). Toujours à la fin de l’année 2013, Pékin a annoncé la mise en place d’une Air Defense Identification Zone (ADIZ) qui empiète sur les ADIZ japonaises et sud-coréennes mais surtout, intègre les îles Senkaku/Diaoyu. Le système ADIZ implique pour les avions transitant dans la zone de : donner leur plan de vol, maintenir un contact radio et garder les transpondeurs radars en fonction, exhiber clairement leur nationalité.

  1. Le système A2/AD chinois : données opérationnelles

La Seconde Artillerie contrôle la plupart de l’arsenal nucléaire et des missiles balistiques chinois. En novembre 2013, la 2nd Artillerie possédait environ 1.000 Short Range Ballistic Missile (SRBM) d’une portée maximale de 1.000 kilomètres. Elle développe également son arsenal de Middle Range Ballistic Missile (MRBM) estimé à environ 1.600 pièces d’une portée maximale de 3.500km. Le CSS-5 Mod 5 (appellation OTAN)/DF-21D est un bon exemple des enjeux liés au développement d’un arsenal de MRBM chinois. En effet, ce missile balistique antinavire (ASBM en anglais), d’une portée de 1.700km permet à la marine chinoise d’attaquer des navires particulièrement imposants, à l’instar de porte-avions. Au début de l’année 2014, l’évolution du DF-21D, le DF-25, d’une portée maximale de 3.500km et pouvant transporter 3 engins, apparut dans les médias.

La Chine possède également de nombreux systèmes surface to air missile (SAM) composés de S-300 russes ou de copies d’une portée approximative de 150Km. Outre l’aspect défensif, les SAM empêchent un ennemi potentiel de prendre l’ascendant sur le théâtre aérien. Dans le cas d’un conflit avec l’aviation américaine, les avions de cinquième génération uniquement, comme le chasseur de type F-22A et le bombardier de type B-2A, pourraient éviter de lourdes pertes en pénétrant la zone d’action des S-300. De plus, de nombreux rapports révèlent que la Chine devrait acquérir prochainement des S-400 russes d’une portée d’environ 350km, pouvant ainsi couvrir l’intégralité de l’espace aérien de Taïwan. La Chine se dote également de nouvelles capacités radars.

La flotte de sous-marins chinois, composée d’une soixantaine de bâtiments dont 3 SNLE et 5 SNA, est également une composante majeure du système A2/AD développé par Pékin. En 2006, un sous-marin chinois de classe Song (propulsion diesel) a été aperçu à quelques kilomètres d’un groupe aéronaval américain en exercice au large des côtes japonaises. Les porte-avions étant escortés par des navires de lutte anti-sous-marine, l’épisode a fait figure de provocation. De plus, l’accroissement des capacités océaniques de dissuasion nucléaire, notamment grâce aux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de classe Jin, permet à Pékin d’accroitre ses choix stratégiques en cas de conflits et de dépasser le cadre de la zone d’A2/AD pour intimider de potentiels adversaires.

Vers un dépassement du cadre défensif du système A2/AD…

Le Liaoning, en service depuis 2013, fait figure de façade médiatique du développement des capacités militaires chinoises. Le porte-avions sera pleinement opérationnel à l’horizon 2015 alors qu’un autre bâtiment est actuellement en développement. Bien que n’étant pas une composante majeure du système de défense chinois, ses futures missions en haute mer, permissent notamment grâce aux facilités militaires offertes par le « collier de perles », symboliseront le dépassement du système A2/AD défensif vers une composante offensive de haute mer.

L’accroissement des capacités aériennes chinoises illustre également une volonté de dépassement du cadre défensif d’A2/AD. Avec 1900 avions de combats, dont 600 modernes, la Chine dispose de la troisième aviation militaire mondiale. L’aviation chinoise est en plein développement avec l’achat à la Russie de SU-35, mais aussi, avec le déploiement de ravitailleurs en vol (sur la base du bombardier russe H-6).

  1. Quelles conséquences géopolitiques ?

La mise en place d’un système A2/AD par la Chine vise avant tout à maintenir les forces américaines à bonne distance du premier collier d’îles allant du Japon, aux Philippines, en intégrant le détroit de Malacca. En effet, à l’intérieur de ce chapelet, la Chine est particulièrement vulnérable du fait de la concentration de ses flux/infrastructures portuaires vitaux pour l’économie chinoise en termes d’importations d’hydrocarbures par exemple et d’exportations de biens.

En termes opérationnels, le système A2/AD pourrait permettre de cibler les bases d’Okinawa mais également de Guam, réduisant ainsi au minimum les capacités d’intervention américaines. De plus, les groupements aéronavals devraient se tenir hors de portée des MRBM chinois, réduisant ainsi grandement leur efficacité. Enfin, en cas de raids aériens visant des infrastructures stratégiques, il faudrait s’attendre à d’importantes pertes causées par les systèmes SAM. Ainsi, vu l’ampleur du système chinois, une flotte ne se risquerait pas à aller sacrifier un porte-avion (coût matériel mais également symbolique et médiatique) dans l’espace A2/AD chinois.

Toutefois, la mise en place de ce système, mêlée aux tendances bellicistes de la Chine (comme en mai 2014 autour des plateformes de forage avec le Vietnam) pousse de nombreux pays de la région à accroitre, voire à requérir comme dans le cas du Vietnam, une présence militaire américaine. Même si nous n’en sommes pas à faire de la Chine un « prétexte nord-coréen » légitimant une présence américaine dans la région, la politique de Pékin rend, plus que jamais légitime aux yeux de ses voisins, une présence militaire américaine en Asie. Washington pourrait donc pousser ces nouveaux alliés à installer des systèmes A2/AD similaires ou à en accueillir temporairement, afin de ne pas créer de brouilles diplomatiques avec Pékin.

Ainsi, le système A2/AD chinois représente un défi opérationnel pour l’US Navy et l’US Air Force mais annonce également des défis politiques à l’échelle régionale. En effet, fort de ce système, la Chine n’hésite plus à affirmer ses ambitions politiques (notamment dans les conflits territoriaux) et à tester l’efficacité de la stratégie de « pivot » américaine.

En réponse, les états-majors américains développèrent l’Air Sea Battle Strategy, qui prône la mise en place de mesures coordonnées, intégrant des capacités terrestres, aériennes, marines mais également spatiales et de cyberattaques, afin de défaire en profondeur les systèmes A2/AD. Ceci, afin d’opérer à nouveau sur un théâtre d’opération libre d’accès.

[1] US Naval War College, “Anti-Access/Area Denial : The Evolution of Modern Warfare”, disponible sur https://www.usnwc.edu/Lucent/OpenPdf.aspx?id=95

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