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Le Sri Lanka en guerre – Le Sri Lanka à l’ombre de la Chine (1/4)

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La dépendance de la Chine aux hydrocarbures du Moyen-Orient, et à ses propres exportations de produits manufacturés vers l’Europe, conduit Pékin à opérer des jeux d’alliance avec certains pays riverains de l’océan Indien, espace pivot dans sa stratégie maritime, mais auquel la Chine n’a pourtant aucun accès. Cette politique se reflète tout particulièrement au Sri Lanka.

Une relation diplomatique ancienne

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Un cargo sri-lankais détruit en 2003 lors d’une attaque orchestrée par le LTTE © Isak Berntsen/ Wikimedia Commons

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le départ des Britanniques de l’île en 1947, la Chine et le Sri Lanka entretiennent d’étroites relations diplomatiques. Abritant chacun une population à majorité bouddhiste, les deux pays se rapprochent lors de la guerre de Corée (1950-1953) avec la signature du « Rubber-Rice Pact » (1952) qui permet au Sri Lanka d’importer depuis la Chine de grandes quantités de riz à bas prix, en échange de son caoutchouc, matériau qui fait défaut à l’industrie de guerre chinoise, sous le coup de sanctions occidentales, en raison du soutien de Pékin aux troupes de la République démocratique populaire de Corée.

Cet accord commercial, l’un des premiers que signe la Chine de Mao Zedong avec un pays non-communiste, marque le début du rapprochement sino-sri lankais, remarqué à nouveau en 1971, lorsque le Sri Lanka vote en faveur de la reconnaissance de la République populaire de Chine à l’Organisation des Nations unies (ONU), au détriment de Taïwan.

Une guerre civile au Sri Lanka

En juillet 1983, au nord du Sri Lanka, treize soldats de l’armée sri-lankaise sont tués à Jaffna lors d’une embuscade tendue par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), groupe séparatiste armé qui souhaite fonder un état indépendant dans le nord et l’Est du Sri Lanka, où vivent en très grande partie les Tamouls sri-lankais, deuxième ethnie du pays derrière les Cingalais (75% de la population). Cette attaque, ainsi que les émeutes et massacres de Tamouls orchestrés dans les jours suivants par des Cingalais, marquent le début de la guerre civile sur l’île.

Si les premières années du conflit opposent principalement l’armée régulière sri lankaise au LTTE, cette situation change à partir de 1987 lorsqu’intervient l’Inde. Désireuse de s’affirmer comme une puissance régionale stabilisatrice et de rassurer sa propre population tamoule, l’Inde s’implique dans la guerre civile en fournissant dans un premier temps un appui financier et logistique aux Tigres tamouls, avant de signer en juillet 1987 un accord avec le gouvernement sri lankais qui autorise l’envoi d’un contingent militaire indien (Indian Peace Keeping Force) chargé de démilitariser le LTTE, en échange du retrait des forces gouvernementales sri lankaises du nord de l’île.

L’intervention de la Chine

La présence de militaires indiens au Sri Lanka n’est pas au goût de Pékin qui, en réponse, franchit le pas dans son soutien aux troupes gouvernementales avec la livraison d’avions et de véhicules transporteurs de troupes. Cette aide militaire s’accélère en 1990, au moment où l’Indian Peace Keeping Force quitte le Sri Lanka sans avoir réussi à démilitariser le LTTE, départ qui marque la reprise de la guerre civile. La Chine fournit alors du matériel défensif avec des canons anti-aériens et des radars côtiers destinés à protéger la marine sri lankaise des bateaux kamikazes, mais livre surtout du matériel offensif composé d’avions de chasse, de canons d’artillerie, de véhicules de troupes et de navires légers. Ces équipements qui accentuent l’asymétrie du conflit permettent aux troupes sri lankaises de reprendre du terrain au LTTE.

Le tournant sino-sri lankais de 2005

La dureté des combats, et l’arrivée au pouvoir en 2005 de Mahinda Rajapaksa (2005-2015) qui promet d’éliminer de manière définitive la menace des Tigres tamouls, encouragent l’armée à instaurer une politique de terreur dans les zones de combat, ciblant tout autant les populations civiles que les combattants du LTTE. Conduite au mépris du droit international, cette politique s’attire les foudres des États-Unis qui suspendent à partir de 2007 leur aide logistique au gouvernement de Mahinda Rajapaksa, d’autant plus que celui-ci affiche publiquement sa proximité avec Pékin. La même année, Louise Arbour, Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, déclare après une visite sur l’île que le Sri Lanka est un pays « où la faiblesse de l’État de droit et la prévalence de l’impunité sont alarmantes ».

Le désengagement américain, ainsi que les réprobations de l’Union européenne, permettent à la Chine de s’imposer comme l’unique allié de poids du gouvernement sri lankais. La guerre civile se termine deux ans plus tard, en 2009, et fit entre 80 000 et 100 000 victimes. Les demandes d’enquêtes indépendantes formulées les années suivantes par les instances internationales au sujet des exactions commises par l’armée sri lankaise se heurtent au refus de Colombo et Pékin. Le Sri Lanka est dorénavant un pays à reconstruire, et son allié chinois compte bien en profiter.

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