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Qui veut vraiment la paix en Corée ?

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Samedi 29 avril, la Corée du Nord a procédé à un nouveau tir de missile de moyenne portée, une nouvelle action qui s’ajoute au long feuilleton des provocations de Pyongyang. Aujourd’hui, la menace nord-coréenne paraît être plus présente que jamais. Pourtant, malgré les nombreux appels à négocier émanant de chaque camp, aucun pays ne semble prêt à œuvrer à une véritable entente entre le Nord et le Sud de la péninsule. Cependant, Moon Jae-in, le nouveau président sud-coréen favorable à un dialogue avec le Nord pourrait changer la donne.

Moon Jae-in, nouveau président de la Corée du Sud. Sa principale mission: restaurer un dialogue avec le Nord.

Il serait dangereux de déclarer que la situation d’extrême tension en Asie du Sud-Est convient à tous les acteurs présents sur le territoire. Il est clair que la plupart des pays souhaitent calmer le jeu en Corée, en privilégiant le dialogue et la diplomatie aux démonstrations de forces. Cependant une solution pour une réunification, ou au moins pour une déclaration de paix qui unirait les deux pays, ne semble pas être à l’ordre du jour.

La Chine tout d’abord, a tout intérêt à faire survivre le régime nord-coréen. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle reste aujourd’hui son seul « allié » en important près de 90% des productions nord-coréennes. En cas de réunification des deux Corées, la Chine se retrouverait avec des soldats américains à sa porte : le Nord représente donc un véritable tampon pour contrer l’influence américaine, très présente au Sud.

Mais la Corée du Nord représente malgré cela une épine dans le pied de la Chine. Cette dernière, qui privilégie le commerce à la guerre, se retrouve mêlée à un conflit qui pourrait mettre à mal certaines de ses relations commerciales.

Les États-Unis de Donald Trump comptent justement faire pression sur la Chine via la Corée du Nord pour négocier au mieux les futurs accords commerciaux. Washington accuse aussi Pékin de fermer les yeux sur les sociétés écrans nord-coréennes basées en Chine ou aux Philippines. Grâce à ces dernières, le régime de Kim Jong-un peut contourner certaines sanctions internationales. De plus, le maintien de cette division Nord-Sud permet aux Américains d’apparaître comme des alliés incontournables de Séoul.

Le Japon souhaite également tirer bénéfice du conflit, en se servant de cette « excuse » pour légitimer sa remilitarisation, tant souhaitée par le Premier ministre japonais Shinzo Abe. Ce dernier invoque ainsi la menace nord-coréenne pour justifier le besoin de reformer la constitution pacifique inchangée depuis 70 ans.

Dans cet imbroglio diplomatique, un pays semble être oublié, mais est pourtant le principal concerné : la Corée du Sud. En pleine crise politique à la suite de la destitution de la Présidente Park Geun-hye, la Corée du Sud peine à faire entendre sa voix. Depuis le traité de défense mutuelle signé avec les États-Unis en 1953, la Corée est une véritable base arrière militaire américaine. L’installation de missiles américains Thaad (anti-balistiques) sur le territoire a participé à la hausse des tensions, et le projet d’introduire une unité de drones de combats dans le pays ne va pas améliorer les choses.

La Corée du Sud aimerait se débarrasser de cette alliance américaine qui lui donne l’image d’un pays encore sous tutelle occidentale, et qui la freine dans les pourparlers avec le Nord. Mais elle sait aussi qu’elle ne ferait pas le poids longtemps face à la Chine sans les États-Unis. Cependant, si l’ancienne présidente était une fervente « anti-Nord », le nouveau président Moon Jae-in est, lui, partisan d’un dialogue avec Pyongyang, et souhaite s’émanciper de la dépendance américaine. Ce qui ne plaît pas beaucoup à Washington.

Il faut également noter qu’une réunification n’est probablement pas le vœu le plus cher à la Corée du Sud. L’écart de développement et de richesses est tellement important entre les deux pays qu’elle aurait du mal à intégrer le Nord à son économie.

Enfin, la Corée du Nord sait pertinemment que sa seule chance de conserver son régime est de jouer sur la stratégie de menace imminente. Avec cette idée de « si vous ne nous laissez pas tranquille, on lance des missiles », Pyongyang veut se rendre légitime et être reconnu sur la scène internationale. Mais la Corée du Nord sait aussi qu’elle n’est qu’une « miette » militaire comparée aux géants de ce monde que sont la Chine, les États-Unis ou encore la Russie et que déclencher une guerre ne serait pas à son avantage. Il est même très peu probable que la Chine prenne le risque de perdre tout ses partenaires commerciaux pour se lancer dans un conflit armé aux côtés de Pyongyang.

Kim Jong-un sait également qu’il ne pourra pas éternellement survivre en jouant sur les limites du sang-froid et la patience de l’adversaire. Surtout avec un président aussi sanguin et démonstratif que Donald Trump en face. Un dialogue en « tête à tête » entre les principaux acteurs de cette crise serait le bienvenu, ainsi qu’un accord de paix entre les deux Corées, qui sont officiellement toujours en guerre depuis 1953…

 

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Pablo MENGUY

Ancien étudiant en école de journalisme, aujourd'hui en master à l'Institut français de Géopolitique (IFG).

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