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Enième rencontre entre le gouvernement afghan et les Talibans

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Le week-end du 13 janvier, une rencontre a eu lieu à Istanbul entre des représentants du gouvernement afghan et des membres des Taliban. Cette rencontre rappelle que le pays est en guerre civile depuis 16 ans et, qu’à ce jour, aucun compromis n’a été trouvé.

Qui négocie ?

Si le gouvernement afghan a reconnu participer à cette rencontre, le porte-parole des Taliban, Zabihulla Mujahed, a démenti y prendre part. La première question qu’il convient de se poser est donc de savoir si ce sont les Taliban qui négocient ou s’il s’agit seulement une faction d’entre eux. En 2010, le mollah Omar, chef historique des Taliban, refusait la négociation mais le numéro 2 du mouvement, le mollah Baradar, n’y était pas forcément hostile. Les Taliban connaissent ainsi parfois des divisions internes, sur lesquelles on dispose de peu d’informations.

Le second point à prendre en compte est de savoir qui était présent lors de cette rencontre. Il semble en effet qu’un rôle important ait été donné au Hezb-e Islami, une milice dirigée par Gulbudin Hekmatyar. Ce dernier était en guerre contre le gouvernement jusqu’en 2016. Courant 2017, il a néanmoins été retiré de la liste des organisations terroristes reconnues par les États-Unis. Le Hezb-e Islami a développé une doctrine islamiste dès la guerre contre les soviétiques, et des liens existent avec les Taliban, bien que les deux groupes soient différents. Pour seul exemple, un des taliban présent pendant la rencontre serait Rahmatullah Wardak, ancien membre du Hezb-e Islami, d’après un article du New York Times. Il est probable que le Hezb-e Islami serve de médiateur entre le gouvernement et le groupe insurgé.

Il ne faut toutefois pas en attendre trop de cette rencontre car celle-ci est non-officielle. Aucune décision ne pouvait être prise, il s’agissait plus d’un dialogue que d’un sommet pouvant amener à la paix. Au mieux, on peut espérer une réelle reprise des négociations dans un futur proche, et peut-être cette rencontre à Istanbul en aura posé les bases.

Histoire d’une négociation qui ne marche pas

En 2001, lors de l’intervention américaine en Afghanistan, il semblait inutile de négocier, malgré la demande exprimée par les Taliban au pouvoir. L’opération armée a été massive et a fait fuir le mouvement islamiste dans les zones tribales du nord-ouest pakistanais. La question semblait réglée pour beaucoup. Mais, jusqu’aux années 2007-2008, la situation ne s’est pas améliorée en Afghanistan, où la guerre civile faisait rage entre le gouvernement et les milices locales comme les Hezb-e Islami ou le réseau Haqqani. Les Taliban, renforcés au point de s’être créé une branche pakistanaise, le Tehrik-e Taliban Pakistan, reprennent la lutte armée. Des tentatives de dialogue ont bien eu lieu sans succès : conférence de Londres en 2010 où Hamid Karzai parle de ré-intégrer les « Taliban modérés », des négociations en 2012 à Doha, négociations quadripartites Afghanistan-Pakistan-États-Unis-Chine qui se terminent sur un échec en 2016.

L’ancien chef du renseignement indien Ajit Doval résumait brillamment la situation lors d’une conférence en 2014. En 2001, la coalition intervenant en Afghanistan avait toutes les cartes en main pour négocier, sa position étant plus que favorable. Cependant, cette coalition devait bien partir à un moment. Les Taliban, quant à eux sont toujours présents et ne partiront pas. Cette équation en tête, les Taliban n’ont aucun intérêt à faire des concessions : si leurs revendications ne sont pas acceptées en 2010, elles le seront en 2012, en 2014, en 2018… La coalition devra quitter le pays et satisfaire leurs exigences. Le temps est donc du côté des Taliban.

La réalité a quelque peu changé avec l’apparition d’un autre groupe armé, Province Khorassan. Ce groupe, contrairement aux Taliban, ne s’appuie pas (officiellement) sur les traditions afghanes mais uniquement sur leur propre conception de l’Islam. Pour donner un exemple, si la burqa était obligatoire pour les femmes sous les Taliban, l’EI l’interdit et impose le niqab, car la burqa serait un habit traditionnel local, donc contraire à l’Islam. La lutte entre l’État islamique en Afghanistan et les Taliban a amené les seconds à certaines coopérations ponctuelles avec les forces armées afghanes. Le rapprochement tactique et la nouvelle donne locale pourraient peut être permettre une reprise des négociations entre Kaboul et les Taliban.

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