La belle opportunité des Etats-Unis en Corée du Nord
Alors que la rhétorique belliqueuse nord-coréenne s’intensifie, sans qu’elle ne se traduise de manière concrète sur le terrain, les Etats-Unis, aux côtés de leurs alliés historiques sud-coréens et japonais ont intensifié leur présence militaire dans l’Asie du Sud-est. Si la probabilité d’une attaque nord-coréenne n’est pas plus grande qu’au premier jour, c’est une opportunité rêvée pour les Etats-Unis d’affermir leur présence militaire dans la sphère d’influence chinoise.
Il semblerait que la doctrine du Containment soit de nouveau à l’ordre du jour pour le Pentagone, cette fois non pas dirigée contre l’Union Soviétique mais contre l’une de ses perversions les plus endurcies dirigée par un jeune homme, semble-t-il en manque d’autorité dans son propre pays. Quelle autre raison aurait-il de mettre autant en péril son pays en provoquant les plus grandes puissances de la planète, les Etats-Unis en premier lieu ? Au lieu de procéder à une attaque préventive, option de l’ère Bush, le Pentagone version Obama se contente, pour l’instant, de montrer ses muscles, renforçant son arsenal présent à Guam, une île au large des Philippines, et en Corée du Sud, tout en envoyant des bombardiers B2 pour prouver sa puissance de feu.
Au-delà du simple rapport de force avec un pays agonisant et dont la propagande interne fonctionne à plein régime pour maintenir le moral des troupes et pour donner l’illusion que la Corée du Nord ne ferait que se défendre face à l’ennemi, les Etats-Unis ont surtout l’opportunité de reprendre pied dans une zone du monde où la puissance chinoise s’était fait de plus en plus sentir. En effet, grâce aux menaces répétées de Kim Jong-Un, les Etats-Unis ont une raison légitime d’accroître leur présence militaire dans la région, présence mise à mal ces dernières années par les aspirations chinoises que les américains peuvent difficilement contrer compte tenu des relations économiques entre les deux pays. De plus, la Chine a ses propres aspirations dans la région. Les confrontations répétées avec le Japon ces dernières années à propos d’îles situées dans la mer de Chine. La République populaire ne souhaite certainement pas avoir une présence militaire américaine accrue dans son propre jardin. Si la Chine ne veut pas avoir à faire face à cela, il serait dans son intérêt d’accentuer sa pression sur la Corée du Nord, qui malgré un agacement certain de Pékin à l’égard de Pyongyang, ne s’est pas manifestée de manière très aiguë jusqu’ici.
Un échiquier certes d’apparence multipolaire mais dont les Etats-Unis restent le roi.
Si la tendance des dernières années dans la région d’Asie du Sud-est a plutôt suggéré la montée en puissance militaire de la Chine, qui veut affermir son emprise sur la Mer de Chine et les environs, la puissance détenant encore le pouvoir est toujours les Etats-Unis. La Chine faisant peur à tous ses voisins étant donné sa croissance exceptionnelle des 15 dernières années sur tous les plans, ceux-ci ressentent le besoin d’être protégé par une puissance qui viendrait contrebalancer l’influence ombrageuse de Pékin. Or, seuls les Etats-Unis en sont matériellement capables et le veulent également pour contrecarrer les plans chinois dans leur propre sphère d’influence. Le Hard Power[1] militaire étant le seul élément de puissance qui reste vraiment à leur disposition et ce, malgré l’Afghanistan et l’Iraq, les menaces de guerre en Corée du Nord interviennent de manière très opportune pour Washington.
Pékin arrivera-t-il à faire plier Pyongyang ? Rien n’est moins sûr mais cet échec pourrait avoir des conséquences très négatives sur le désir de Pékin de rivaliser avec Washington dans son propre jardin.
[1] Pour plus d’information sur le sujet Hard Power/Soft Power, voir Joseph Nye Soft Power, Hard Power and Leadership