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Le devenir de la coopération régionale dans les Balkans occidentaux

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Il n’est pas simple d’œuvrer au renforcement de la coopération régionale dans un espace marqué par deux décennies houleuses. Pourtant, là est bien la mission de l’Union européenne lorsqu’elle regarde vers l’est. La promotion de la coopération régionale dans les Balkans occidentaux est en effet une pierre angulaire de la politique d’élargissement menée par l’UE, car c’est à travers ce processus qu’elle cherche à accroître la stabilité politique, économique et sécuritaire de la région. Marqués par la résurgence des nationalismes et des tensions quant à certains territoires, le retour de relations houleuses liées à un passé douloureux, ou encore face à la gestion de la crise des migrants, les Etats de l’ex-Yougoslavie cherchent quant à eux à approfondir une coopération régionale capitale pour leur propre avenir.

La coopération régionale en ex-Yougoslavie : un processus intimement lié à la politique d’intégration de l’Union européenne

A l’issue du Sommet de Vienne sur les Balkans occidentaux, en 2015.

L’Union européenne s’est très tôt investie en faveur d’une coopération régionale dans les Balkans occidentaux, et ce malgré son incapacité à endiguer la guerre en ex-Yougoslavie. Le rôle joué par Bruxelles est rendu visible en 1995 avec la mise en place du processus de Royaumont à destination des États de la région (exception faite de la Serbie et du Monténégro), imaginé en vue d’aider les Etats à se développer et se stabiliser dans l’immédiat après-guerre. Deux ans plus tard, le Conseil de l’Union européenne définit les bases d’une relation nouvelle entre l’Union et les pays de l’ex-Yougoslavie. Il s’agit alors de faire respecter par les États de la région certaines conditions politiques et économiques en contrepartie d’une intégration progressive de ces derniers au sein de l’UE.

L’éclatement du conflit au Kosovo en 1999 sonne le glas de cette première initiative mais conforte paradoxalement Bruxelles d’aller plus loin dans la défense d’une coopération régionale, à travers notamment un cadre plus institutionnalisé. C’est ainsi que l’UE instaure dès 1999 un ensemble d’instruments politiques et économiques qui reflètent sa volonté stratégique: préparer le terrain pour l’adhésion future des États issus de l’ex-Yougoslavie. Le Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-Est (remplacé en 2008 par le Conseil de coopération régionale) ainsi que le Processus de Stabilisation et d’Association (PSA) sont ainsi instaurés. L’influence croissante de la diplomatie européenne dans la région se caractérise par l’implication de l’Union dans la signature des Accords d’Ohrid en août 2001 qui mettent fin au conflit opposant le gouvernement macédonien et la minorité albanaise en ARYM. La conférence de Thessalonique en 2003 vient accentuer les perspectives européennes des pays des Balkans occidentaux. Tout au long des années 2000, des fonds sont alloués  la promotion de la coopération régionale, bien que d’autres acteurs tels que l’OTAN jouent aussi un rôle intégrateur, notamment en matière de défense et de sécurité.

Engagés dans la voie de l’adhésion européenne, les États issus de l’ex-Yougoslavie ont depuis connu des évolutions divergentes. La Slovénie et la Croatie ont intégré l’UE respectivement en 2004 et en 2013. La Serbie, l’Albanie et le Monténégro ont tous les 3 le statut de candidat officiel tandis que la Bosnie-Herzégovine, bien qu’engagée dans un processus de normalisation, n’a pas encore le statut de candidat officiel à l’adhésion. Mais l’UE dans son ensemble est touchée par la montée de l’euroscepticisme, ce qui ne facilite pas l’intégration des Balkans occidentaux d’autant que celle-ci semble avoir pris du retard suite à la volonté affichée du président de la Commission européenne Jean-Claude Junker de ne pas avoir recours à l’élargissement sous son mandat. Par ailleurs, le récent épisode du « Brexit » fait craindre à l’ensemble de la classe politique des pays de la région un renforcement du ralentissement du processus d’intégration. Il apparaît dès lors peu probable que l’un des pays actuellement candidat à l’adhésion intègre l’Union européenne à l’horizon 2020.

Une coopération indispensable mais qui se heurte à des spécificités locales

Intimement liée au processus d’intégration européenne, la coopération régionale dans les Balkans occidentaux a connu un sursaut en 2014 avec le processus de Berlin, qui a lancé une série de conférence (Vienne 2015, Paris 2016, Rome en 2017) afin de proposer des initiatives concrètes en matière de coopération régionale, que ce soit sur le plan des infrastructures[1] (réseaux routiers, ferroviaires, infrastructures énergétiques…), au sujet de la coopération sécuritaire entre les Etats de la région (lutte contre le crime organisé, trafics de drogue et d’êtres humains, lutte contre le terrorisme…) ou encore le soutien aux jeunesses balkaniques. Parallèlement, c’est dans la perspective de partager des expériences mutuelles et d’affermir l’objectif de devenir membres de l’Union européenne que les Etats de l’ex-Yougoslavie, sous l’impulsion de la Slovénie et de la Croatie, ont lancé en 2013 le processus de Brdo-Brijuni.

Pourtant, l’ensemble de ces dispositifs diplomatiques et institutionnels ne peut pas à lui seul suffire pour faire émerger une conscience régionale. Réunis à Tirana en avril 2015, plusieurs chercheurs européens et membres d’administrations ont soulevé le caractère interpersonnel et interethnique[2] que doit revêtir cette coopération régionale. Les populations des différents Etats doivent elles-mêmes se sentir impliquées dans ce processus. C’est dans cette perspective qu’a été lancée à l’occasion du Sommet de Paris, la création sur le modèle de l’Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ), de l’Office régional de Coopération pour la jeunesse (RYCO[3] – « Regional Youth Cooperation Office of the Western Balkans »). Cette entité regroupe des jeunes issus des différents pays de l’ex-Yougoslavie et a pour but de soutenir la mobilité régionale des jeunes générations, de réaliser un travail de mémoire et d’œuvrer à la promotion de multiples initiatives en matière d’éducation, de sport, de culture et de recherche. C’est par ce biais que le maillage social dans la région sera amené à se consolider. Il permettrait aussi, comme l’affirme Jean-Arnaud Dérens, d’endiguer les risques sécuritaires de la région, touchée par le phénomène de la radicalisation et du terrorisme islamiste.

Le ralentissement actuel de l’intégration européenne des Balkans occidentaux impacte directement la coopération régionale sur le territoire, ce qui permet à des puissances étrangères de s’implanter là où Bruxelles tâtonne. La démocratisation de ces pays et le respect de l’Etat de droit sont de vrais défis qui se posent à la fois à l’échelle institutionnelle mais aussi dans la société civile. Le cycle de conférences lancé par le processus de Berlin doit permettre de redynamiser cette coopération, et de mettre en œuvre un ensemble d’initiatives concrètes qui bâtiront de nouveaux ponts entre les Etats de la région. Là sera tout l’enjeu du prochain Sommet de Rome sur les Balkans occidentaux qui se tiendra dans le courant de l’année.

[1] Dans ce domaine, la Chine a compris que la modernisation des infrastructures était une priorité pour les Balkans occidentaux. Elle finance actuellement de nombreux projets dans le secteur, comme par exemple la modernisation d’une ligne de chemin de fer reliant Belgrade à Budapest, axe majeur dans la région, via  la China Railway Corporation, qui se charge de son financement, pour un montant évalué à près de 2,5 milliards d’euros.
[2] « L’intégration européenne et la coopération régionale dans les Balkans occidentaux », synthèse de la conférence internationale, Centre Franco-Autrichien pour le rapprochement en Europe, avril 2015
[3] Site internet de l’Office, https://rycowesternbalkans.org/

 

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