L’Allemagne devient-elle une puissance militaire?
Depuis son entrée en fonction il y a plus de deux ans, le Président fédéral allemand Joachim Gauk multiplie les déclarations symboliques. Tout en visant à apaiser le traumatisme, toujours vivace de la Seconde Guerre Mondiale, il appelle de ses vœux une implication « plus résolue et plus fondamentale » de l’Allemagne à l’extérieur. Ces déclarations témoignent d’une évolution des mentalités en Allemagne concernant l’armée.
Depuis une quinzaine d’années l’Allemagne semble peu à peu reconsidérer son rôle à l’international. En effet, en 1999 la Bundeswehr (armée fédérale) participe aux opérations de l’OTAN au Kosovo : c’est la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale que des soldats allemands sont envoyés à l’étranger. Au 14 juillet 2014, l’Allemagne est présente sur seize champs d’opération différents dans le monde : près de 4500 soldats sont déployés, dont plus de la moitié en Afghanistan.
Cet état de fait témoigne d’une volonté de la diplomatie allemande de trouver une alternative à la très forte prudence qui caractérisait jusqu’alors sa politique en matière militaire. La réorientation stratégique des Etats-Unis vers le Pacifique amène l’Allemagne a reconsidérer ses responsabilités en Europe. Le Président Gauck dans un discours de janvier 2014 souhaitait en effet une implication « plus résolue et plus fondamentale ». L’actuel ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, affirme quant à lui que l’Allemagne « est trop grande pour se limiter aux commentaires ».
Une telle volonté se traduit dans l’augmentation significative du budget du ministère de la Défense : près de 13% de plus entre 2008 et 2013.
Un vœu pieux plus qu’une vraie priorité
Malgré ces signaux favorables, l’Allemagne peine à affirmer cette politique. On soulève de nombreuses contradictions au sein de la classe politique : un membre du comité des affaires étrangères au Bundestag appelle à une intervention en Syrie mais affirme que les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité « ont de grandes responsabilités ». Autrement dit, très peu pour l’Allemagne.
De nombreux politologues critiquent également la piètre qualité des commissions parlementaires aux affaires étrangères et à la défense, choisies par défaut, entraînant un débat lui aussi peu constructif.
D’autre part, si la Défense allemande voit son budget augmenter considérablement, elle croule sous des dépenses dites de « productivité » : en effet, ses militaires sont bien mieux payés qu’en France mais surtout, ses services sont assez mal organisés, suscitant un coût non négligeable.
Enfin, la politique poursuivie par l’actuelle ministre de la Défense allemande Ursula von der Leyen est assez surprenante. Elle se fixe pour objectif principale de faire de la Bundeswehr le « premier employeur de l’Allemagne », de la rendre familienfreundlich c’est-à-dire favorable à la vie de famille. Ainsi, elle souhaite encourager un travail à mi-temps des militaires ! Les priorités ainsi fixées sont il faut le dire très « politiquement correct » et n’abordent pas la question de la place de l’armée allemande à l’extérieur.
L’Allemagne peine donc toujours à affermir sa volonté de jouer un rôle sur la scène internationale.