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Pourquoi le Kazakhstan veut-il utiliser l’alphabet latin ?

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N. Nazarbayev, Président Kazakh, avec Vladimir Poutine

C’est un changement mineur qui en dit long sur la situation actuelle du Kazakhstan : la langue kazakhe devrait prochainement s’écrire avec l’alphabet latin et non le cyrillique. Cette petite réforme fait partie d’une stratégie globale visant à augmenter la visibilité du pays sur la scène internationale.

Un problème de langue

Le Kazakhstan a, dès son indépendance, dû jouer avec les susceptibilités linguistiques. Étant donné que le Nord-Est du pays est peuplé majoritairement de Russes, la langue de Pouchkine est devenue langue officielle du pays au même titre que le kazakh, langue turcophone. Le président de l’époque, toujours en poste actuellement, Nursultan Nazarbayev, espérait ainsi empêcher toute sécession, qui aurait été soutenue par Moscou. Aujourd’hui, Nazarbayev entretient de bonnes relations avec la Russie – et ce depuis les indépendances respectives de 1991 – et favorise la coopération entre les deux États.

Deux décennies plus tard, la langue russe prend une trop grande place. Certains s’inquiètent que les Kazakhs puissent oublier leur langue au profit du russe, alors que les jeunes parlent de moins en moins bien leur langue maternelle (toutes proportions gardées). Le professeur Uli Schamiloglu, spécialiste de la langue kazakhe, explique que les jeunes empruntent des sons au russe pour l’assimiler dans leur langue. Plus intéressant encore, lorsque les turcophones d’ex-URSS apprennent le turc de Turquie, ils le prononcent avec un accent russe. Dans sa tribune sur Eurasianet, l’auteur s’exprime ainsi en faveur d’un changement d’alphabet.

Vers une adoption de l’alphabet turco-latin ?

Ce même auteur rappelle que l’alphabet latin est déjà utilisé chez certains peuples turcs, notamment les Turcs de Turquie qui l’ont adopté en 1928 sous Mustafa Kemal. Suite à l’effondrement soviétique, les Azerbaïdjanais et les Turkmènes, puis les Ouzbeks ont également adopté l’alphabet latin, avec quelques variantes comme le ә azerbaïdjanais inexistant en turc, ou le y turkmène qui correspond au ı. Faut-il voir dans l’adoption de l’alphabet latin un rapprochement des peuples turcophones?

Peut-être, mais on peut en douter : les pays turcophones d’Asie centrale ne veulent pas de la Turquie comme un parrain, juste comme un partenaire. De plus, si le turc, l’azéri et le turkmène sont de la même famille, le kazakh n’appartient pas à la même famille que la langue turque. Il y a donc des différences notables. Plus qu’un rapprochement entre les peuples turcophones, il faut y voir un rapprochement avec « l’Occident ».

Une question d’image

L’image internationale du Kazakhstan est assez mauvaise, comme a pu le constater Mariya Dmitriyenko. Cette sportive kazakhe a gagné une médaille d’or au tir en 2012, lors d’un championnat organisé au Koweït. Au lieu de diffuser l’hymne kazakh, c’est la parodie insultante entendue dans le film Borat qui a été entendue. Le Kazakhstan c’est Borat. Il y a aussi le double problème d’être un pays un -stan : être inconnu (les pays d’Asie centrale formeraient un tout homogène aux yeux de nombreuses personnes) et être associé aux islamistes (Pakistan, Afghanistan, le Londonistan des salafistes).

Le Kazakhstan a mis en place une stratégie de visibilité, afin de se donner une meilleure image et d’obtenir des investissements européens et américains. Il a par exemple été question de changer le nom du pays en Kazakh Eli, volonté partagée avec le Kirghizstan qui est devenu la Kirghizie. Cet été, la capitale kazakhe, Astana, a accueilli l’exposition universelle. Astana est d’ailleurs un nom familier pour les fans de cyclisme : c’est le nom d’une des équipes, dans laquelle un conglomérat d’entreprises kazakhes a investi. Utiliser l’écriture des Européens et des Américains, c’est un moyen de se rapprocher des ces pays, tant pour l’image que pour les relations économiques.

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