Areva face au dilemme nigérien
Après 18 mois de longues négociations, Areva et l’Etat nigérien ont signé le 26 Mai 2014 un nouvel accord sur l’exploitation des mines d’uranium. Toutefois, le 30 Août dernier, deux associations ont dénoncé le blocage persistant entre les deux parties.
Le Niger est le quatrième pays producteur d’uranium au monde, minerai hautement stratégique notamment pour l’industrie nucléaire. Conscient de la richesse du sous-sol de son pays, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, a voulu mettre fin aux privilèges dont bénéficie Areva depuis quarante ans. L’entreprise bénéficiait encore récemment d’un statut particulier dû à des raisons historiques, liant la France et le Niger. Paris avait négocié avec Niamey lors de son accession à l’indépendance le monopole d’exploitation des mines d’uranium contre la protection militaire française. Si les gouvernements nigériens ont accordé ces dernières années de plus en plus de permis d’exploitations à des compagnies étrangères autres que françaises, Areva bénéficie toutefois encore d’un statut privilégié.
Le contentieux entre l’Etat nigérien et Areva portait sur la remise en cause de ce statut, notamment en demandant l’application pour Areva d’une loi minière de 2006 dans un contexte de hausse de la fiscalité minière. La chute du cours de l’uranium depuis la catastrophe de Fukushima en 2011 (sa valeur a quasiment été divisée par deux depuis l’accident) a rendu d’autant plus compliquées les négociations. Areva a finalement fait des concessions, notamment sur l’augmentation de la redevance minière passant de 5,5% à 12%. L’ensemble de l’accord n’est toutefois pas conforme aux nouvelles lois. C’est pourquoi Areva ne l’a toujours pas mis en application, attendant une modification de la loi en question pour garantir la sécurité de son accord.
L’extraction de l’uranium : un dossier sensible aux enjeux différents pour chaque partie
Le bras de fer entre Areva et Niamey a pris une dimension politique très importante au Niger. La population civile, de nombreux parlementaires mettent sous pression le président Issoufou, afin que l’accord soit favorable aux nigériens et pas aux intérêts d’une certaine « Francafrique » du passé. Il est donc désormais difficile pour tout gouvernement nigérien de justifier la position privilégiée dont bénéficie Areva dans l’un des pays les plus pauvres du monde. Dans la perspective des élections de 2016, le président Issoufou ne doit donc pas donner l’impression de plier devant l’ancienne puissance coloniale et parvenir à un accord équilibré.
Le climat des affaires se dégradant au Niger pour Areva (aussi bien sur le plan politique que sécuritaire), le groupe français a accéléré ces dernières années sa stratégie de diversification des approvisionnements. Si le groupe français déclare que le Niger représente seulement 20% de sa production d’uranium, certaines associations estiment que les mines nigériennes représentent plus d’un tiers de son approvisionnement. Bien qu’ayant les droits d’exploitation du gisement géant d’Imouraren, Areva prospecte aujourd’hui activement vers d’autres pays. C’est le cas de la Mongolie où le climat sécuritaire est également meilleur.
L’Elysée suit de près l’évolution de l’affaire. Le Niger est un pays clé pour l’extraction de l’uranium mais également pour la sécurité au Sahel (la base des drones français se trouve à Niamey). La France, dont 75% de son électricité proviennent du nucléaire, ne peut se permettre des ruptures brutales d’approvisionnement en uranium. Paris s’est donc donné un triple objectif : gérer le désengagement progressif d’Areva du Niger (dont Areva est le premier employeur privé) ; réussir toutefois à conserver les droits d’exploitation du gisement d’Imouraren ; rester en bons termes avec le pouvoir nigérien pour garder la base d’appui de Niamey pour sa stratégie militaire au Sahel. Entre la rentabilité d’Areva, ses intérêts géoéconomiques et l’impératif sécuritaire au Sahel, c’est un véritable exercice d’équilibre géopolitique que la France va devoir réussir au Niger.