Jeux de puissances et embouteillages: l’espace, une zone d’influence (in)épuisable?
Un « grand pas pour l’Humanité ». C’est ainsi que Neil Amstrong décrivait la première présence humaine sur la Lune le 21 juillet 1969. Pourtant, près de 50 ans plus tard, la technicisation des relations internationales, et la quête de nouveaux vecteurs de puissance font de l’espace extra-atmosphérique un objet de convoitise, et posent la question des enjeux que représente cette zone.
Un régime juridique singulier
Contrairement aux espaces aérien et maritime, dont l’utilisation est strictement encadrée par le droit international, l’espace extra-atmosphérique se caractérise par une certaine liberté. En effet, le lancement de la « conquête de l’espace » par l’envoi du satellite russe Spoutnik en 1957, en pleine guerre froide, a poussé la communauté internationale à écarter juridiquement l’hypothèse de sa militarisation et d’une transposition du conflit à cette zone vierge de toute exploitation.
Plusieurs traités internationaux, dont le principal date du 10 octobre 1967, affirment ainsi le principe de liberté d’utilisation, de non appropriation, et font des corps célèstes et de la Lune des composantes à part entière du concept de « patrimoine commun de l’Humanité ». Le traité y interdit les armes nucléaires ou de destruction massive et impose l’utilisation pacifique de la Lune et autre corps célestes. Or, la difficulté des instances onusiennes à contrôler les progrès technologiques et la montée des systèmes de défense antimissiles soulignent une certaine impuissance de la sphère juridique à régir la zone. En effet, l’espace, démilitarisé en partie seulement, est devenu un « terrain » d’influence considérable pour des Etats, pour qui la puissance technologique est une part importante d’une stratégie d’affirmation de leur puissance. L’Iran, malgré un embargo à son encontre, a notamment mise en orbite 4 satellites expérimentaux d’observation entre 2009 et 2012.
Une zone de plus en plus convoitée: une possible surexploitation de l’espace?
A ce titre, les Etats ont progressivement développé des programmes militaires spatiaux, au titre de Syracuse, d’Helios ou Grave pour la France, pour qui le volet spatial représente officiellement « la quatrième dimension de la défense nationale ». Ils visent notamment pour les puissances nucléaires à continuer de développer leur capacité de dissuasion, mais aussi à élargir leurs compétences en matière d’observation et de surveillance.
Cependant, l’hypothèse de l’espace extra-atmosphérique comme nouveau « terrain » de guerre, au même titre que l’espace aérien, semble difficilement envisageable, et ce notamment du fait du syndrome de Kessler. Mis en avant par Donald J. Kessler, consultant pour la Nasa en 1978, il prévoit que les débris spatiaux qui en découleraient pourraient entrer dans l’atmosphère en cas de collision et représenter in fine un danger pour la planète bleue et sa population.
Par ailleurs, la diversification de son emploi, pour la météorologie, internet, ou encore les télécommunications pose la question d’une pollution extra-atmosphérique. Sur 6 000 engins lancés depuis 1957, 2 000 sont hors service. Ce phénomène est amplifié par l’arrivée de nouveaux candidats au statut de puissance spatiale, tel que l’Inde, l’Afrique du sud, la Corée du nord, ou encore la Chine, désormais 3ème après les EU et la Russie. Et la « conquête » ne semble pas s’arrêter là. Cette dernière prévoit notamment l’envoi de missions habitées sur la Lune d’ici 2025, et sur Mars d’ici 2040.