De nouvelles tensions à la frontière entre l’Erythrée et l’Ethiopie
Dimanche dernier, le 12 juin, les deux pays ont échangé plusieurs tirs d’artillerie de longue portée le long de leur frontière. Ces accrochages, qui ne sont pourtant pas les premiers entre les deux pays, témoignent de l’instabilité qui règne sur cette frontière.
Il faut tout d’abord rappeler que les deux pays se sont livrés une guerre faisant entre 70 000 et 100 000 morts en seulement deux ans (1998-2000). La fin de cette guerre est signée par l’accord d’Alger en décembre 2000 créant une zone de sécurité temporaire de 25 kms dans le territoire érythréen le long de la frontière. La commission d’experts internationaux issue des accords d’Alger devant délimiter la frontière a mis en place un tracé en 2002 ne convenant pas aux deux parties. Signe de ce désaccord, le village de Badmé situé près de la frontière qui est convoité par les deux pays et est occupé par l’Ethiopie alors que la Cour Internationale de La Haye avait rendu un avis en faveur de l’Erythrée en 2003. Les deux pays depuis cette guerre et la fuite de l’ONU en 2008 sont donc opposés sur le tracé de cette frontière qui reste un point de tension majeur entre eux. Ce différend entre les deux pays a également provoqué des perturbations au niveau régional que ce soit au Soudan ou en Somalie. Ce nouvel incident du 12 juin dernier crée donc une nouvelle crispation sur cette frontière. Pourtant, aucune information officielle ou neutre n’a été donnée sur ce qui s’est réellement passé dimanche dernier à la frontière érythréo-éthiopienne. Chaque partie a fait état de plusieurs morts dans ses rangs et affirme qu’elle n’a fait que répondre aux attaques de l’autre. Les deux armées s’accusent d’avoir attaqué en premier, ce qui a ensuite poussé l’autre à répondre par la force. La surenchère est donc présente des deux côtés : l’Erythrée affirme que « l’opposition croissante de mouvements populaires éthiopiens, la corruption endémique et la crise économique qui va avec, ainsi que la volonté de freiner les progrès prometteurs de l’Érythrée sont parmi les facteurs qui ont poussé le régime du TPLF à se laisser aller à des aventures militaires imprudentes » tandis que l’Ethiopie a répondu que « une guerre dépendra de l’attitude d’Asmara. […] J’espère qu’ils ne répéteront pas l’erreur de nous entraîner dans une guerre ouverte ».
Une escalade de violence dans un climat tendu
Cet accrochage entre les troupes érythréennes et éthiopiennes témoigne de la tension qui existe de part et d’autre de cette frontière. Chaque pays possède en effet en permanence de nombreuses troupes présentes le long de la frontière craignant une attaque de l’autre. Chacun s’accuse également de soutenir des rebelles dans l’autre pays. Ainsi, en février dernier, l’Ethiopie avait accusé le régime érythréen d’être derrière une manifestation antigouvernementale qui a eu lieu dans la capitale Addis-Abeba. La communauté internationale qui est déjà soucieuse du développement de cette région, a appelé les deux pays via l’ONU à « résoudre leurs différends par des moyens pacifiques ». Les Nations-Unies avaient par ailleurs accusé le régime érythréen le 8 juin dernier de crimes contre l’humanité à grande échelle par l’intermédiaire d’une commission d’enquête. En somme, suite à cet accrochage à la frontière, aucun des deux pays ne pourrait avoir d’intérêt à déclencher de nouvelles attaques directes envers l’autres puisque, d’une part l’Erythrée apparaît bien trop faible face à son voisin, et d’autre part, l’Ethiopie qui possède une forte croissance depuis 10 ans (10 % environ chaque année) ne serait pas en mesure d’assurer la stabilité après une intervention armée.