La « nouvelle route de la soie » : qui veut prendre la route ? (1/2)
L’imaginaire européen reste marqué par l’histoire de Marco Polo, jeune marchand vénitien racontant dans son « Devisement du monde » ses aventures sur la route de la soie. Aujourd’hui, on parle d’une « nouvelle route de la soie », en grande partie portée par les ambitions chinoises.
Cette route de la soie ouverte deux siècles avant Jésus-Christ reste un symbole des échanges entre l’Orient et l’Occident. Elle s’est éteinte progressivement sous la pression de différents facteurs : l’isolationnisme de la dynastie Ming à partir du 15ème siècle, l’émergence de l’Empire Ottoman et la nouvelle route maritime des Indes. Or depuis une vingtaine d’années, on assiste à une forte hausse des échanges commerciaux de la Chine avec les anciens pôles de cette route à travers ses exportations vers l’Europe, ses importations d’hydrocarbures du Moyen-Orient.
Reprenant l’idée d’un « faisceau d’itinéraires commerciaux transcontinentaux », la Chine a publié une carte des nouvelles routes de la soie par voies terrestres et maritimes, avec 27 villes-étapes au printemps 2014. Déjà en 2011, le gouvernement chinois émettait le projet d’améliorer la connexion routière et ferroviaire entre la Chine et l’Europe. En Septembre 2013, lors d’une réunion de l’Organisation de la Coopération de Shanghaï (OCS), Xi Jinping évoque une « zone économique de la route de la soie ». Ce programme passe par de larges investissements dans les liaisons routières et ferroviaires, une coopération monétaire entre les pays concernés, le renforcement des liens économiques et politiques.
Une route d’intérêts concordants ?
Malgré l’important coût financier d’un tel projet et la situation géopolitique instable des régions traversées, le projet peut compter sur de nombreux soutiens : les pays arabes et d’Asie centrale intéressés par la manne financière de Pékin pouvant servir à leur développement sans trop de contraintes dans l’esprit du consensus de Pékin ; les fonds souverains des pétromonarchies souhaitent également s’investir afin de développer leur influence sur une zone à forte population musulmane.
La Chine voit dans cette nouvelle route de la soie, au-delà de ses intérêts commerciaux, une solution à certains problèmes internes. Cela permettrait de désengorger les ports de sa façade maritime, et offrirait un temps de trajet record pour ses exportations à destination de l’Europe. En termes d’aménagement du territoire, la Chine souhaite rééquilibrer son investissement, notamment vers la province agitée du Xinjiang. Les deux villes d’Ürümqui et Khorgos ont été désignées villes-étapes de la nouvelle route : les autorités chinoises espèrent ainsi que l’amélioration de la situation économique et sociale grâce aux investissements permettra de calmer les tensions avec les ouigours. Le développement des voies terrestres lui permet également de diminuer les risques pour ses flux commerciaux face à la piraterie, et de soulager la pression pouvant venir des flottes américaines croisant dans l’Océan Indien et le Pacifique.