Émeutes xénophobes en Afrique du Sud : quel futur pour la nation arc-en-ciel ?
Un an et demi après le décès de Nelson Mandela l’Afrique du Sud semble donner une autre image que celle politiquement correcte d’une nation unie dans ses diversités. Les émeutes de ces derniers jours ont achevé de lever le voile sur les dysfonctionnements d’une nation qui lutte contre des problèmes structurels persistants et des inégalités criantes. A quoi sont dues ces émeutes et quelle est la situation de l’Afrique du Sud ?
Les tensions sociales augmentent en Afrique du Sud où elles sont pourtant fortes. Fin mars, le roi des Zoulous a demandé aux étrangers de « faire leurs bagages et de retourner dans leurs pays ». L’ONU estime qu’au moins 5 000 étrangers ont été déplacés ces trois dernières semaines, principalement des réfugiés et demandeurs d’asile africains. Diverses violences ont éclaté à Durban et Johannesburg ces derniers jours. Le président Jacob Zuma, réélu en 2014, a condamné ses violences et annulé son déplacement en Indonésie pour le 60ème anniversaire du sommet des Non-Alignés de Bandung. Les ambassadeurs des pays comptant les plus de ressortissants en Afrique du Sud ont été reçus par la ministre des affaires étrangères, et les officiels Zimbabwéens (le Zimbabwe compte 250 000 ressortissants en Afrique du Sud) et Nigérian ont condamné ces actes. Mais même en sein du gouvernement certains ministre ont clairement tenu des propos xénophobes en accusant notamment les étrangers de prendre le travail des sud-africains et de pratiquer une concurrence déloyale, le fils de Jacob Zuma a aussi fait des déclarations en ce sens.
Ces conflits ne sont pas récents. Il y a quatre ans déjà le pays avait connu ses pires émeutes xénophobes de son histoire, causant une soixantaine de morts. Et l’immigration est de plus en plus perçue comme un problème par la population et les partis dans un pays de 50 million d’habitants qui comprend cinq millions d’immigrés venant de l’Afrique Australe, de la Corne de l’Afrique et du sous-continent indien. Faisant face à un chômage élevé de 25.7% en moyenne et 40% chez les jeunes voire 65% chez les 15-24ans, le pays a du mal à créer de la richesse. Il dépend encore beaucoup d’une reprise européenne pour sortir de l’ornière dans laquelle il se trouve et renouer avec la croissance d’avant crise. Le pays aurait dû rebondir en 2014 mais la croissance est une fois de plus faible à 1.1%, le pays s’en remet à 2015 pour entrevoir une sortie.
Le fait que le Nigéria soit devenu la première puissance économique du continent illustre ce décrochage sud-africain qui alimente les fortes tensions sociales internes.
Les faiblesses politiques du parti au pouvoir, l’ANC, et les tensions avec l’opposition marquées par les violences au parlement de novembre 2014 handicapent aussi le pouvoir dans des projets de réformes qu’il ne pousse déjà pas très loin. La corruption et la criminalité sont deux fléaux qui rongent le pays et qui s’ajoutent à une inefficacité administrative criante. La modernité de son système juridique pourrait lui permettre de renverser la vapeur mais sans croissance il sera difficile de calmer les émeutes vues ces derniers jours ou de remettre le pays sur les rails.