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007 Spectre, James Bond face à la surveillance globale

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Attention ! Les paragraphes qui suivent dévoilent une partie de l’intrigue du dernier film de la saga des James Bond : 007 Spectre.

À l’occasion de la sortie au cinéma de 007 Spectre, le réalisateur Sam Mendes nous entraîne de nouveau dans une aventure du célèbre espion britannique. Du cinéma de fiction direz-vous ? À y regarder de plus près, la saga des James Bond recycle tous les grands thèmes du débat stratégique mondial des 60 dernières années. L’Institut libre d’étude des relations internationales (ILERI) ne s’y est pas trompé et a organisé une conférence dernièrement à Paris sur le thème : James Bond, héros géopolitique ? Revenons sur le dernier opus qui aborde lui aussi un thème majeur de l’actualité internationale : la mutation des services de renseignement.

Daniel Craig incarne James Bond qui paradoxalement doit combattre le SPECTRE qui prévoit d'augmenter le pouvoir des agences de renseignement
Daniel Craig incarne James Bond qui paradoxalement doit combattre le SPECTRE qui prévoit d’augmenter le pouvoir des agences de renseignement

Dans 007 Spectre, James Bond est le témoin de la réorganisation des services de renseignement britanniques : le MI-5 (en charge de la sécurité intérieure) et le MI-6 (responsable des opérations extérieures) fusionnent pour former la super-agence de renseignement du Royaume-Uni. Cette restructuration nationale s’accompagne d’une plus large intégration de 9 dispositifs de renseignement étatiques à l’échelle mondiale. La nouvelle agence britannique se retrouve engloutie, aux côtés des 8 autres membres dont les États-Unis, dans un immense cartel d’espionnage alors baptisée les « 9 Sentinelles ».

L’opération en question n’est pas sans rappeler le traité UKUSA, établi dès 1946 entre le Royaume-Uni et les États-Unis, et qui prévoyait un haut degré de partage entre les services de renseignement nationaux respectifs. Ils seront rejoints par le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande pour former le groupe des « Five Eyes », les 5 pays ayant des programmes d’échanges de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM ou SIGINT en anglais pour Signals Intelligence). L’exemple le plus célèbre de cette coopération à l’échelle mondiale demeure le vaste programme d’écoute, connu sous le nom d’ECHELON et révélé dans les années 1990. D’ailleurs, il existe une extension de ce dispositif dit « Nine Eyes » intégrant un second cercle de pays comprenant la France, les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège.

La trame de 007 Spectre est complétement d’actualité car elle relance le débat sur des questions stratégiques cruciales soulevées par les révélations d’Edward Snowden : surveillance de masse orchestrée par la NSA, prolifération des drones ISR (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance) et compétition entre d’une part, le renseignement humain (HUMINT) incarné par un James Bond un peu old school qui enquête sur le terrain, et d’autre part, le renseignement électronique (ELINT), la surveillance des communications par ondes radio (COMINT) et le renseignement optique (IMINT), représentés par le réseau d’espionnage global des « 9 Sentinelles », commandé par le personnage dénommé C. Le film confronte 2 perspectives : ira-t-on plutôt vers un mode d’espionnage ciblé (surveillance) chargé de suivre l’évolution des menaces ou bien vers un monde sur écoute (reconnaissance) passant notamment par la collecte massive de données personnelles ?

L’organisation SPECTRE à la manœuvre

Le film introduit également un autre acteur majeur des relations internationales : le crime organisé. Ici, il prend la forme conspirationniste de l’organisation secrète SPECTRE qui mêle le grand banditisme aux diplomates et hommes d’affaires du monde entier. SPECTRE serait en vérité l’inspirateur du programme de surveillance supranational que nous mentionnions. Elle rappelle des entités plus ou moins occultes comme la franc-maçonnerie ou encore le groupe Bilderberg. Au delà de la thèse d’un complot mondial illustré dans le film mais qui demeure difficilement envisageable en réalité, le scénario nous invite à questionner l’usage politico-médiatique du terrorisme pour justifier des décisions lourdes de conséquences sous le coup de l’émotion, à l’image de l’instauration des « 9 Sentinelles » à la suite d’un attentat. En toile de fond, la préservation du contrôle démocratique et des libertés individuelles semble d’autant plus indispensables que la menace n’est pas représentée uniquement comme venue de l’extérieur. James Bond reste ce héros géopolitique traditionnel mais paraît devenir de moins en moins manichéen. À suivre…

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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