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Le mythe des terroristes « loups solitaires » (2/2)

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La semaine dernière, nous sommes revenus sur les origines de l’expression « loup solitaire ». Aujourd’hui, ce terme est massivement utilisé par les médias et les responsables politiques pour qualifier un terroriste n’ayant apparemment aucun lien avec une organisation spécifique. Ces individus seraient des exemples même du principe d’auto radicalisation, possible grâce à la propagande mise en place sur Internet par des groupes terroristes. Cependant, la réalité est bien plus complexe. Désormais, il y a très peu de loups totalement solitaires.

Un des principaux problèmes de la notion est que certains « loups solitaires », se sont avérés ne pas l’être. Par exemple, Mohammed Merah, qui était présenté comme l’illustration même du phénomène en 2012, était en réalité lié à la filière djihadiste d’Artigat, qui aurait elle-même des liens avec al-Qaïda. De plus, il avait bénéficié d’un entraînement particulier au Pakistan. Donc même s’il a agi seul, il était membre d’un réseau terroriste, qui a pu lui apporter une aide logistique.

Désormais, les individus qui souhaitent se joindre au djihad lancé par al-Qaïda ou l’État islamique (EI), peuvent se radicaliser et se former de diverses façons.

Affiche de propagande diffusée par l’État islamique avant le second tour de la présidentielle française, encourageant des attaques par des « loups solitaires » français.

Il est en effet possible de distinguer différentes catégories. Tout d’abord, il y a ceux qui, comme M. Merah ne peuvent pas être qualifiés de « loup solitaire », car ils sont membres d’un réseau plus large. Ces connexions sont toujours difficiles à révéler, et les enquêtes sont longues. Cela explique le recours à la notion de « loup solitaire » dans un premier temps. Deuxièmement, il y a des individus qui se sont radicalisés suite à des rencontres avec différentes personnes, mais qui organisent ensuite une attaque sans aucun soutien particulier.

Une troisième catégorie s’est développée avec les nouvelles technologies. Il existe désormais des attaquants qui sont en contact avec des responsables d’une organisation,  par le biais des réseaux sociaux, ou tout simplement par e-mail. Ces individus sont dirigés à distance par un groupe terroriste. Ce fut notamment le cas d’Adel Kermiche et Abdel Malik Nabil-Petitjean, qui ont assassiné le Père Jacques Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray le 26 juillet 2016. Juste avant l’attaque A. Kermiche a envoyé un message sur une chaîne Telegram, application de messagerie instantanée très utilisée par l’EI. Une enquête réalisée par The New York Times, met en avant comment l’EI guide de loin ses « lone mujahidin » (1).

Évidemment, il existe toujours des cas de « loups solitaires » ; des attaquants qui ont seulement été inspirés par l’idéologie, et qui n’ont eu aucun échange en face-à-face ou électronique avec des membres du groupe terroriste. Ce fut notamment le cas des auteurs du double attentat du Marathon 2013 de Boston. Néanmoins, ils sont de plus en plus rares.

Comment expliquer l’utilisation à outrance de l’expression ?

Comme nous venons de le voir, il existe différents modes de radicalisation, et divers moyens pour un djihadiste en devenir d’être en contact – directement ou non – avec une organisation terroriste. L’expression « loup solitaire » ne correspond plus totalement à la réalité, car il arrive que des djihadistes européens ne soient pas seulement inspirés par une idéologie. Ils sont guidés de loin. L’expression est toujours utilisée, car elle apporte une réponse au public quand celui-ci est confronté une nouvelle fois à un attentat. Du fait de l’instantanéité de l’information, de l’omniprésence des chaînes d’information en continue, il y a un besoin immédiat de réponses quand de telles attaques ont lieu.

L’expression a de plus gagné ses lettres de noblesse, notamment dans le milieu universitaire. En référence au concept de « leaderless resistance », Marc Sageman, ancien officier de la CIA et désormais professeur, parle de « leaderless jihad » (2).  En somme, cette notion est pratique, car elle explique clairement et rapidement le statut d’un attaquant. Néanmoins, elle n’est pas en adéquation totale avec la réalité. En effet, quand L. Beam parlait de « leaderless resistance », il voyait des individus mettant au point des attaques, sans avoir eu aucun contact avec une organisation.

Aujourd’hui, sous la bannière de « loup solitaire », il est possible d’identifier différentes possibilités. Continuer à appliquer ce terme à des attaquants aux parcours aussi divers ne facilite pas la compréhension du terrorisme islamiste. Au contraire, pour apporter des réponses structurées, il est nécessaire de comprendre d’où viennent les attaquants, et quel parcours les a menés à appuyer sur la gâchette.

(1) Rukmini Callimachi, « Not ‘Lone Wolves’ After All : How ISIS Guides World’s Terror Plots From Afar », The New York Times, 2017.

(2) Marc Sageman, Leaderless Jihad: Terror Networks in the Twenty-First Century, Philadelphia, Philadelphia University Press, 2008.

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