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La Chine et le Japon reprennent leurs relations diplomatiques

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Dimanche 28 janvier, les Ministres des Affaires étrangères chinois et japonais se sont rencontrés à Pékin. Ils ont annoncé leur intention de relancer les relations bilatérales entre leurs deux pays, malgré les divisions. Mais si les rapports entre Chine et Japon sont connus pour leurs tensions anciennes et complexes, ceux-ci s’appuient néanmoins sur des enjeux très actuels et demeurent pragmatiques.

Wang Yi, Ministre des Affaires étrangères chinois, s'est entretenu dimanche avec son homologue japonais.
Ministre des Affaires étrangères chinois.

Tarô Kôno, Ministre des Affaires étrangères japonais et Wang Yi, son homologue chinois se sont entretenus dimanche à Pékin. Cette rencontre amorce une reprise des relations diplomatiques entre la Chine et le Japon, et les deux hommes d’État ont également annoncé la tenue prochaine d’un sommet trilatéral avec la Corée du Sud[1]. Les rapports entre les deux pays ont été marqués par des tensions récurrentes durant ces deux dernières décennies. Les contentieux territoriaux en mer de Chine orientale autour des îlots Senkaku/Diaoyu ont constitué une part notable de ces oppositions, atteignant un point brûlant en 2012 lorsque le gouvernement nippon de Yoshihiko Noda décide de nationaliser trois des cinq îlots disputés[2].

Des rapports diplomatiques interrompus depuis une décennie

Ces tensions ont altéré les rapports diplomatiques, au point qu’aucun dirigeant chinois ne s’est rendu officiellement au Japon depuis Hu Jintao en 2008, tandis que la dernière visite d’un dirigeant japonais en Chine remonte à fin 2011. Cette animosité qui repose en grande partie sur des notions historiques dans les discours – la très vive réaction chinoise à la visite de Shinzô Abe au sanctuaire de Yasukuni en 2013 en est un exemple – se situe en réalité dans un contexte très actuel. La décennie 2000 a été marquée par l’ascension fulgurante de la Chine puis à son déploiement dans un objectif de puissance globale. La sécurisation de ses approvisionnements est notamment devenue un enjeu vital à mesure du développement de son rayonnement et de ses nouveaux rapports de force internationaux. Le conflit en mer de Chine méridionale illustre clairement ces intérêts stratégiques.

Ainsi lors de la mise en place de la politique du pivot asiatique de Barack Obama, il s’agissait d’affirmer une position chinoise régionale solide, sécurisée et de ne pas laisser les États-Unis imposer leur modèle en Asie-Pacifique – via le Traité Transpacifique particulièrement. Le Japon de son côté souhaitait profiter de cette politique étrangère américaine pour asseoir sa position dans la région via sa relation privilégiée avec les États-Unis. Cela pris en compte, l’appréhension des relations sino-japonaises tendues de cette période s’éclaire en partie.

Un terrain plus favorable au rapprochement sino-japonais

Actuellement, le contexte géopolitique est plus favorable à un réchauffement. Le protectionnisme de Donald Trump offre une voie à la Chine en matière de rayonnement régional et international. La « menace » d’une présence américaine accrue en Asie-Pacifique est donc moindre  sans pour autant être inexistante.

À travers cela, organiser un sommet avec le Japon et la Corée du Sud permet à Pékin d’affirmer un leadership. Tôkyô et Séoul représentent des acteurs majeurs de la région, mais aussi des alliés traditionnels des États-Unis. Le Japon peut de son côté trouver un avantage à rétablir des rapports diplomatiques réguliers avec son voisin, soignant ainsi ses relations avec un acteur inéluctablement de premier plan. Il s’agit pour l’archipel de conserver une position importante malgré ce chamboulement des équilibres régionaux, et de ne pas à terme se retrouver dans un rapport de vassalité. Ce concept n’est pas anodin puisqu’il a constitué une vision exclusive des rapports extérieurs de la Chine pendant très longtemps[3]. Elle est synonyme de stabilité régionale pour nombre de nationalistes chinois et trouve toujours des échos actuellement.

Ainsi, on ne peut parler de déterminisme concernant les relations sino-japonaises[4]. Les deux pays, seconde et troisième économies mondiales, sont des partenaires commerciaux majeurs et voisins de surcroît. Un potentiel conflit n’est donc dans l’intérêt de personne. Les contentieux servent les ambitions et les rapports de force. Néanmoins, les divisions territoriales, historiques ou sur des dossiers comme la Corée du Nord demeurent réelles et profondes. Elles fragilisent toujours les relations sino-japonaises, appuyées par des mouvements nationalistes vigoureux de part et d’autre.

[1] https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/0301218555640-cette-nuit-en-asie-la-chine-et-le-japon-vont-ils-enfin-reussir-a-se-parler-2148887.php#formulaire_enrichi::bouton_linkedin_inscription_article

[2] Les îlots Senkaku pour le Japon, Diaoyu pour la Chine se situent en mer de Chine orientale et ont été acquis par le Japon en 1895, puis restitués à l’archipel en 1972 par les États-Unis. Ils sont revendiqués par les deux pays, pour leur intérêt économique et stratégique.

[3] Ce système de vassalité, qui devient la règle sous la dynastie des Song du Sud (1127-1279), repose sur la notion de « mandat céleste » détenu par l’empereur de Chine. Il s’agissait alors d’une condition sine qua non pour entretenir des rapports avec la Chine. En échange de tributs, les pays obtenaient divers avantages. Cf. Géopolitique de la Chine, Mathieu Duchâtel, pp. 12 – 14, éditions Presses Universitaires de France, 2017.

[4] http://www.iris-france.org/79759-la-tension-monte-entre-chinois-et-japonais/

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Jessy PÉRIÉ

Diplômée d'un Master 2 en Géopolitique et prospective à l'IRIS, Jessy Périé est analyste géopolitique et journaliste, spécialisée sur la zone Asie orientale. Elle s'intéresse particulièrement aux questions de politique extérieure chinoise et japonaise.

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