Rétrospective 2017 : quel bilan pour l’Asie-Pacifique ?
Retrait des États-Unis du TPP, crise nucléaire en Corée du Nord, réforme de la Constitution au Japon… L’Asie-Pacifique connaît d’importants bouleversements diplomatiques et militaires qui perturbent les équilibres traditionnels. Que retenir de cette année 2017 ?
Changement d’alliances
Les déclarations de Donald Trump lors de sa campagne auraient pu laisser penser à un retrait total des États-Unis de la région Asie-Pacifique. Sa décision de se retirer du Trans-Pacific Partnership semblait aller dans ce sens. Le retrait n’est en réalité que partiel, comme l’illustre le rôle actif de Washington dans la crise avec la Corée du Nord. Donald Trump a également validé le changement de nom pour la région, passant d’Asia-Pacific à Indo-Pacific. Ce changement implique un élargissement de politique asiatique des États-Unis, tournée à la fois vers le Pacifique et l’océan Indien, mais c’est aussi un moyen de minorer l’importance de la Chine dans le continent. Ainsi, malgré la rupture affichée de Trump par rapport à Obama, le premier suit largement le second dans sa stratégie de pivot et de containment de Pékin.
La Chine n’en reste pas moins une puissance fondamentale, mais également grandissante dans le Pacifique. Les déclarations sino-vietnamiennes pour trouver un accord commun sur la question de la mer de Chine méridionale sont une double victoire pour Pékin. L’empire du milieu favorise effectivement les relations bilatérales plutôt que la négociation avec les pays de l’ASEAN en bloc, ce qui lui donne plus de marge de manœuvre. La perspective d’une résolution du conflit dans les intérêts chinois semble donc se rapprocher. De plus, en trouvant un compromis avec Hanoï, Pékin améliore ses relations avec l’un de ses adversaires régionaux des plus acharnés. En revanche, sur le nord-est, la Chine fait face à l’insubordination de son allié nord-coréen. Pékin doit désormais trouver une solution acceptable pour ses intérêts, ce qui implique le maintien du régime de Pyongyang, tout en accentuant ses pressions sur Kim Jong-un afin de trouver une solution pacifique. C’est donc un exercice difficile auquel doit se livrer la Chine en péninsule coréenne.
On a également pu noter un sensible rapprochement du Japon avec la Chine suite à la rencontre entre Xi et Abe le 11 novembre. Tokyo est désormais éligible pour participer au Belt and Road Initiative, alors qu’il en était soigneusement exclu au début du projet. Si les deux pays gardent de nombreux contentieux, et que leur rivalité ne va pas disparaître, la rupture est loin d’être totale entre le pays du soleil levant et l’empire du milieu. Tokyo a également commencé sous Shinzo Abe un rapprochement avec la Russie, en particulier afin de trouver une solution pour les îles Kouriles. Ce petit conflit oublié envenime les relations entre les deux puissances. La Russie, principalement active sur les terrains d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie Centrale, commence un revirement sur l’Asie. Le conflit nord-coréen, mais également la puissance grandissante chinoise, sont deux motifs qui poussent Moscou à ne pas négliger son extrême orient. Le retour de la Russie et la politique autonome du Japon sont deux nouveautés diplomatiques en Asie-Pacifique.
Militarisation au nord-est
Si en mer de Chine méridionale, une résolution pacifique semble de plus en plus possible, la crise nord-coréenne oblige les puissances régionales à se remilitariser en Asie du nord-est. Rappelons que la Chine, la Russie, la Corée du Nord et les États-Unis qui ont des bases militaires à proximité sont des puissances nucléaires. Shinzo Abe milite activement pour réformer la Constitution du Japon, avec pour objectif de redonner au pays du soleil levant une force militaire, ce qui lui est interdit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, Tokyo dispose de forces d’autodéfense, mais pas d’une réelle armée. Les volontés nationalistes d’Abe, combinées à la menace nord-coréenne qui tire des missiles survolant l’archipel japonais, sont deux facteurs importants pour expliquer la possible révision constitutionnelle, qui devrait être soumise à un référendum en 2020. Toutefois, une remilitarisation du Japon ne se fera pas sans soulever des inquiétudes régionales, chinoises ou sud-coréennes, deux pays qui ont souffert de la colonisation japonaise durant la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement de Corée du Sud avait signé un accord en 2015 avec le Japon sur la question douloureuse des « femmes de réconfort ». Depuis, le gouvernement sud-coréen a changé et la nouvelle équipe au pouvoir a remis en cause l’accord avec Tokyo. Malgré les crises régionales, le Japon reste en partie isolée en Asie.
La Chine continue son ascension militaire, mais celle-ci soulève des inquiétudes chez d’autres pays, notamment en Russie. C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre le rapprochement de Moscou avec Tokyo, mais aussi la construction d’infrastructures militaires dans la mer d’Okhotsk. En 1905, la Russie a perdu la guerre contre le Japon car elle ne pouvait acheminer ses troupes rapidement sur le front oriental. S’inquiétant d’une puissance chinoise montante, ayant pour objectif de se développer jusqu’en Arctique que Moscou considère comme sa chasse gardée, la Russie redéveloppe militairement son extrême orient, région où les migrations chinoises sont très importantes. Loin d’un couple russo-chinois uni, la méfiance mutuelle est toujours de mise entre les deux pays géants.