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Au Cambodge, l’opposition muselée en vue des élections

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Kem Sokha, chef de l’opposition cambodgienne, s’est vu refuser sa demande de libération sous caution par la justice. Son arrestation et la dissolution de son parti interviennent alors que le gouvernement Hun Sen tente de sécuriser sa position fragilisée, en vue des élections législatives de juillet 2018. De plus, la prépondérance de l’influence chinoise au Cambodge, libre de toute contrainte démocratique,  diminue les leviers d’action occidentaux.

Kem Sokha et Sam Rainsy, leaders de l'opposition cambodgienne.
Kem Sokha et Sam Rainsy en 2014.

La justice cambodgienne a statué jeudi 1er février sur la demande de libération sous caution de Kem Sokha. Le leader du CNRP – Parti du sauvetage national du Cambodge, principal parti d’opposition – restera en prison. Kem Sokha avait été arrêté en septembre dernier par un tribunal municipal de Phnom Penh pour trahison et espionnage. Plus précisément, l’homme était officiellement accusé d’avoir comploté avec les États-Unis en vue de nuire au gouvernement cambodgien. Ces allégations sont fondées sur la vidéo d’un discours de Kem Sokha devant des sympathisants australiens du CNRP en 2013. Le leader évoquait un soutien d’une organisation internationale américaine destiné à aider l’opposition dans son combat démocratique.

Selon Sam Rainsy, fondateur du CNRP  – aujourd’hui exilé en France pour échapper lui aussi à une condamnation dans son pays – ce discours a été sorti de son contexte et manipulé afin de lui donner une signification complotiste[1]. Le 16 novembre 2017, la Cour suprême cambodgienne a dissous le CNRP.

Un gouvernement cambodgien qui refuse de céder son pouvoir

Ces événements interviennent dans un contexte de baisse de popularité du CPP – Parti du peuple cambodgien – au pouvoir depuis 1979. Les inégalités profondes et la corruption omniprésente engendrent une défiance croissante au régime. La violente répression des manifestations ouvrières du secteur du textile[2], qui représente 70 % des exportations du pays, est symptomatique de cette fracture.

D’autre part, l’approche des prochaines élections législatives en juillet 2018 a poussé Hun Sen, chef du CPP et Premier ministre – le Cambodge est une monarchie constitutionnelle – à considérablement durcir le régime. Le CNRP avait effectué de très bons scores aux élections législatives de 2013 avec 44,34 % des voix contre 49,36 % pour le CPP. En juin 2017 lors des élections communales, le CNRP avait également connu une forte montée avec 44 % des voix et 489 communes sur 1646[3]. Face à cela, Hun Sen a donc multiplié les tentatives pour museler les voix dissonantes. En plus de l’écartement de Kem Sokha et de son parti, des journaux, radios ou encore des ONG ont été fermés en l’espace de quelques mois.

La Chine, échappatoire aux sanctions occidentales ?

Les États-Unis, puis l’Union européenne ont tour à tour retiré leur assistance financière à l’organisation des élections et menacent d’appliquer d’autres sanctions. Néanmoins, le rapprochement politique et économique du Cambodge avec la Chine amoindrit les leviers d’influence occidentaux. L’investissement chinois croissant depuis les années 90 n’impose aucune condition en matière de démocratie. Fin novembre 2017, Hun Sen s’est d’ailleurs rendu à Pékin dans le but d’obtenir un soutien accru auprès de Xi Jinping.

Le Cambodge poursuit donc son tournant autoritaire, qui inquiétait déjà la communauté internationale. Néanmoins selon Sophie Boisseau du Rocher[4], l’opposition est sous pression mais n’a pas disparu : « Le Cambodge, c’est 16 millions d’habitants et plus de 60 % de ces 16 millions ont moins de 30 ans. Donc, ils ne vont pas se taire »[5]. Face à cela, la propagande du gouvernement est vivace. Elle parvient encore à convaincre une partie de la population en s’appuyant sur la stabilité et la croissance économique du pays – 7% en 2017 selon le FMI –  depuis le traumatisme du régime khmer rouge.

[1] http://information.tv5monde.com/info/cambodge-l-opposant-sam-rainsy-reagit-l-arrestation-de-kem-sokha-189496

[2] Le secteur textile, incontournable dans l’économie cambodgienne, emploie environ 650 000 ouvriers. Les manifestations sont de plus en plus fréquentes ces dernières années en raison du surmenage et de la sous-alimentation des travailleurs.

[3] https://cambodgemag.com/2017/06/cambodge-elections-locales-resultats.html

[4] Sophie Boisseau du Rocher est chercheuse à l’Ifri, spécialiste des questions politiques et géostratégiques en Asie du Sud-Est.

[5] http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20170907-cambodge-hun-sen-durcit-son-pouvoir-vue-legislatives-2018

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Jessy PÉRIÉ

Diplômée d'un Master 2 en Géopolitique et prospective à l'IRIS, Jessy Périé est analyste géopolitique et journaliste, spécialisée sur la zone Asie orientale. Elle s'intéresse particulièrement aux questions de politique extérieure chinoise et japonaise.

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