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Dissonances franco-algériennes dans la lutte contre le terrorisme sahélo-saharien

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 Alors qu’en 2019 se profilent les élections présidentielles en Algérie, l’actualité illustre la permanence du danger sécuritaire que font peser certains mouvements djihadistes armés sur ce pays. Le régime en place, héritier d’une longue lutte contre l’islamisme politique, reste un acteur incontournable pour une lutte antiterroriste efficace dans la bande sahélo-saharienne (BSS). Néanmoins, la coopération entre l’Algérie et la France, autre acteur majeur dans ce dossier, n’est pas idyllique.

Une Algérie en retrait de l’initiative française

Pays membres du G5 Sahel

En ce début février, les autorités algériennes annonçaient l’élimination d’un cadre d’Al-Qaïda au Maghreb islamique dans la région de Jijel. À l’évidence, certaines portions du territoire algérien restent, aujourd’hui encore, des lieux où subsiste l’influence de groupes islamistes terroristes, notamment près des zones frontalières au sud et à l’est. Cette situation s’explique en partie par la déstabilisation générale que connaît la région depuis l’intervention occidentale en Libye voisine en 2011 et par les conséquences directes de la chute du régime de Kadhafi, à savoir la fragilisation de la BSS.

C’est dans cette dernière que la France s’est engagée militairement depuis 2013 afin de préserver l’intégrité de l’État malien avec l’opération Serval puis de soutenir, à travers une approche plus globale, les États de la région en renforçant leurs capacités dans la lutte contre les groupes rebelles avec l’opération Barkhane. Face au risque d’enlisement, dans une recherche d’efficacité, de multilatéralisme et de réductions des coûts, la France a œuvré pour l’émergence d’un partenariat entre les États concernés qui a pris forme avec le G5 Sahel. Cependant, l’Algérie, puissance régionale majeure, fait figure de principale absente dans ce cadre institutionnel, bien qu’elle soit elle aussi confrontée aux mêmes problématiques sécuritaires. En effet, malgré les récentes pressions de l’État français pour une plus grande implication algérienne aux côtés du G5 Sahel, notamment au profit de la force militaire conjointe, – le président Macron affirmant à la veille de son voyage à Alger en décembre 2017 attendre « une coopération totale de tous ceux qui partagent l’objectif d’une paix durable au Mali »1 – l’Algérie marque la distance vis-à-vis du G5, s’abstenant même de participer à la rencontre multilatérale du 13 décembre dernier, destinée à financer l’organisation. Sur le terrain, la porosité de la frontière entre le Mali et l’Algérie ne facilite pas la tâche des militaires de Barkhane dans leur poursuite des groupes terroristes.

Lutte antiterroriste et lutte d’influence

Quels éléments peuvent dès lors expliquer cette position de l’État algérien face à une menace qui semble pourtant commune et transfrontalière ? La première raison est de nature constitutionnelle. Dans son texte fondateur, la République algérienne démocratique et populaire s’attache au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États2. De là, découle une tradition de non-intervention à l’extérieur du territoire national de la part de l’armée. C’est ce choix politique qui justifie en première instance la réticence d’Alger à prendre part au partenariat du G5. Toutefois, la lutte antiterroriste entreprise par le G5 ne se limite pas au domaine militaire et le comportement de l’Algérie ne laisse pas penser qu’elle soit hermétique à l’idée d’une participation à cet effort par d’autres moyens. En effet, elle soutient déjà financièrement certains pays du Sahel face au phénomène terroriste et prend part à divers mécanismes de coopération régionale destinés à ce sujet3.

Derrière les positions de principe, ce sont donc avant tout des considérations géopolitiques qui expliquent la tiédeur algérienne vis-à-vis du G5. Puissance régionale, l’Algérie voit avec une certaine méfiance l’interventionnisme accru de puissances européennes dans une zone qui relève de sa sphère d’influence, a fortiori par rapport à la France avec laquelle les ressentiments mémoriels ne sont pas définitivement clos. Ce sentiment s’observe dans le souhait algérien de placer le G5 sous la tutelle de l’Union africaine via le processus de Nouakchott4 afin de réduire le rôle central de la France. Conséquemment, l’Algérie n’aspire pas à renforcer les capacités du G5 sans contreparties politiques, et ne se soucie pas de l’éventualité d’un enlisement français dans la BSS.

Cette dissonance de vues sur la manière d’aborder la problématique des groupes armés terroristes dans la BSS révèle les relations ambiguës entre la France et l’Algérie. Si la coopération bilatérale entre les deux pays existe en matière antiterroriste, le manque de bonne volonté d’Alger et les liens parfois nébuleux entre ses services de renseignements et certains réseaux djihadistes ne sont pas de nature à rassurer Paris. Réciproquement, Alger n’apprécie guère l’accroissement de l’influence française en Afrique du Nord par le biais d’opérations militaires, notamment depuis l’expérience libyenne. En définitive, le constat d’une menace commune, représentée par la déstabilisation sécuritaire de la BSS, ne signifie pas pour autant l’absence de l’habituelle concurrence interétatique au profit d’une coopération entière et franche.

1 SERENI Jean-Pierre, « Sahel. Impossible dialogue entre la France et l’Algérie », OrientXXI, 19 décembre 2017. https://orientxxi.info/magazine/sahel-impasse-du-dialogue-entre-la-france-et-l-algerie,2177

2 Article 31 de la Constitution algérienne

3 Malgré son efficacité limitée, le Comité d’état-major opérationnel des armées est un exemple de ces mécanismes.

4 Ce processus correspond à mécanisme existant destinée à renforcer coopération sécuritaire entre les pays du Sahel, « Force du G5 Sahel : trouver sa place dans l’embouteillage sécuritaire », Crisis Group, 12 décembre 2017. https://www.crisisgroup.org/fr/africa/west-africa/burkina-faso/258-force-du-g5-sahel-trouver-sa-place-dans lembouteillage-securitaire

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