Hollywood et la « glocalization » du capitalisme
Les Majors hollywoodiennes (Disney, Warner Bros, Fox, Universal, Sony et Paramount) concentrent aujourd’hui les deux versants des activités de l’industrie cinématographique : la production et la distribution. Cette dichotomie leur permet de suivre la doctrine de la « glocalization » ; « Think Global, Act Local ».
La production : Think Global
La production hollywoodienne envisage le monde entier comme un marché selon une vision capitaliste. En ce sens, elle conçoit ses films comme des produits mondialisés, devant répondre aux attentes du « consommateur global » pour être rentables. Les films américains réalisent en effet 90% des recettes mondiales (pour seulement 15% de la production). Ainsi, avec une unique œuvre visuelle, les Majors ciblent des milliards de clients potentiels à travers le monde.
Dès lors, le concept de « blockbuster » illustre les dénominateurs communs des différentes attentes nationales. Celui-ci désigne une production à très gros budget, avec un casting attractif, appuyée sur un scénario simple et consensuel. Il est un idéal de construction d’une « culture mondiale », qui justifie l’idée selon laquelle un produit doit être « pensé globalement » lors de sa production. Ainsi, Hollywood se démarque de ses concurrents de l’industrie cinématographique, tel Bollywood (Inde) ou Nollywood (Nigeria), par sa capacité à produire des films globalisés car « globalisant ».
Partant de ce postulat, les Majors disposent des moyens nécessaires pour satisfaire cette ambition. Elles peuvent financer des super-productions, les contrats des stars, et les effets spéciaux, grâce à leur capacité à lever des fonds. Elles se sont appuyées en outre sur la Motion Picture Export Association (MPEA), association interprofessionnelle créée en 1945 visant à promouvoir la diffusion à l’étranger. Jouant sur le Webb-Pomerane Export Trade Act autorisant les cartels d’entreprises américaines à l’étranger, elle a d’abord directement distribué les films hollywoodiens jusqu’en 1954. Aujourd’hui MPA (ayant symboliquement perdu le E car le terme « Export » était jugé trop agressif) œuvre pour réduire le protectionnisme cinématographique. Celui-ci persiste, comme le démontre la clause d’exception culturelle obtenue par l’Union européenne et la France lors des accords du GATT de 1993.
La distribution : Act Local
Toutefois, le monde ne peut se résumer à un simple « village global » se rendant au même cinéma. La pluralité culturelle autour du globe justifie alors une approche plus locale dans la distribution d’une œuvre. En effet, ce chaînon de l’industrie cinématographique exploite les films produits en s’assurant de leur projection et de leur promotion. Le marketing ciblé, spécialisé en fonction de la zone de distribution révèle ainsi une fragmentation culturelle avec laquelle il faut compter.
Les studios de production réalisent effectivement plus d’une vingtaine de bandes-annonces, chacune conçue à destination d’une certaine cible marketing, selon une segmentation des consommateurs. De ce fait, la promotion de film localement optimisée constitue un rouage essentiel de la domination des Majors américaines sur les marchés mondiaux. A titre d’exemple, le film Black Panther, produit par Disney, domine après sa première semaine en salle les box-office britannique, suédois, turc, colombien, thaïlandais, sud-africain… Il illustre ainsi la réussite globale de la stratégie de promotion locale.
Les Majors maîtrisent donc la « glocalization », outil incontournable pour assurer une telle domination de l’industrie du cinéma. Toutefois, elles se retrouvent actuellement confrontées au piratage, et devront repenser leur modèle commercial afin de surmonter ce défi.