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Entre Turquie et OTAN, le torchon brûle

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La Turquie, deuxième puissance de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord cristallise de nombreux points de divergence avec ses alliés occidentaux. Entre réaffirmation de souveraineté et prise de distance avec le bloc occidental, la Turquie peut-elle se maintenir dans l’OTAN ?

La Turquie, un allié historique, membre de l’OTAN, en relation conflictuelle avec ses alliés

Le président Erdogan (Turquie) se rapproche de concurrents de l'OTAN et se repositionne dans la géopolitique mondiale
Le président Erdogan se rapproche de concurrents de l’OTAN et se repositionne dans la géopolitique mondiale

La Turquie est membre de l’OTAN depuis 1952. Son armée est la plus grande d’Europe avec près d’un demi-million de soldats actifs. Le pays a, de plus, participé aux missions en Corée, au Koweït ou encore en Afghanistan, respectant ainsi ses engagements. Les États-Unis possèdent également deux bases militaires à Izmir et Incirlik, ce qui démontre les liens militaires historiques entre Ankara et Washington.

Depuis près de soixante-cinq ans, le pays est donc considéré comme un allié stratégique du bloc occidental. Mais depuis quelques années, les désaccords politiques et stratégiques ne manquent pas.

Désaccord sur la zone économique exclusive chypriote

La découverte de gisement de gaz naturel au large de Chypre, en 2017, est un de ces points de conflit. Ankara songe à exploiter cet immense gisement qui déborderait sur la zone économique exclusive (ZEE) de l’île. Ce contentieux ravive des désaccords politiques entre l’Union Européenne et Ankara à propos de la partition de Chypre en 1974. Le président Erdogan a fait organiser de grandes manœuvres maritimes en mai 2019 afin d’envoyer un message clair aux compagnies occidentales : la Turquie lancera des activités de forage dans la zone, qu’elle ne reconnaît pas comme ZEE de la République de Chypre.

Ankara se positionne ainsi en défenseur des intérêts de la République turque de Chypre du Nord, zone Nord de l’île autoproclamée indépendante mais non reconnue par la communauté internationale. L’Union Européenne, regroupant de nombreux membres de l’OTAN, a fait part de sa préoccupation en réaction aux plus grandes manœuvres maritimes turques de l’Histoire. Ces manœuvres militaires, peu conventionnelles en termes de diplomatie entre alliés, démontrent bien les tensions politiques grandissantes entre membres du traité.

La question kurde, véritable point de blocage 

Il existe un second point de désaccord entre la Turquie et l’OTAN : la question Kurde et le conflit syrien. Ankara menace d’un assaut antikurde en Syrie depuis décembre dernier mais se heurte à la présence de forces spéciales de l’OTAN dans le Rojava, région majoritairement kurde de Syrie. Il en va, selon Ankara, de sa sécurité et de son intérêt national. A ce titre, l’accueil de représentants kurdes syriens à Paris par le président Macron en avril 2018 a suscité une réaction très vive de la part de la Turquie. En représailles, l’agence de presse turque Anadolu, soutien d’Ankara, a publié le positionnement confidentiel des forces spéciales françaises dans le Nord de la Syrie.

Les relations avec la Russie crispent l’OTAN

Le rapprochement géopolitique turco-russe représente également une ligne de divergence politique entre l’OTAN et son allié. Le théâtre syrien a en effet impulsé un dialogue de plus en plus fréquent et cordial entre Ankara et Moscou. Des coopérations dans les domaine gazier – avec le gazoduc Turkstream –, nucléaire et militaire ont été mises en place.

Le quatrième point de conflit concerne justement le rapprochement militaro-industriel turco-russe. Ce sujet très épineux entre l’OTAN et Ankara a pour cause l’achat de missiles antiaériens S-400 russes. Ainsi, le deuxième pourvoyeur d’hommes de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord achète du matériel militaire à son potentiel ennemi. De plus, les logiciels de l’OTAN ne sont pas toujours compatibles avec les matériels russes. Cette situation est inacceptable pour les États-Unis qui menacent de retirer Ankara du consortium visant à la production du nouvel avion furtif F-35. Si la Turquie souhaite des batteries antiaériennes russes, elle devra se passer de sa commande d’avions furtifs.

Cette menace de Washington à son allié a encore rafraîchi les relations entre les deux pays. Cela ne semble pas infléchir la position d’Ankara et de son gouvernement sur ce dossier. Il en va, selon le pays, de sa souveraineté. Le président Erdogan va même plus loin en annonçant dimanche 19 mai la co-construction des batteries S-500 avec la Russie.

Tous ces points de tensions représentent une menace pour le maintien d’Ankara au sein de l’OTAN. Si cela arrivait, le message politique d’une sortie du traité servirait les intérêts de concurrents internationaux. Le président Erdogan le sait et joue ainsi sur deux tableaux. Courtisé et menacé, il manœuvre habilement au grand dam de ces alliés d’hier, au risque que cela se retourne contre lui. Mais qui se passerait volontairement de la Turquie comme allié dans les prochaines années ?

Sources :

-« Turquie, un allié de Poutine dans l’OTAN ? », Gatestone Institute, 24 mars 2019, (https://fr.gatestoneinstitute.org/13946/turquie-poutine-otan)

-« Il faut exclure la Turquie de l’OTAN », Le Figaro, 13 mars 2018, (http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2018/03/13/31002-20180313ARTFIG00199-il-faut-exclure-la-turquie-de-l-otan.php)

-« Une rupture de la coopération militaire privilégiée entre la Turquie et les Etats-Unis d’Amérique ? », Ovipot Hypothèses, 29 mars 2019, (https://ovipot.hypotheses.org/15330)

-« Les déterminants de la relation Russie-Turquie », FMES, 21 novembre 2018, (http://fmes-france.org/les-determinants-de-la-relation-russie-turquie/)

 

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Harold MICHOUD

Harold Michoud est étudiant de Grenoble Ecole de Management et effectue une poursuite d'étude en géopolitique au sein de l'IRIS SUP'.

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