Les Forces démocratiques alliées ou le visage de la terreur en République Démocratique du Congo
Début février, le Nord-Kivu fut le théâtre d’une nouvelle attaque des Forces Démocratiques Alliées. Le 29 janvier dernier, au moins 36 civils furent assassinés dans la région de Beni, dans l’est de la République Démocratique du Congo. Début janvier, 60 soldats de l’armée congolaise ont été tués lors d’une offensive dans la même région. Ce mouvement armé sévit dans l’Est du Congo et en Ouganda depuis le milieu des années 1990. Maintes fois défait, sa durabilité met en exergue la défaillance de l’Etat de droit dans ces territoires.
Aux origines du mouvement…
Plus de sept ans après que le mouvement du M-23 ait déposé les armes, une multitude de factions armées sévissent toujours dans l’Est de la RDC. Les régions du Kivu et d’Ituri sont principalement touchées. L’une de ces factions, dénommée les Forces Démocratiques Alliées est l’une des plus meurtrières en RDC. Installée depuis de nombreuses années dans l’Est du Congo, cette faction est originaire d’Ouganda. Elle fut fondée par le charismatique Jamil Mukulu, dans l’objectif de renverser le régime du président ougandais Yoweri Museveni. Cependant, Jamil Mukulu fut arrêté le 20 avril 2015 en Tanzanie. Aujourd’hui, ce groupe dispose de structures administratives et commerciales évidentes mais peu connues. De plus, depuis le rapport final du Groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC de 2018, on sait que le mouvement dispose d’une forte influence et de cellules de recrutements dans plusieurs pays voisins.
Ensuite, les autorités congolaises peinent à combattre les ADF. Leur présence est même parfois vivement critiquée par les populations locales qui reprochent au gouvernement de concentrer sa présence dans la région de Beni. Certains villages plus au nord comme Oicha et Mbau se retrouvent alors plus exposés aux attaques. Aujourd’hui dirigées par Musa Baluku, les ADF sont pourchassées par une vaste opération menée par les troupes congolaises du général Célestin Mbala.
Des liens avec l’idéologie islamiste ?
Dès le début, le gouvernement ougandais avait soupçonné les ADF et notamment Mukulu d’avoir des liens avec Al Qaïda. Plus tard, c’est avec les Shebaab et Boko Haram que les ADF furent accusées d’entretenir des liens. Si l’on sait que Jamil Mukulu fut fortement influencé par la secte Tabligh qui prône une vision ultra-rigoriste et littérale de l’islam, les liens des ADF avec les autres organisations terroristes ne sont pas prouvés. Selon Thierry Vircoulon, chercheur à l’IFRI, la doctrine religieuse des ADF n’est pas assimilable à d’autres groupes. Il parle d’un islamisme très discret dont les symboles ne sont que peu parlants. De plus, il affirme que la menace djihadiste dans la région serait une invention mythifiée par les autorités afin de « surfer sur la vague globale anti-terrorisme et d’essayer de s’attirer les bonnes grâces de puissances occidentales qui luttent contre le djihadisme ».
Alors, l’existence et la pérennité de ce groupe serait liée à d’innombrables facteurs opaques et nébuleux entretenus ou non par les autorités locales. L’instrumentalisation de ce conflit dans une région stratégique est en tout cas avérée.
Le (Nord) Kivu : région instable du Congo aux sols riches
L’Est du Congo est une région fortement exposée aux pluies, dans laquelle les routes non-bétonnées sont souvent impraticables. Cela rend difficile le contrôle de la région et la traque des groupes criminels.
Il existe un évident cloisonnement spatial de cette région marginalisée dont les influences provenant des Etats voisins sont multiples. De surcroît, les enjeux économiques de la région sont très stratégiques. En effet, l’Est de la RDC regorge de ressources minières soumises à un code (fiscal) minier. On y trouve surtout de l’or, de l’étain, du coltan, du tungstène ou des diamants. La seule région du Kivu abriterait par exemple entre 60% et 80% des réserves mondiales connues de coltan. L’on retrouve ce minerai dans de nombreux composants électroniques de la vie quotidienne.
Bien que les rivalités ethniques existent, les enjeux économiques de cette région jouent en faveur d’une complexification de la situation actuelle. Cette région est d’ailleurs au centre de diverses polémiques concernant les multiples villages miniers. Le village de Numbi et ses 22.000 habitants par exemple, vivent de l’exploitation des minerais. Ces activités d’extraction attirent l’attention car elles emploieraient de nombreux enfants.
Sources :
- VIRCOULON Thierry, « L’islam radical en République démocratique du Congo. Entre mythe et manipulation« , février 2017.
- Congo Research Group, « Inside the ADF rebellion: A glimpse into the life and opertions of a secretive jihadi armed group« , Center on International Cooperation New York University, November 2018.
- RFI, « RDC: pourquoi les violences continuent à Beni« , 01e février 2020.