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Covid-19 : Quels effets sur les migrations internationales ?

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La pandémie de Covid-19 a eu pour première conséquence la fermeture des frontières. Cela a entrainé une réduction drastique des mobilités et donc des migrations. La géographie de celles-ci et leurs causes sont multiples. Ainsi, les effets de la crise sanitaire sur les migrations seront très variés, pour les migrants eux-mêmes, mais aussi pour les pays d’émigration comme pour ceux d’accueil. Les conséquences seront immédiates ou se feront sentir à moyen ou long termes. Cela dépendra de l’ampleur de la crise économique et de la réponse des États en matière de politiques migratoires. En fonction de celles-ci, les migrations contribueront ou non à la reprise économique.

Fermeture des frontières : Des effets immédiats

Travailleurs migrants indiens marchant vers leur ville natale
Travailleurs migrants indiens marchant vers leur ville natale

La conséquence la plus dramatique a été d’abord d’ordre humanitaire avec l’annulation de couloirs de transit et la mise en quarantaine de navires humanitaires. Certains pays ont confiné les centres de rétention pour migrants sans se préoccuper de la santé des plus fragiles. A contrario, un pays comme le Bangladesh a pris rapidement des mesures en faveur de la protection des réfugiés Rohingyas dans son camp de Cox’s Bazar. Aux portes de l’Europe, la situation sur l’île de Lesbos, est apparu très préoccupante en raison du surpeuplement des camps.

Une autre conséquence immédiate a été une immobilisation forcée des personnes aux frontières. Pour certains travailleurs migrants cela s’est traduit par l’impossibilité de rejoindre leur travail ou de rentrer chez eux. Ce fut le cas en Inde, où des millions de travailleurs quittent chaque matin ou chaque semaine leurs foyers pour aller travailler dans d’autres États indiens. Des situations comparables ont été observées en Asie du Sud-Est en raison de la fermeture d’usines.

La fermeture des frontières a également impacté l’emploi en Europe.  La crise a révélé la très grande dépendance de l’Ouest vis-à-vis d’une main d’œuvre peu chère venant de l’Est. Cela concerne les travailleurs détachés mais aussi les saisonniers, notamment dans le domaine agricole ou de la santé. De même, certains pays d’Asie ou d’Afrique, dépendant d’une main d’œuvre agricole venant de pays voisins, ont connu des difficultés.

Crise économique : Des effets à court et moyen terme

L’arrêt des économies a généré une baisse des besoins en main d’œuvre et la faillite de certaines entreprises. La conséquence a été immédiate pour les migrants qui travaillent souvent de manière informelle. C’est le cas dans les pays en développement où les États ne peuvent protéger économiquement leur population en période de crise. C’est aussi le cas dans les pays développés où les travailleurs migrants n’ont souvent pas de protection sociale. Les difficultés rencontrées par ceux-ci ont également des répercussions directes sur leurs pays d’origine. La Banque mondiale prévoit une baisse des transferts d’argents (migrant remittances) de 20% pour 2020. Ceux-ci avaient représenté en 2019, 550 milliards de dollars. Néanmoins, en Europe mais aussi au Canada ou en Asie, certains gouvernements ont mis en place des mesures. L’Italie a régularisé 600 000 travailleurs en situation irrégulière.  La Pologne a, elle, renouvelé automatiquement les permis de séjour des travailleurs migrants.

La crise économique, si elle est durable, réduira l’attractivité des pays développés par manque de perspective d’embauche. Cela sera vrai pour des migrants diplômés en quête d’un travail qualifié mais aussi pour des migrants à la recherche d’un avenir meilleur. Or de nombreuses régions du monde, notamment celles en décroissance démographique ont besoin de cette main d’œuvre venue d’ailleurs. Celle-ci occupe souvent les emplois les plus pénibles. La crise l’a révélé de façon immédiate dans le domaine agricole puisque la préservation de la sécurité alimentaire, y compris dans les pays développés, a fait l’objet d’inquiétudes. La crise a démontré aux populations l’importance de ces emplois. Il n’est cependant pas certain qu’elle ait déclenché une prise de conscience durable sur le poids des travailleurs migrants dans les économies. Or ceux-ci seront également essentiels à la reprise.

La crise économique de 2008 avait entrainé une forte baisse des migrations qui s’était poursuivie sur 2009 et 2010. La crise du Covid-19 pourrait avoir des conséquences encore plus importantes. Cela dépendra de sa durée, du niveau de la reprise économique et des politiques migratoires mises en œuvre.

Des effets sur le long terme : Une nouvelle carte des migrations ?

L’Europe ne sera peut-être plus considérée comme un eldorado et un continent attractif si sa croissance économique est en berne. Il pourrait y avoir une diversification des flux migratoires. Ceux-ci s’orienteraient vers des pays qui s’en sortiront mieux économiquement ou qui mettront en place des politiques migratoires plus accueillantes. La crise a révélé les failles des pays européens qui ne sont pas toujours en mesure d’offrir sécurité et protection sociale aux travailleurs venant d’ailleurs.

Certains pays ont profité de la pandémie pour mettre en place des mesures migratoires non autorisées par le droit européen. C’est le cas de la Hongrie qui a fermé ses portes aux demandeurs d’asile et a suspendu la procédure d’asile. Les réactions des institutions européennes à ces décisions ont été timides montrant le peu d’importance accordé au maintien des régimes de protection internationale. Ce constat pourrait inciter certains gouvernements « populistes » à mettre en œuvre des politiques migratoires plus strictes comme cela fut le cas après la crise de 2015.

Enfin, la hausse du chômage dans des économies fragilisées pourrait renforcer un marché du travail moins protégé. Celui-ci serait principalement pourvu par des travailleurs migrants illégaux. Leur régularisation serait plus difficile à justifier auprès de populations en difficultés économiques et pourrait amplifier les discours populistes.

 

La crise du Covid-19 a montré, dans nos économies mondialisées, à quel point la fermeture des frontières avait un impact sur nos modes de vies. La question des migrations ne s’est souvent posée qu’à travers l’absence de travailleurs indispensables dans certains domaines d’activités. La pandémie peut modifier nos perceptions des frontières et de l’immigration. Elles permettent de nous protéger des dangers tels que les virus venus de l’extérieur. Elles peuvent aussi nous apporter des solutions. Celles-ci sont économiques mais aussi sociales car des sociétés confinées et repliées sur elles-mêmes ne sont pas porteuses d’avenir.

 

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Marie-Christine BIDAULT

Marie-Christine Bidault est étudiante en journalisme à l'ESJ Paris. Par ailleurs Analyste en stratégies internationales (IRIS Sup') et Ingénieur en agriculture (ISARA Lyon), elle s'intéresse fortement aux questions de géopolitiques environnementale, agricole et alimentaire, avec un intérêt particulier pour les politiques américaines.

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