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Révolution d’octobre : Retour des instabilités au Kirghizistan

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L’instabilité politique semble persister au Kirghizistan. Dix ans après les derniers soulèvements kirghiz, avec cette révolution d’octobre, le peuple condamne à nouveau le gouvernement en place. 

 

Révolution d'octobre : Retour des instabilités au Kirghizistan
Vladimir Putin et Kourmanbek Bakiev

Un passé politiquement instable…

Avec la révolution d’octobre, le Kirghizistan compte désormais 3 destitutions de présidents depuis son indépendance en 1991. Ces précédentes révolutions furent, selon Shirin Aitmatova, le terreau nécessaire à la prolifération de crimes organisés, liés aux figures politiques du pays. Fragmenté, le paysage politique kirghiz se trouve de sorte empreint de clientélisme et de corruption.

Les derniers sursauts en date, avaient pris place en 2010. Accusé de vouloir instaurer un système dynastique, Kourmanbek Bakiev, président depuis 2005, en avait alors payé les frais. Sa démission fit alors figure de réponse aux accusations de corruption et de modification de la constitution. L’augmentation des prix de l’énergie et des télécommunications avait d’autant plus accru la puissance de ces voix protestataires.

L’arrivée d’un nouveau président, anciennement détenu, en est un nouvel exemple. Divisant la population en deux camps distincts, elle laisse le pays dans un nouveau flou politique. D’un côté se regroupent les soutiens de Sadyr Japarov, de l’autre les désillusionnés d’une révolution qu’ils considèrent comme volée. Ces insatisfaits de la révolution se concentrent en grande partie autour la jeunesse kirghize. Elle n’est selon eux pas terminée et représente l’espoir d’un changement prochain.

… qui se reflète dans son présent

Les dernières élections parlementaires, celles du 4 octobre, résonnent en écho de ce passé révolutionnaire. Contestées pour motifs d’achats de voix et de fraudes électorales, elles y furent également décriées pour leur manque de représentation politique. En effet, parmi les 16 partis qui participèrent aux élections, seuls quatre reçurent des sièges au parlement. Avec l’un des plus grands taux de mortalité dus à la Covid-19, Bichkek s’est également vu désapprouvé pour son inaction.

En crise de légitimité, le gouvernement a ainsi  usé de force dans ses tactiques de contrôle des manifestations. Allant crescendo, les tensions rassemblèrent gaz lacrymogène et canons à eaux d’un côté, barricades et cocktails Molotov de l’autre. On dénombre aujourd’hui plus de 1000 blessés, dont un décès. Les manifestants prirent également d’assaut les bâtiments accueillant le parlement et l’administration présidentielle et libérèrent des prisonniers. L’ancien président, Almazbek Atambaïev, emprisonné pour corruption et « acquisition illégale de terres » en fait parti. Il fut à nouveau interpellé le 10 octobre. Des groupes de volontaires se sont ainsi mobilisés via l’utilisation des réseaux sociaux pour protéger la ville.

Malgré l’annulation des résultats électoraux par la chambre électorale le 6 octobre, les demandes de nouvelles élections et de démission du chef de l’État continuèrent de fuser. En contradiction avec ses précédents discours, Sooronbaï Jeenbekov annonça sa démission le 15 octobre dernier. Nouvellement élu, Sadyr Japarov le remplace depuis. Ce dernier, libéré par les partisans précédemment cités, était détenu depuis 2017 pour sa participation dans la prise d’otage d’un gouverneur régional.

Selon René Cagnat, cette « révolution d’octobre » cacherait en fait un coup d’état possiblement élaboré par Raïmbek Matraïmov (Ancien vice-directeur des douanes kirghizes et criminel réputé).

Vers de nouvelles élections

De nouvelles élections, préalablement prévues pour le 20 décembre, sont aujourd’hui discutées. La Kyrgyz Central Election Commission, a en effet accepté, après deux tentatives, de recevoir l’appel du Reforma Party. Celui-ci vient défier une loi passée par le parlement suspendant deux articles constitutionnels pour l’établissement de cette date électorale. Elle fut accompagnée d’une autre proposition de loi, diminuant le seuil requis par les partis pour figurer au parlement : Une diminution de 5% du total des votes à 3% des voix. Le paiement nécessaire en fut également impacté. Les partis  doivent aujourd’hui  payer 1 million de soms, contre 5 millions auparavant.

Quelles attentes pour la suite ?

Sadyr Japarov est tenu de conduire le pays jusque-là, profitant d’un mélange inédit de pouvoirs présidentiels, ministériels et parlementaires. Cet ancien détenu, ne possédant presque aucune expérience gouvernementale, souscrit à une idéologie nationaliste. Avant son ascension au pouvoir, il promouvait ainsi la nationalisation de la mine d’or de Kumtor, aujourd’hui possédée par l’entreprise canadienne Centerra Gold inc. Selon Shirin Aitmatova, cette tendance nationaliste n’est pas nouvelle. Elle s’est progressivement inscrite dans la société kirghize ces dernières années. Il s’agit même d’un phénomène global dont le pays est révélateur.

Parmi les onze figures politiques libérées, seul Japarov parvint à la grande place pour s’adresser à la population. Ce geste est, selon elle, le facteur qui le plaça parmi les leaders du mouvement. Il lui donna les caractéristiques du héros que recherche la population kirghize : la bravoure, l’audace et le caractère. Selon René Cagnat : « la popularité de ce réputé mafieux repose aussi sur le fait qu’au Kirghizistan la mafia, plus qu’ailleurs, « materne », notamment par les liens claniques et tribaux, le peuple. »

La gestion de la pandémie et l’image internationale du gouvernement sont pour Akylai Karimova, les deux priorités du gouvernement. À la suite de ces événements, l’allié russe et la croix rouge ont en effet gelé leurs fonds de soutien. Pour la première fois, la Russie assiste à l’arrivée au pouvoir d’un homme qu’elle n’a pas soutenu.

 

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Gabrielle FRANCK

Gabrielle FRANCK est étudiante de niveau master, poursuivant un double diplôme «International Relations and Politics and Public Administration» dans les universités partenaires Charles (Prague) et Konstanz (Allemagne).

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