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Les révolutions de couleur dans l’ex-URSS: le Kirghizistan (4/5)

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La révolution des tulipes au Kirghizistan est la troisième révolution de couleur dans l’ex-URSS. Moins perméable à l’influence étrangère, elle catalyse les revendications sociales d’une population rurale laissée pour compte. Toutefois, elle ne marque pas une rupture dans l’orientation politique ni même un rapprochement avec les Occidentaux.

Une douloureuse transition

Askar Akaïev en 1994, président du Kirghizistan (1991-2005).
Askar Akaïev en 1994, président du Kirghizistan (1991-2005).

Comme beaucoup d’anciennes républiques socialistes soviétiques (RSS), le Kirghizistan entre dans une période de libéralisation politique et économique après la chute de l’Union soviétique. Cependant, à la différence de la Géorgie et de l’Ukraine, le nouveau président n’est pas l’ancien secrétaire général du parti communiste local. En effet, le 27 octobre 1991, l’ancien président de l’académie des Sciences, Askar Akaïev, devient président de la République kirghize. Rapidement, le pays est considéré comme un îlot démocratique avec l’émergence de nouveaux partis politiques. Une réforme politique en 1993 permet au président de nommer et révoquer les ministres et gouverneurs régionaux mais aussi de dissoudre l’Assemblée. Mais, le pays s’attire les faveurs des Occidentaux et est considéré comme un exemple de transition démocratique dans la région.

Dépourvu de ressources naturelles, enclavé et dépendant du commerce avec les autres anciennes RSS, le Kirghizistan connaît une chute de la production industrielle. Fin 1992, la capitale Bichkek accueille les premières livraisons de vivres et médicaments à destination des anciennes RSS de l’opération Provide Hope. Si de 2000 à 2005 le pays connaît une croissance frôlant 4 % par an, l’écart se creuse avec ses voisins d’Asie centrale. Une nouvelle monnaie est établie en 1993, le som. 5 ans plus tard, le Kirghizistan devient le premier état de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) à rejoindre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1998. Mais, le pays reste divisé économiquement entre le nord et le sud en raison des montagnes qui traversent le territoire d’est en ouest.

Un durcissement du pouvoir

En 1995 et 2000, A.Akaïev est réélu dans un climat marqué par un renforcement de l’Etat. Malgré la tenue des élections présidentielles et législatives, l’opposition est rapidement mise au pas après 1993 tandis que la liberté de la presse et la pratique religieuse sont drastiquement limitées. En parallèle, le nord du pays continue d’accaparer les richesses tandis que le sud est en proie avec la mouvance islamiste Hizb-ut-Tahrir. Mais, le Kirghizistan conserve le soutien des Occidentaux. En 1994, un partenariat pour la paix est signé avec l’OTAN auquel s’ajoute l’ouverture d’une base militaire américaine à Manas en 2001 à côté de Bichkek dans le cadre de l’intervention des Etats-Unis en Afghanistan

Malgré les réformes entreprises et l’équilibre entre la Russie et les Occidentaux, A.Akaïev voit son image se détériorer. En janvier 2002, des manifestations réclamant sa démission sont réprimées tandis que deux mois plus tard, des troubles dans le district d’Aksy, dans le sud du pays, entraînent la mort de six personnes. En février 2003, A.Akaïev entame une réforme constitutionnelle validée par un référendum entaché d’irrégularités. Ce dernier transforme le Parlement bicaméral en un parlement monocaméral de 75 sièges pour les élections législatives de février 2005.

Le tournant de mars 2005

Les élections législatives de février 2005 donnent lieu à des protestations accusant A.Akaïev de manipulations électorales. Les premières manifestations rassemblent une population rurale tandis que les leaders de l’opposition forment le Mouvement populaire du Kirghizistan (NDK). Il dénonce l’action de A.Akaïev et réclame sa démission. Mars 2005 marque un tournant avec  l’occupation du bureau du gouverneur mais aussi de la station de télévision et de l’aéroport dans les villes de Djalalabad et Och. Le 13 mars, l’opposition n’obtient que 6 sièges sur les 75 tandis que le 24 mars des dizaines de milliers d’individus se rassemblent dans la capitale Bichkek devant le principal bâtiment du gouvernement. Ce dernier est pris d’assaut entraînant la fuite de A.Askaïev en Russie. Le NDK, rassemblant l’opposition du nord et du sud fait nommer Kourmank Bakiev, originaire du sud, comme Premier ministre par intérim tandis que des élections présidentielles sont organisées pour juillet 2005.

Une transition échouée

Kourmank Bakiev, président du Kirghizistan (2005-2006).
Kourmank Bakiev, président du Kirghizistan (2005-2006).

Les élections présidentielles de juillet 2005 voient la victoire de K.Bakiev. Feliks Kulov est nommé Premier ministre. Ces derniers représentent  l’équilibre entre le nord et le sud du pays. Toutefois, les réformes tardent tandis que la mort de trois députés illustre les difficultés de changement au sein du pays. Une nouvelle fois, la colère s’empare des rues avec la création du Mouvement pour la Réforme. Ce dernier rassemble des ONG et opposants politiques réclamant un changement de constitution. Le 9 novembre, une nouvelle Constitution permet la nomination du Premier ministre par le Parlement. L’opposition réclame alors la formation d’un nouveau gouvernement prolongeant l’instabilité du pays. Les différents mouvements qui ont émergé à partir de mars 2005 illustrent une dynamique locale à la révolution kirghiz. Contrairement à la révolution orange et la révolution des roses, l’influence étrangère est moins perceptible.

Une révolution imperméable aux influences extérieures ?

La place stratégique du pays a rapidement mis de côté l’ambition des Occidentaux de faire du Kirghizistan l’îlot démocratique rêvé. La base militaire américaine de Manas est inaugurée en 2001 tandis qu’en 2002, les Russes ouvrent la base aérienne de Kant, pas loin de Bichkek. La Russie considère l’Asie centrale comme une région d’influence historique et stratégique. Après l’arrivée de K.Bakiev, Vladimir Poutine a rapidement ajusté sa politique étrangère en Asie centrale pour maintenir l’influence russe. Tirant les bénéfices de la CEI et de l’histoire, la Russie et le Kirghizistan restent liés. De plus, la communauté kirghize de Russie est vitale pour l’économie nationale à travers le transfert de fonds.

Les Etats-Unis ont participé à la révolution de tulipes à travers le soutien financer aux ONG locales avec l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) et des organisations privées comme la National Endowment for Democracy (NED). Cependant, l’aide occidentale est beaucoup moins palpable qu’en Ukraine et en Géorgie. Surtout, la révolution des tulipes obéit à une dynamique locale provenant du sud du pays. Les manifestants sont préoccupés par l’amélioration des conditions de vie qu’un véritable rapprochement avec l’Occident. L’appellation « tulipe » tire son origine de la participation de la population rurale du pays. En effet, la tulipe quadrille les campagnes kirghizes. L’utilisation de la tulipe comme symbole illustre le mécontentement d’une population rurale.

Une révolution sans fond

La révolution des tulipes a ouvert un cycle de révolution au Kirghizistan. K. Bakiev est écarté du pouvoir à la suite d’un mouvement de contestation, en avril 2010, après des élections législatives dont les résultats ont été contestés par l’opposition. R. Otounbaeva, ancienne ministre des Affaires étrangères, est nommée à la tête du gouvernement provisoire. Une nouvelle Constitution est adoptée par référendum en juin 2010. Elle prévoit l’instauration d’une République parlementaire constituant une originalité en Asie centrale, où les figures présidentielles dominent la vie politique.

La révolution des tulipes est une révolution moins connue que la révolution orange et la révolution des roses. Elle illustre la contestation d’une population face à un gouvernement inactif et gangréné par la corruption. Mais elle ne contient pas une volonté de se rapprocher de l’Occident. Elle a entraîné une autre révolution en 2010 illustrant les difficultés du Kirghizistan à se réformer.

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Mathis Puyo

Etudiant en études européennes à Sciences Po Strasbourg et titulaire d'une licence en économie gestion. Il s'intéresse particulièrement aux enjeux géopolitiques et économiques de l'industrie de la Défense en Europe.

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