Mais que se passe-t-il au Kirghizistan ?
L’actualité n’a beau retenir que la Coupe du Monde de foot, tâchons de nous intéresser malgré tout à ce petit pays d’Asie centrale, le Kirghizistan. Là-bas, des troubles opposent depuis des mois la minorité ouzbèke et populations kirghizes. Mais ces troubles ont pris une nouvelle ampleur depuis quelques jours, notamment au sud du pays.
A vrai dire, il faut remonter au mois d’avril 2010 pour comprendre (une partie) de l’histoire. Le président autoritaire Bakiev se fait chasser par bon nombre d’opposants (enfin ceux qu’il n’avait pas encore emprisonnés…). Il doit se réfugier en Biélorussie, chez son « ami », le non moins autoritaire Alexandre Loukachenko. Mais depuis, le fief de Bakiev, la ville d’Och, au sud du pays, est en proie à des combats en pleine rue, ponctués de crimes, tirs, incendies… Alors qu’on croyait que la « Révolution des tulipes » de 2004 avait amené pour de bon la démocratie, le Kirghizistan retombe, une fois de plus, dans la violence.
Voilà pour les faits. Mais cette opposition, qui pourrait passer inaperçue dans les journaux, comme ont pu l’être un temps les conflits caucasiens, sera peut-être exacerbée dans les prochains jours, si Etats-Unis, Chine, Russie décident de s’en mêler. Le gouvernement kirghize réclame l’aide de « la mère Russie », qui pourrait bien, grâce à cette crise, redorer son blason dans ses anciennes républiques, après l’épisode géorgien de 2008. A condition qu’elle ne monnaye pas son soutien en contreparties économiques ! Son envoi d’aide humanitaire, décidé ce jour, est peut-être la preuve que la Russie, et son duo Medvedev-Poutine, se sont résolus (enfin) à abandonner, pour un temps, ce qui fait d’elle un « Etat pré-moderne » * : violence, interventions musclées à l’étranger, voire désir de refaire ses marges.
Mais le voisin russe aura, encore une fois, maille à partir avec les Etats-Unis et la Chine. Tous deux possèdent une base militaire dans ce pays, la base américaine étant stratégique pour le conflit afghan. Faute de réel consensus sur l’affaire coréenne, les deux « Grands » devront certainement s’intéresser au dossier kirghize, surtout si celui-ci dégénère. A moins qu’il ne retombe dans l’anonymat général, de même que son lot d’atrocités. La démocratie kirghize est encore frêle. La tulipe de 2004 a, peut-être, déjà fané.
*Voir pour cela Robert Cooper, La fracture des nations, 2004