L’affrontement entre Gbagbo et le monde : un test pour l’Afrique
C’est la première fois que de grandes puissances mondiales et de nombreux pays africains défendent, de concert, une même cause. En cette fin d’année, tous souhaitent le départ de Laurent Gbagbo, non-élu par le peuple mais choisi par lui-même comme Président de la Côte d’Ivoire. Mais avec sa détermination, il est clair que l’on va pouvoir mesurer à quel point le monde est prêt à résoudre un problème qui nuit à l’Afrique depuis la décolonisation : la démocratie. Est-ce à dire, que derrière ce soutien massif à l’opposant élu Alassane Ouattara, l’ère des élections « volées » est terminée ? La prudence n’incite pas à l’optimisme.
L’ONU maintient ses forces pour six mois de plus. Le FMI annonce qu’il ne viendra en aide qu’à un gouvernement reconnu par l’ONU. L’UE gèle les avoirs de Gbagbo et de ses proches. Autant de menaces censées faire capoter le projet de maintien au pouvoir de Gbagbo. Pourquoi tant de précautions pour un leader, qui, comme beaucoup d’autres sur le continent noir, pèse peu sur la scène mondiale et ne respecte aucunement la démocratie ? N’importe laquelle de ces pressions devrait faire réfléchir n’importe quel gouvernement « normal ». Mais Gbagbo est au-delà, car le soutien interne de l’armée et sa mainmise sur le cacao ivoirien comptent bien plus pour lui que les timides pressions étrangères. Il pourrait, à la manière d’un Mugabe avec Morgan Tsvangirai, forcer son principal opposant à intégrer le prochain gouvernement. Mais il n’en est rien.
Cependant, à long terme, ces pressions, si elles perdurent, pourraient changer pas mal de choses. Imaginer que les soldats et autres agents administratifs ne soient pas payés (faute d’aides étrangères), et la situation pourrait se retourner… Imaginer également un embargo sur le cacao ivoirien ne semble pas, en revanche, une bonne solution, asphyxiant encore plus l’économie ivoirienne, tout en faisant pression sur les marchés mondiaux de cacao. Quid d’une intervention armée étrangère ? Là aussi, difficile d’imaginer quelconque action. Le seul précédent remonte à une intervention africaine aux Comores en 2008, là encore après une élection bardée de fraudes. Mais c’est pourtant le plus plausible, à terme, si rien ne se résout (et c’est d’ailleurs la volonté de Guillaume Soro, le Premier Ministre « théorique » choisi par Ouattara, représentant des populations du nord du pays).
En tout cas, la situation ivoirienne n’est pas une incitation pour les autres peuples africains à aller voter lors des élections de 2011, dans des pays comme le Nigeria, le Cameroun, l’Ouganda, où des élections présidentielles se tiendront. Quoique : ils pourront difficilement faire pire que la situation en Côte d’Ivoire ! Elle démontre aussi que les pays occidentaux sont prêts à lâcher politiquement des anciens alliés. La saga antidémocratique se poursuit donc autour du monde, finissant par toucher l’Afrique de l’Ouest. Qui est le suivant ?