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Yémen : Les espoirs déçus d’un règlement politique du conflit

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Le pays est en proie, depuis 2014, à la « pire crise humanitaire au monde » selon les mots de l’administrateur du programme des Nations Unies pour le développement, Achim Steiner. Mardi 15 juin dernier, l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Yémen a annoncé que les parties au conflit étaient « incapables de surmonter leurs divergences » en dépit des diverses tentatives de règlement politique amorcées par l’organisation onusienne.

Yémen : Les espoirs déçus d’un règlement politique du conflit
Sanaa, la capitale du Yémen, ravagée par plus de cinq années de conflit.

La marginalisation des Houthis a nourri une rancœur explosive

Outre sa fragmentation tribale, le Yémen est partagé entre les montagnes septentrionales d’un côté et les plaines méridionales ainsi que littorales, de l’autre. Cette opposition recoupe la division religieuse pluriséculaire du Yémen entre, au Nord-Est, le zaydisme, ramification modérée du chiisme minoritaire dans le pays, et au Sud, le sunnisme chaféite – le chiisme et le sunnisme représentant les deux branches principales de l’Islam, terreaux de multiples conflits au Moyen-Orient. Le zaydisme comporte une dimension politique et fut l’idéologie de la monarchie yéménite en place dans l’actuel Nord du Yémen de 1918 à 1962. Exclus depuis cette révolution de 1962 de la modernisation économique et du jeu politique, les zaydites sont galvanisés par le député zaydite charismatique Hussein Badreddine al-Houthi. Ce dernier fonde une faction armée en 1992 qui portera son nom à sa mort en 2004.

L’affrontement oppose les partisans du Président yéménite Hadi appuyés militairement par une coalition arabe menée par l’Arabie Saoudite aux rebelles houthistes soutenus financièrement par l’Iran, auquel s’ajoute la menace djihadiste (Al-Qaïda et l’État Islamique) profitant du désordre pour gagner des territoires dans le pays. Cette guerre plonge la population dans un chaos sans précédent, provoquant une famine et une pénurie d’eau potable qui toucheraient selon l’ONU près de 8 millions de personnes, un exode massif des populations et des conditions sanitaires déplorables ne permettant pas d’enrayer l’épidémie de choléra qui se développe depuis 2016 et qui aurait déjà touché plus d’un million de personnes, à laquelle s’ajoute celle de la Covid-19 depuis l’an dernier.

Les origines

Président depuis l’unification des deux Yémen en 1990, Ali Saleh fut toutefois emporté par la vague des Printemps arabes venue de Tunisie en 2010. Cette révolution – menée initialement par des étudiants – fait le jeu des houthis, en guerre contre le gouvernement de 2004 à 2011 et soutenus officieusement par l’Iran, et d’une branche locale d’Al-Qaïda, qui créé un mouvement populaire pour fédérer les sympathisants en feignant de prendre en compte des enjeux sociaux – tous deux tirant profit de l’affaiblissement du régime et dévoyant le « Printemps yéménite ». Ali Saleh négocie ainsi son départ en échange de son immunité au début de l’année 2012 et cède la place à son vice-président, Abdel Rabbo Mansour Hadi.

Ce dernier ne parviendra jamais à rétablir l’autorité étatique. Imposant rapidement un redécoupage administratif du pays en six provinces dont l’une prive Saada de l’accès à la mer Rouge et des retombées économiques l’accompagnant, il exacerbe la colère des houthistes marginalisés. En septembre 2014, ces derniers entrent en force dans la capitale Sanaa, marquant le début de la guerre civile yéménite toujours en cours.

Un conflit instrumentalisé par l’Iran et l’Arabie-Saoudite

En mars 2015, l’Arabie Saoudite, sous la houlette de Mohammed Ben Salman, prince héritier du Royaume, réagit et lance l’opération Tempête décisive avec huit autres pays arabes, soutenue par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Elle vise à restaurer le président Hadi et bombarder les zones sous domination houthie. L’intervention, qui ne devait durer que quelques semaines, s’enlise au point de devenir le « Vietnam de Ryad ».

Ce conflit s’inscrit dans le cadre de la lutte pour l’hégémonie régionale que se livrent l’Arabie Saoudite et l’Iran, qui soutient financièrement les houthis, et constitue ainsi une guerre par procuration. Ces deux puissances ont en effet émergé comme les principales puissances régionales suite à l’affaiblissement de l’Irak après la guerre du Golfe (1991). Leur opposition s’accentue en 1979 avec l’avènement de la République islamique iranienne, profondément antiaméricaine et perçue comme une menace par l’Arabie, monarchie conservatrice alliée des États-Unis. Chacun des deux blocs instrumentalise une branche de l’Islam – l’Iran soutenant le pouvoir chiite en place à Bagdad et les minorités chiites dans les pays arabes (dont les houthis), tandis que l’Arabie Saoudite veille au rayonnement sunnite.

Des négociations au point mort

L’ancien président Saleh déchu restait néanmoins influent dans le jeu politique yéménite. Il avait entrepris en 2017 de discuter un plan de paix avec la coalition saoudienne, après avoir tourné le dos à ses alliés houthis – qu’il soutenait, dans l’espoir de déstabiliser le nouveau gouvernement et revenir au pouvoir après les avoir pourtant violemment combattus pendant des années – en les traitant de « simples milices » non représentatives des zaydites. Il fut finalement condamné à mort pour « trahison » et abattu par les houthis.

Le 9 avril 2020, la coalition dirigée par l’Arabie-Saoudite annonça un cessez-le-feu pour prévenir la propagation du coronavirus sur le territoire yéménite. Si le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait salué cette décision et y voyait une possibilité de faire avancer la paix, force est de constater que cette perspective paraît désormais lointaine tant les combats ont repris rapidement et les négociations se sont enlisées.

Le 15 juin dernier, l’émissaire de l’ONU pour le Yémen dressa même un constat d’échec des multiples efforts déployés par l’organisation onusienne pour permettre un règlement politique du conflit, annonçant que les nombreuses solutions proposées aux parties n’avaient permis aucune avancée concrète. La semaine suivante, des combats pour le contrôle de la province de Marib, au nord du pays, faisaient plus de cent morts en seulement trois jours.

De l’«Arabie heureuse », surnom que les Grecs et Romains prêtaient autrefois au Yémen grâce à ses conditions climatiques favorables dans une région pourtant aride, il ne reste aujourd’hui qu’un lointain souvenir…

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