Les tensions Russie – Ukraine : un point sur la région méditerranéenne
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine reprend de plus belle : l’un menace d’envahir l’autre et l’autre appelle à l’aide la communauté internationale par peur d’une invasion imminente. En décembre dernier, la Russie a déployé massivement des troupes militaires à la frontière avec l’Ukraine ce qui a fortement inquiété Kiev. Déjà en avril 2021, Poutine avait déployé pendant plusieurs semaines des dizaines de milliers de soldats à la frontière prétextant des “exercices militaires” contre des comportements « menaçants » de l’OTAN. Néanmoins, en décembre, l’excuse n’était pas la même : l’Ukraine aurait regroupé des troupes dans l’est de son territoire. Actuellement, du fait des ses acteurs et de sa géographie, ces tensions ont des répercussions sur la géopolitique mondiale, notamment dans la région du bassin méditerranéen, voisin du conflit. Les leaders de l’OTAN réagissent, les alliés de Poutine se positionnent et la mer Méditerranée devient un espace de manœuvres.
Le président Emmanuel Macron avertit l’Union Européenne à Strasbourg
Emmanuel Macron a discouru le mercredi 19 janvier 2022 concernant la présidence française de l’Union européenne devant les parlementaires de Strasbourg. Cette présidence temporaire du Conseil européen par la France s’exercera jusqu’au 30 juin 2022. Parmi les nombreux points abordés lors de son discours, le Président français à mentionné « un retour de la guerre » aux portes de l’Europe. Pour lui, l’Union européenne doit repenser sa politique de voisinage pour devenir une véritable « puissance d’équilibre« . Emmanuel Macron a donc annoncé les objectifs concernant la politique étrangère européenne, en particulier avec les pays limitrophes de l’Union.
En effet, le Président français a pour but d’apaiser les relations tendues avec la Russie. Le Président rappelle que « des principes et des règles » rejetant « le recours à la force, à la menace et à la coercition » ont été établis avec le géant russe il y a une trentaine d’années. Il affirme qu’un « nouvel ordre de stabilité et de sécurité européen » fort ainsi qu’un « dialogue franc » avec la Russie sont nécessaires pour faire respecter ses engagements. Emmanuel Macron souhaite en ce qui concerne la situation en Ukraine trouver une solution efficace afin de calmer les tensions.
L’OTAN cristallise les tensions
Quelques jours plus tard, le vendredi 21 janvier, une rencontre entre les chefs de la diplomatie russe et américaine a été organisée à Genève, sans aucune véritable amélioration. Antony Blinken a assuré une réponse « unie, rapide et sévère » de la part des Etats-Unis en cas d’invasion de l’Ukraine. Il y eut même un regain de tensions, qui poussera les États-Unis, quelques jours plus tard, à rapatrier leur corps diplomatique en poste à Kiev.
Washington a, en effet, rappelé le dimanche 23 janvier les familles de ses diplomates installées en Ukraine et a fortement déconseillé les voyages sur le territoire russe. Les Américains auraient écarté une des requêtes maîtresses de la Russie à savoir le rejet de l’adhésion de l’Ukraine dans l’OTAN. Les Etats-Unis proposent cependant une “voie diplomatique” pour empêcher que le conflit éclate. La vice-secrétaire d’Etat américaine Wendy Sherman avait déclaré que tout indiquait que le président Vladimir Poutine allait “faire usage de la force militaire à un moment donné, peut-être entre maintenant et mi-février”. Moscou exige de son côté des garanties pour sa sécurité.
La Méditerranée, un terrain de manœuvre militaire
La Méditerranée a été le lieu des exercices navals de l’OTAN avec la participation du porte-avions américain USS Harry Truman, le lundi 24 janvier. Le Pentagone a assuré que ces exercices n’avaient rien à voir avec les tensions autour de l’Ukraine. Cependant, le “Neptune Strike 2022” ne figurait pas sur la liste des exercices prévus en 2022 publiée le 14 décembre par l’Otan sur son site internet. La Russie a elle-même annoncé des manœuvres navales. Par ailleurs, le mardi 1er février, le Charles de Gaulle est parti de Toulon pour un déploiement de trois mois dans la mer Méditerranée. Le porte-avions français a à son bord environ deux milles marins, vingt avions Rafale, deux avions de surveillance Hawkeye et trois hélicoptères. Le ministère des Armées français a justifié cette quatorzième mission en qualifiant la Méditerranée comme une « zone stratégique marquée par le durcissement de tensions régionales ».
La Turquie temporise
La position du président turc Erdogan au sein de ce conflit n’est pas la plus simple. La Turquie est un partenaire politique et économique privilégié de la Russie mais reste également un allié militaire de l’Ukraine de premier plan. Le pays effectue un véritable jeu d’équilibriste depuis novembre dernier afin de ne pas froisser ses deux alliés de taille. Erdogan prétendant entretenir des relations privilégiées avec les deux pays se voudrait être le médiateur de ce conflit. Il a déclaré le 26 janvier qu’en « réunissant les deux dirigeants [Zelensky et Poutine] dans [son] pays s’ils le souhaitent, [il pouvait ] ouvrir la voie au rétablissement de la paix » . Cependant, le 3 février, Recep Tayyip Erdogan s’est rendu à Kiev afin de renforcer un partenariat militaro-industriel, ce qui a été vu d’un très mauvais œil par la Russie. Depuis la frappe d’octobre considérée comme une “provocation” pour Poutine, les relations russo-turques s’étaient refroidies.
La région du Maghreb ne prend pas partie mais mesure les conséquences du conflit
Même si les pays d’Afrique du Nord ne s’immiscent pas dans la gestion du conflit Russie-Ukraine, ils seraient tout de même en faveur d’une résolution rapide et sans trop d’encombres. En effet, ils pourraient en subir les conséquences économiques, notamment par le biais des échanges ou par la fluctuation des cours des produits de base. La Russie comme l’Ukraine sont deux grands exportateurs de produits agricoles : environ 10% des exportations mondiales de blé pour la Russie chaque année et 5% pour l’Ukraine.
Les pays de la région du MENA sont l’une des régions du monde les plus dépendantes des importations de blé dont plus de la moitié de l’approvisionnement des pays provient souvent de l’Ukraine ou de la Russie. Un potentiel conflit entraînerait la perturbation de leurs importations, étant obligés de se tourner vers d’autres exportateurs à des prix bien moins avantageux. De plus, rappelons que la Russie étant l’un des premiers exportateurs mondiaux de pétrole brut, une nette baisse de ses exportations pourrait entraîner une flambée des cours. Les pays d’Afrique du Nord, importateurs de pétrole pourraient alors subir une hausse de leur facture énergétique nationale. Des pays comme le Maroc, par exemple, qui importe environ 20 % de son pétrole de Russie.
Programme Monde Méditerranéen et Proche Orient