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L’inflation dans la zone euro et la réaction de la Banque centrale européenne

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Le 9 juin, la Banque centrale européenne a fait le choix de relever ses taux directeurs afin de lutter contre l’inflation. L’inflation est réapparue dans la zone euro à la fin de l’année 2021 et se renforce un peu plus chaque mois de l’année 2022. Alors que la Fed a déjà relevé ses taux directeurs plusieurs fois depuis le mois de mars, la Banque centrale européenne, elle, s’est montrée plus prudente puisqu’elle a attendu le mois de juin pour effectuer sa première hausse.  

Les causes de l’inflation

Christine Lagarde, la présidente de la BCE
Christine Lagarde, la présidente de la BCE
World Economic Forum from Cologny, Switzerland, CC BY-SA 2.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0CC BY-SA 2.0 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0>, via Wikimedia Commons

L’inflation est réapparue en Europe à la fin de l’année 2021. Cette inflation est avant tout causée par la réouverture de l’économie après des mois de restrictions instaurées par plusieurs états pour endiguer la pandémie de la Covid-19. En effet, la baisse de l’activité des entreprises causée par les restrictions a entrainé un choc de l’offre alors que la demande n’a pas autant baissé en raison des différentes politiques keynésiennes (politiques de relance) qui ont été menées. Par ailleurs, les conditions météorologiques de l’année 2021 ont contribué à la hausse des prix de l’énergie. En effet, le faible vent au Royaume-Uni a conduit à un arrêt des éoliennes, la sécheresse au Brésil a entrainé une diminution de la production d’énergie hydroélectrique et l’hiver particulièrement froid a augmenté la demande pour le gaz et le pétrole.

Ainsi, l’inflation sur un an dans la zone euro a atteint 5% en décembre 2021 contre -0,3% en décembre 2020 et 1,4% en décembre 2019. Ce phénomène ne se limite pas à la zone euro comme le montre l’inflation enregistrée au niveau mondial qui est passée de respectivement 2,2% et 1,9% en 2019 et 2020 à 3,4% en 2021.

La guerre en Ukraine a accéléré la hausse des prix.  Avant le conflit, l‘Ukraine était le quatrième exportateur mondial de blé, l’un des principaux exportateurs de fer et d’acier ainsi que le premier exportateur mondial d’huile de tournesol (près de la moitié des exportations mondiales). Le choc de l’offre créé par la baisse de l’exportation de ces produits fait que l’inflation sur un an dans la zone euro a atteint 8,1% en mai 2022.

Des facteurs susceptibles de renforcer l’inflation

Les estimations récentes prévoient que la production de céréales et d’oléagineux en Ukraine devrait baisser de près de 40% en 2022 par rapport à l’année 2021. La production de maïs, elle, devrait baisser de près de 30%.

Quant à la hausse des prix de l’énergie, cette dernière devrait être renforcée par la réduction par la Russie du volume de gaz exporté vers les pays européens . En avril et en mai, la Russie a cessé d’exporter son gaz vers les pays qui refusaient de payer en rouble à savoir la Pologne, la Bulgarie, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande.  Au cours du mois de juin, la Russie a réduit ses exportations de gaz vers la France, l’Allemagne et l’Italie. En effet, le 16 juin, Gazprom a annoncé qu’il n’utilisait plus que 40% des capacités du gazoduc Nord Stream 1. Cette baisse des exportations de gaz a immédiatement impacté le prix du gaz qui a augmenté de 60% en une semaine. De nouvelles réductions d’exportations de gaz vers les pays de l’Union européenne dans les semaines à venir renforceraient un peu plus l’inflation.

Une réaction prudente de la Banque centrale européenne

Afin de limiter l’inflation, le BCE a donc logiquement fait le choix de remonter ses taux directeurs.  Le 9 juin, elle a annoncé qu’elle les relèvera de 0,25 points en juillet et a ouvert la porte à une nouvelle hausse en septembre. Cette approche est prudente si on la compare à celle de la FED. En effet, la BCE a attendu le 9 juin pour annoncer la hausse de ses taux alors que la FED les avaient déjà relevés d’un quart de point le 16 mars et d’un demi-point en mai. Le 15 juin, la Fed a de nouveau relevé ses taux directeurs (de trois quarts de points).

Cette prudence peut être expliquée par les disparités d’inflation existants entre les pays de la zone euro ce qui limite la marge de manoeuvre de la BCE. En effet, en mai 2022, l’inflation sur un an était respectivement de 5,6% et 5,8% à Malte et en France alors qu’elle était respectivement de 20,1% et 18,5% en Estonie et en Lituanie.

La BCE craint qu’une hausse des taux trop brusque précipite une récession. Il convient de rappeler que les hausses des taux directeurs effectuées par la FED au cours des années 2000 ont favorisé le déclenchement de la crise des subprimes. Une remontée importante des taux impacterait fortement les marchés boursiers qui sont déjà négativement touchés par les hausses des taux effectuées jusqu’à maintenant. La BCE ne souhaite également pas que les Etats et entreprises endettés souffrent trop de la hausse des taux.

Si cette approche prudente limite le risque de récession et protège les acteurs les plus endettés, l’inflation risque de perdurer ce qui nuirait à l’épargne des particuliers et renforcerait la dévaluation de l’euro.

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Alexis STANKEVITCH

Alexis Stankevitch, étudiant à Sciences Po Paris, est passionné par la géopolitique et les Relations Internationales et plus particulièrement par celles qui sont liées à l'Europe de l'Est, la Russie et la Turquie.

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